Les CPTS ont largement contribué à créer du lien entre les professionnels de santé, même lorsqu'il s'agissait de communautés naissantes, elles nous ont permis de communiquer, d'échanger avec l'hôpital, avec les services d'urgences, sur leur situation, sur l'existence d'un système d'accueil pour tel ou tel type de patients, sur la coordination avec les infirmières intervenant auprès de patients susceptibles d'être contaminés, tout cela a amélioré la situation et a soudé le territoire, parce que nous partagions des informations. C'est très intéressant et cela démontre que le travail coordonné permet de gagner du temps.
S'agissant des masques grand public, nous avons eu l'autorisation d'en vendre le 26 avril, après plusieurs demandes. Auparavant, nous n'en avions pas le droit, nous ne pouvions pas en acheter, alors que l'approvisionnement était tendu, et nos fournisseurs ne prenaient pas le risque d'en commander en l'absence d'autorisation.
Leur qualité dépendait alors surtout du nombre de lavages possibles. Nous avons subi une pression légitime du ministère de l'économie pour éviter que ne se mettent en place des mécanismes d'opportunité de certains fabricants avec des prix déraisonnables. On voit aujourd'hui que ces masques ne sont pas prioritaires : ils sont moins utilisés que les masques jetables, ce qui pose d'autres problèmes, écologiques, en particulier.
En ce qui concerne le calendrier, nous avons commencé à distribuer le 2 mars. Les pharmaciens ont été exclus du bénéfice de ces masques jusqu'au 15 mars ; pendant quinze jours, nous n'étions donc pas censés porter de masque. Imaginez la réaction des pharmaciens, qui n'étaient pas reconnus comme professionnels de santé, mais qui devaient en distribuer à leurs confrères médecins ! Bien sûr, comme l'a dit Philippe Besset, nous avons désobéi, sinon nous aurions dû arrêter notre activité, notre personnel refusant légitimement de travailler sans protection. Ce n'est que le 20 avril que les préparateurs ont eu accès aux masques, alors qu'ils se trouvaient dans la même situation que nous. On voit bien aujourd'hui, alors que l'on sait que dans des locaux étroits tout le monde doit être masqué, que nous avons eu raison de protéger tout notre personnel.
En ce qui concerne la réquisition, nous n'avions plus de masques à ce moment-là. Nous n'en avions pas besoin, nous n'avions donc pas de stock et nous n'en vendions pas, car il n'y avait pas de demande. Certains d'entre nous avaient un vieux stock datant de l'épidémie H1N1. D'autres professions ont été sollicitées et nous avons été surpris de voir les dentistes restituer tous leurs masques FFP2 : quand ils ont pu reprendre leur activité, il n'avait plus ni masques ni blouses et la pénurie les empêchait toujours de s'approvisionner. Il faudra en tirer les leçons et conserver un stock tampon chez les professionnels dans la perspective de la reprise de leur activité.