La commission d'enquête a tout d'abord entendu M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement au ministère des affaires étrangères, accompagné de M. Jean-Christophe Deberre, directeur des politiques de développement, de M. Jean-Claude Kohler, chef du bureau Afrique-Océan indien, et de Mme Sarah Lahmani, chargée de mission à la direction des politiques de développement.
a souligné que la France jouait un rôle moteur en matière d'aide publique au développement et rappelé qu'elle était le premier contributeur des pays du G8 au regard de la part de cette aide dans le revenu national brut. Il a ajouté qu'à l'initiative du président de la République, une conférence sur les financements innovants du développement venait d'être organisée à Paris les 28 février et 1er mars 2006.
Il a indiqué que la politique de coopération française s'efforçait depuis de nombreuses années de réduire la pression migratoire en favorisant le développement des pays d'origine des migrants. Observant que l'attention de l'opinion publique française avait récemment été attirée sur les liens entre immigration et aide au développement par les drames de Ceuta et Melilla, il a précisé que, depuis ces événements, la direction générale de la coopération internationale et du développement avait relancé les travaux de son réseau d'experts sur ce thème.
a rappelé que la France s'était engagée depuis une dizaine d'années dans une politique de co-développement, qui suscite aujourd'hui l'intérêt des autres Etats occidentaux. Il a exposé que cette politique avait conduit :
- en premier lieu, à la mise en place de fonds de solidarité prioritaire, d'abord au Mali puis aux Comores, au Sénégal et dans d'autres Etats de l'Afrique subsaharienne, au Maroc, au Vanuatu, en Haïti et en Ethiopie, afin de financer des projets de développement local et des projets de réinsertion professionnelle de migrants en s'appuyant, dans le cas du Mali, sur des diasporas actives et structurées ;
- en second lieu, à l'élaboration d'un projet de mobilisation des diasporas scientifiques, techniques et économiques de sept pays émergents -l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Cambodge, le Laos, le Vietnam et le Liban- consistant à appuyer les initiatives des universitaires, chercheurs, ingénieurs, cadres d'entreprises issus de ces pays et établis en France et, ainsi, à favoriser « le retour de l'intelligence » dans les pays d'origine des migrants.
Il a précisé que le projet de mobilisation des diasporas scientifiques, techniques et économiques s'était traduit par le développement des coopérations universitaires, avec des résultats mitigés mais quelques succès significatifs comme celui des écoles inter-Etats de Ouagadougou, et la création de doubles chaires, permettant à un Français ou à un étranger d'occuper des fonctions, notamment de recherche ou d'enseignement, à la fois en France et dans son pays d'origine.
a estimé que la politique de coopération, dans son volet lié à la politique d'immigration, devait concentrer son action dans trois domaines : les transferts de fonds des migrants, le retour des compétences et le développement local.
Relevant que les transferts de fonds opérés chaque année par des migrants étaient estimés par la Banque mondiale à 200 milliards de dollars, soit un montant près de trois fois supérieur à celui de l'aide publique au développement, il a souligné la nécessité d'inciter les détenteurs de ces capitaux à les utiliser pour financer des projets contribuant au développement de leur pays d'origine. A titre d'exemple, il a évoqué le programme « 3 pour 1 » lancé par le Mexique en 2002, consistant dans un abondement à due concurrence, par le gouvernement fédéral et les autorités locales de cet Etat, des sommes investies dans leur pays par les Mexicains émigrés aux Etats Unis. Il a également mentionné une expérience impliquant les organismes de crédit, en cours entre l'Espagne et l'Equateur. Enfin, il a jugé nécessaire, pour encourager ces investissements, de réduire le coût des transferts financiers et de faciliter l'accès à l'intermédiation bancaire.
