Non. Cette négociation devrait même se dérouler au niveau européen, pour éviter des compétitions entre pays européens...
Geodis, structure logistique pour acheter les masques en Chine, a remplacé durant une semaine les grossistes répartiteurs ; cela n'a pas fonctionné, et s'est arrêté de suite. Ce métier de logisticien pour les 21 000 pharmacies est un métier de spécialistes, on ne peut s'improviser grossiste répartiteur en une semaine. L'État a compris que ce n'était pas la bonne stratégie et a réagi immédiatement.
Je rappellerai les dates concernant la gestion des masques par le réseau pharmaceutique. Nous étions en lien avec le ministère de la santé et pas celui de l'économie, ce qui a sans doute posé certains problèmes, voire créé des incompréhensions.
Le 18 février, nous nous sommes portés volontaires pour distribuer des masques. Le ministre de la santé l'a approuvé. Le 2 mars, nous avons commencé la distribution aux professionnels de santé - dont les pharmaciens étaient exclus jusqu'au 15 mars, et il a fallu un mois pour que nos préparateurs en pharmacie en aient !
Le 3 mars a eu lieu la réquisition de tous les masques. De nombreuses entreprises devant assurer le fonctionnement de leur activité devaient avoir des masques, comme l'industrie pharmaceutique ou les entreprises en contact avec la population.
Le 21 mars, il y a eu une levée partielle des réquisitions pour permettre l'achat et la revente à des entreprises en ayant besoin - mais pas au consommateur.
Le 5 avril, une instruction interministérielle des directions générales du travail, des douanes, de la consommation, de la santé, établissait que les masques, les EPI et les dispositifs médicaux ne devaient pas être commercialisés pour les consommateurs. Cette instruction ayant été confirmée à plusieurs reprises à la suite de nos demandes, nous sommes restés sur cette position interministérielle. Lorsque des masques ont commencé à arriver, nous les avons donc proposés aux patients fragiles, gratuitement, jusqu'en juin. Nous n'avons toujours pas été rémunérés de ce travail. En juin, nous avons été rémunérés, d'un euro, pour cette distribution de masques aux professionnels... Or il fallait réceptionner des boîtes de 50 masques, les ouvrir dans un lieu isolé, compter 14 masques par semaine, les remettre en sachet pour le professionnel de santé et assurer leur traçabilité. Nous avons géré ce travail pour aider les professionnels et sans surstocker, pour éviter davantage de pénurie.
Mais le 29 avril, nous avons été surpris : le Premier ministre a annoncé qu'on pouvait distribuer des masques à tous les consommateurs, sans nous avoir avertis. M. Creyssel vient de nous dire que le 14 avril, la grande distribution avait été associée à une réunion pour modifier la doctrine, sans que les pharmaciens ne soient jamais associés ! Il aurait mieux valu que les deux réseaux soient complémentaires. Nous avons été exclus de ces réunions. Nous avons appris par la presse et les opérations de communication que certaines enseignes avaient 30 millions de masques, d'autres 80 millions ! Mais c'était compliqué ; certaines enseignes les vendaient par paquet de dix, d'autres exigeaient la carte de fidélité de leur magasin pour en vendre ou un caddie minimal de trente euros... (M. Jacques Creyssel le conteste).
J'ai des preuves. Ces pratiques ne convenaient pas à une gestion de crise sanitaire.
Nous étions gênés, car nous avions expliqué à tous les pharmaciens qu'il ne fallait pas vendre au consommateur. Les deux ou trois pharmacies qui l'ont fait ont été punies très sévèrement par le conseil de l'ordre. Il y a donc eu un dysfonctionnement. Un ministère ne peut pas interdire la vente au consommateur si un autre ministère organise en même temps l'approvisionnement pour d'autres ! Cela a créé des tensions inutiles.
Nous avons insisté pour qu'il y ait un encadrement des prix, afin d'éviter d'être en situation d'opportunité en période de crise. Il y a donc eu un prix maximal de vente et un prix intermédiaire. Le prix maximal - lorsque seul le transport aérien était possible - était d'un euro par masque. Cela ne veut plus rien dire aujourd'hui, car nous avons désormais d'autres modes de transport qui réduisent les coûts. Désormais, tout le monde vend des masques à un prix inférieur au prix maximal.