Intervention de Stéphane Diémert

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 1er mars 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Stéphane Diémert sous-directeur des affaires politiques au ministère de l'outre-mer

Stéphane Diémert, sous-directeur des affaires politiques au ministère de l'outre-mer :

A titre liminaire, M. Stéphane Diémert a rappelé que l'article 73 de la Constitution autorisait des dérogations à la règle d'identité législative dans les départements et régions d'outre-mer pour tenir compte des contraintes et caractéristiques locales ; ces dérogations sont soumises au contrôle de proportionnalité du Conseil constitutionnel. L'article 74 permet d'édicter des règles distinctes du droit commun, sous réserve du respect des dispositions constitutionnelles.

Il a souligné que les collectivités d'outre-mer n'étaient pas soumises au droit communautaire, qui s'applique en revanche dans les départements d'outre-mer (DOM), à l'exception des accords de Schengen sur la libre circulation.

Il a ensuite indiqué qu'il entendait présenter, dans la première partie de son exposé, les possibilités d'adaptation de nos règles de droit aux particularités existant outre-mer, avant d'examiner les modalités d'association des collectivités ultramarines à la politique d'immigration de l'Etat, puis les possibilités d'évolution du statut civil de droit local ouvertes par l'article 75 de la Constitution.

Sur l'adaptation de nos règles de droit outre-mer, M. Stéphane Diémert a d'abord noté que les conditions d'entrée et de séjour des étrangers outre-mer avaient longtemps fait l'objet de règles dérogatoires. Elles sont désormais régies par les règles de droit commun, sous réserve de quelques adaptations permises par l'article 73 de la Constitution : les recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière n'ont ainsi pas de caractère suspensif en Guyane et à Saint-Martin et des possibilités de fouille sommaire de véhicules sont prévues en Guyane. Les possibilités d'adaptation des règles de droit commun sont certainement plus importantes encore dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Il a insisté sur le caractère spécifique des règles applicables aux étrangers, qui permettrait, selon lui, d'apporter des dérogations au principe d'égalité plus importantes que celles qui seraient admissibles entre citoyens français.

a ensuite souligné que le droit de la nationalité outre-mer, en dehors des DOM, avait longtemps été régi par des dispositions particulières. Jusqu'en 1993, un enfant né dans ces territoires devait avoir au moins un parent de nationalité française pour obtenir lui-même la nationalité française. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ces questions est cependant limitée. Une décision du 12 février 2004 relative au statut de la Polynésie semble indiquer que des dispositions spécifiques peuvent s'y appliquer, mais dans certaines limites ; il serait par exemple difficilement envisageable que les règles de transmission de la nationalité française des parents à leurs enfants soient différentes sur certaines parties du territoire. Il en va différemment en matière de naturalisation, le principe de souveraineté permettant à l'Etat de choisir ses ressortissants. Le principe d'indivisibilité de la République ne fait pas obstacle à ce que des règles différentes soient édictées sur certaines parties du territoire en matière de droit de la nationalité, dès lors qu'elles restent définies par l'autorité centrale.

Abordant la question du droit social, il a rappelé que l'accès des étrangers en situation régulière aux régimes de protection sociale était garanti par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aussi bien en métropole qu'outre-mer.

Dans la deuxième partie de son exposé, M. Stéphane Diémert a d'abord rappelé que les exécutifs de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie étaient consultés sur les décisions de délivrance de titres de séjour, en raison de la compétence qui leur est reconnue en matière d'accès des étrangers à leur territoire. Il a ajouté que les collectivités étaient également consultées sur les projets de loi ou de décret les concernant.

Les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution peuvent, en outre, participer à l'exercice des compétences régaliennes de l'Etat, en fixant des règles législatives ou réglementaires. La Polynésie a usé de cette faculté, par exemple pour assouplir les conditions d'entrée des touristes sur son territoire.

Dans les DOM, une consultation des exécutifs locaux sur la délivrance des titres de séjour et des autorisations de travail serait envisageable, de même qu'une adaptation des règles régissant l'emploi des étrangers.

Il a conclu en évoquant les possibilités d'évolution du droit local en vigueur à Mayotte. Sa suppression serait contraire à l'article 75 de la Constitution, mais le législateur peut y apporter des modifications, comme l'a montré récemment l'exemple des amendements « Kamardine », interdisant la polygamie. D'autres modifications pourraient être envisagées, comme l'obligation de célébrer les mariages devant un officier d'état civil ou la possibilité de reconnaître les enfants naturels.

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