Au titre des actions destinées à favoriser le retour dans leur pays d'origine des compétences acquises par les migrants, M. Philippe Etienne a mentionné l'initiative prise par des personnalités de la diaspora africaine dans le cadre de l'Institut de la Banque mondiale, baptisée « Nelson Mandela », de créer sur le continent africain des instituts de sciences et de technologies. Il a ajouté que la France entendait participer à cette initiative en soutenant les écoles régionales inter-Etats. Il a également souligné la nécessité d'adapter les formations et d'aider les étudiants sortant de ces écoles à créer des entreprises dans leur pays, les doubles chaires lui semblant de nature à améliorer l'encadrement universitaire. Enfin, il a évoqué l'expérimentation de formations supérieures à distance, notamment dans le domaine de la santé, permettant d'éviter le « pillage des cerveaux ». Il a expliqué que ces différents projets étaient soutenus par la direction générale de la coopération internationale et du développement dans le cadre soit des relations bilatérales avec les pays d'origine des migrants, soit de l'Agence universitaire de la francophonie.
Au titre de l'aide au développement local, M. Philippe Etienne a souligné les actions entreprises par la France dans des régions comme celles de Kayes au Mali, d'Anjouan aux Comores ou des Nippes dans le sud-ouest d'Haïti, qui constituent des points de départ vers la France d'un grand nombre de migrants. Convenant que ces actions n'avaient pas encore permis d'enrayer les flux migratoires, il a marqué sa volonté de les développer dans la limite des moyens budgétaires alloués à la direction générale de la coopération internationale et du développement. Enfin, il a indiqué qu'avec l'Agence française de développement, il entendait promouvoir des projets de plus en plus ciblés dans les secteurs de l'agriculture, de la santé, de l'éducation et de la formation professionnelle.
a insisté sur la nécessité de favoriser le développement local des régions d'origine des migrants, tout particulièrement de celles voisines des collectivités territoriales d'outre-mer, afin de réduire la pression migratoire qui s'exerce sur elles.
Relevant qu'au cours d'une conférence des bailleurs de fonds organisée à l'île Maurice au mois de décembre 2005, la France avait décidé de consacrer au redressement des Comores 65 millions d'euros pour la période 2006-2009, il a souhaité avoir des précisions sur les actions envisagées et les délais dans lesquels elles seraient mises en oeuvre.
Enfin, il s'est demandé s'il ne convenait pas, comme certains membres de la commission d'enquête l'avaient suggéré, qu'à l'instar de la Chine, la France prenne en charge elle-même la réalisation des projets qu'elle souhaite financer afin de s'assurer de la bonne utilisation des fonds.
a souligné que la France avait décidé d'augmenter son aide aux Comores dans un cadre à la fois bilatéral et européen. Il a reconnu qu'il ne suffisait pas d'apporter de l'argent mais qu'il importait également de s'assurer de la réalisation effective des projets. Enfin, il a précisé que l'Agence française de développement avait pour objectifs prioritaires le développement des capacités sanitaires et agricoles de l'île d'Anjouan et que l'aide bilatérale de la France aux Comores se traduirait par l'octroi de 40 millions d'euros, sous forme de dons, au cours des cinq prochaines années.
a ajouté qu'un appel d'offres venait d'être passé, le 27 février 2006, pour étudier la faisabilité d'un programme de coopération dans le domaine de la santé au bénéfice des Comores, pour un montant de 10 millions d'euros, la décision de lancer le programme devant être prise par l'Agence française de développement au cours du dernier trimestre de l'année 2006.
Il a indiqué qu'à la fin du mois de mars 2006, un médecin de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Mayotte se rendrait à Anjouan pour y réaliser une mission d'expertise, l'Agence française de développement devant ensuite décider d'affecter un médecin à l'hôpital de Domoni et de participer à l'équipement en matériels des structures sanitaires de l'île.
Enfin, M. Jean-Claude Kohler a exposé que l'Agence française de développement avait, au mois de novembre 2005, entériné un projet de renforcement et de diversification des structures agricoles des Comores, pour un montant de 3,75 millions d'euros, et que la convention financière permettant la mise en oeuvre de ce projet était sur le point d'être signée.
a rappelé que, pour tenir compte des critiques qui lui étaient adressées, la France avait récemment renoncé à assurer elle-même la réalisation des projets ayant son soutien, au bénéfice d'une politique de coopération consistant dans l'octroi d'aides financières aux pays concernés et confiant aux ambassades françaises une mission de suivi et d'animation des projets.
Il a ajouté que cette politique n'excluait pas toute participation directe au développement des pays aidés, mentionnant à titre d'exemple qu'une infirmière française assurait la formation des infirmières sur l'île de la Grande Comore.
Enfin, il a noté que la livraison « clef en mains » d'équipements ne garantissait pas la réussite des politiques d'aide au développement si les pays concernés n'étaient pas en mesure d'assurer la maintenance et de faire fonctionner ces équipements. A cet égard, il a relevé que l'aide de la Chine aux pays africains consistait exclusivement dans la fourniture d'équipements.
a souligné que la politique d'aide au développement des Comores conduite par la France s'inscrivait dans la durée, concernait l'ensemble des secteurs essentiels d'activité et tenait compte de la situation géographique de l'archipel.
a souligné que la France était pratiquement le seul bailleur de fonds des Comores, avec le Fonds européen de développement dont elle constitue l'un des principaux financeurs. Il a toutefois noté que des communautés islamiques et la Chine s'intéressaient de plus en plus à l'archipel.
Estimant que les politiques de coopération et d'aide au retour des migrants avaient jusqu'à présent échoué, Mme Alima Boumediene-Thiery a souhaité connaître les raisons de cet échec.
Elle a relevé que nombre d'organisations non gouvernementales se plaignaient d'être exclues des programmes européens d'aide au développement.
Enfin, elle a souligné que la diminution de l'aide publique au développement allait à l'encontre du discours officiel prônant son renforcement pour réduire la pression migratoire. Elle a déclaré que l'aide publique au développement accordée au Mali était cent fois inférieure aux fonds rapatriés par les Maliens installés à l'étranger.
a tout d'abord rappelé la distinction entre les aides au retour, qui relèvent de la compétence de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, et les aides à la réinsertion, dont la responsabilité échoit à la direction générale de la coopération internationale et du développement.
Il a estimé que, sans être nombreuses en raison des contraintes budgétaires, les aides à la réinsertion accordées par la France n'étaient pas toutes vouées à l'échec. Il a ainsi souligné que 330 projets de réinsertion avaient été menés à bien au Mali.
a ensuite observé que la critique à l'encontre du manque d'association des organisations non gouvernementales par le Fonds européen de développement pouvait sembler fondée mais n'était pas forcément justifiée dans la mesure où ce fonds finance essentiellement la réalisation d'infrastructures.
Il a indiqué que les ambassades françaises disposaient d'un fonds social de développement leur permettant de financer les projets d'organisations non gouvernementales.
Enfin, M. Philippe Etienne a souligné que, loin de diminuer, l'aide publique au développement de la France avait progressé au cours des dernières années et devrait représenter respectivement 0,47 % et 0,50 % du revenu national brut en 2006 et 2007. Il a reconnu que cette hausse concernait principalement l'aide multilatérale, soulignant à cet égard que la France apporterait en 2006 une contribution de 700 millions d'euros au Fonds européen de développement -soit 23 % du budget du Fonds- et une contribution de 225 millions d'euros au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
a rappelé l'initiative prise par la France d'instaurer une contribution de solidarité sur les billets d'avion et observé que plusieurs Etats envisageaient de suivre son exemple, notamment le Brésil, le Chili, Madagascar et la Norvège.
Il a ajouté que diverses pistes avaient été évoquées au cours de la conférence de Paris sur les financements innovants du développement : mobiliser les transferts de fonds des migrants, instituer une loterie humanitaire, multiplier les partenariats publics privés, développer la coopération décentralisée, notamment dans le domaine de l'eau.
a souhaité connaître l'évolution de l'aide publique au développement de la France.
Il a demandé la liste des traités liant la France aux Comores puis souligné la nécessité de verser rapidement l'aide promise aux autorités de l'archipel pour l'organisation des élections prévues au mois d'avril 2006.
a précisé que le versement de cette aide était en cours.
Notant que nombre d'étrangers entrés régulièrement sur le territoire national s'y maintenaient irrégulièrement par crainte de ne plus pouvoir obtenir de visa après être revenus dans leur pays, M. Louis Mermaz a souhaité connaître la politique suivie en matière de visas pour favoriser les allers-retours des travailleurs étrangers entre la France et leur pays d'origine.
a indiqué que l'aide publique au développement représentait 0,41 % du revenu national brut de la France en 2003 et 2004 et devrait être supérieure à 0,45 % en 2005, en raison notamment de l'annulation de dettes du Nigeria. Il a rappelé que cette progression concernait essentiellement l'aide multilatérale. Il a observé que les organisations non gouvernementales critiquaient moins le montant de cette aide que sa composition, en particulier le poids important des annulations de dettes, tout en réclamant elles-mêmes de telles annulations.
Ne disposant pas de la liste des traités liant la France et l'Union des Comores, M. Philippe Etienne a pris l'engagement de la communiquer ultérieurement à la commission d'enquête.
Enfin, il a estimé que le visa de circulation constituait l'instrument idoine pour favoriser les allers-retours entre la France et le pays d'origine d'un étranger. Il a ajouté que les services de coopération à l'étranger attiraient l'attention des consulats sur les personnes devant, à leurs yeux, bénéficier d'un tel document.
a demandé si une politique spécifique était menée pour délivrer des titres de séjour aux étudiants étrangers. Elle a relevé que des étudiants en cours de scolarité étaient conduits en centre de rétention administrative parce qu'ils n'avaient pas obtenu le renouvellement de leur titre de séjour.
a indiqué qu'il était possible que ces personnes ne soient pas venues en France munies d'un visa étudiant. Il a souligné que la France s'efforçait de développer les formations permettant aux étudiants étrangers de ne pas couper les ponts avec leur pays d'origine. A cet égard, il a mentionné l'intérêt des co-tutorats. Il a observé que le Comité interministériel de contrôle de l'immigration avait décidé de faciliter l'obtention d'un titre de séjour pour les étudiants étrangers et de développer les centres pour les études en France. Enfin, il s'est demandé s'il ne convenait pas de permettre aux étrangers souhaitant venir en France y faire leurs études d'effectuer l'ensemble de leurs démarches administratives à distance, par Internet : pré-inscription, demande de visa puis inscription définitive à l'Université.
La commission a ensuite entendu M. Alain Lecomte, directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, et Mme Dominique de Veyrinas, chef du service de l'habitat, placés sous l'autorité du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
a d'abord exposé les conditions d'accès des étrangers en situation irrégulière au logement.
Il a indiqué que les étrangers, même en situation irrégulière, pouvaient conclure un contrat de bail pour occuper un logement dans le parc privé. Toutefois, un propriétaire qui conclurait, en connaissance de cause, un contrat de bail avec un étranger en situation irrégulière s'exposerait aux sanctions pénales prévues en cas d'aide au séjour d'un étranger en situation irrégulière.
En vertu de l'article R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, l'accès au logement social est en revanche subordonné à la détention, par l'étranger, d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté. Cette exigence est source de difficultés pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui ne sont pas titulaires de l'un des titres de séjour visés par l'arrêté. M. Alain Lecomte a souligné que les contrôles effectués n'avaient pas mis en évidence un nombre de fraudes significatif en ce domaine.
Concernant les foyers de travailleurs migrants, il a fait observer qu'ils s'adressaient, par nature, à des travailleurs et que l'obtention d'une autorisation de travail était elle-même subordonnée à une condition de séjour régulier sur le territoire. Il a noté qu'il était procédé à une vérification du titre de séjour au moment de l'entrée de l'étranger dans les lieux, mais qu'il n'y avait pas, par la suite, de contrôle du devenir du titre de séjour.
Au sujet de l'hébergement, M. Alain Lecomte a d'abord rappelé que les particuliers pouvaient héberger des étrangers, éventuellement en situation irrégulière, puis que l'accès aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et aux centres d'hébergement d'urgence n'était pas subordonné à une condition de séjour régulier sur le territoire.
Il a souligné que certaines situations anormales en matière de logement pouvaient laisser présager la présence d'immigrés en situation irrégulière, sans que cela soit toutefois systématique. Il a cité les cas de suroccupation de foyers de travailleurs migrants et les situations d'habitat indigne, qui posent le problème du relogement des résidents dont l'évacuation est décidée.
a ensuite abordé la question du regroupement familial. Il a rappelé qu'un décret du 17 mars 2005 imposait à l'étranger déposant une demande de regroupement familial de disposer d'un logement répondant à une double condition de superficie, variant selon la taille du ménage, et de décence. Il a précisé que les conditions prévues étaient proches de celles exigées pour percevoir l'aide au logement. La construction de logements neufs obéit aussi à des règles minimales en matière de superficie des logements.
Il a ajouté que le bénéfice de l'aide personnalisée au logement était subordonné à une condition de séjour régulier sur le territoire et que la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) effectuait des contrôles pour s'assurer que les titres de séjour arrivant à échéance étaient bien renouvelés. Il a jugé limités les risques de détournement du dispositif par des étrangers en situation irrégulière.
L'Etat s'est engagé dans une politique de rénovation des foyers de travailleurs migrants, qui vise à améliorer le confort et la sécurité de ces établissements. La moitié du programme de réhabilitation prévu est aujourd'hui réalisée. Ce programme donne l'occasion de mettre un terme à des situations abusives constatées dans les foyers.
Les pouvoirs publics s'efforcent également d'éradiquer l'habitat indigne. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 a réformé les procédures mises en oeuvre en cas d'insalubrité des logements ou de péril. A la suite de ces mesures, le nombre d'arrêtés préfectoraux pris pour insalubrité a fortement augmenté, pour atteindre 740 en 2004. La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a habilité le Gouvernement à prendre deux ordonnances, destinées à améliorer encore les procédures et à permettre aux communes d'effectuer des travaux en se substituant aux propriétaires négligents et en récupérant les loyers pour compenser les dépenses ainsi engagées.
a indiqué que sa direction travaillait avec le ministère de l'outre-mer sur la question des constructions illicites en Guyane et à Mayotte et qu'il était procédé à des démolitions.
Il a conclu en précisant que sa direction ne disposait d'aucune donnée chiffrée relative à l'immigration clandestine. Les données issues du recensement ou des enquêtes nationales sur le logement contiennent des informations sur le nombre de ménages étrangers mais ne permettent pas de connaître le nombre d'étrangers en situation irrégulière.
après avoir fait observer que des étrangers en situation irrégulière bâtissaient à Mayotte des constructions illégales sur des terrains appartenant à l'Etat, a demandé pourquoi les pouvoirs publics laissaient perdurer une telle situation.
a répondu que l'ordonnance du 28 juillet 2005, portant adaptation de diverses dispositions relatives à la propriété immobilière à Mayotte et modifiant le livre IV du code civil, allait fournir de nouveaux outils pour lutter contre les constructions illégales, citant notamment son article 4 qui introduit une condition de séjour régulier sur le territoire pour bénéficier de la protection contre les procédures d'expropriation. Il a également rappelé que l'urbanisme relevait surtout de la compétence des collectivités territoriales.
La commission a enfin entendu M. Stéphane Diémert, sous-directeur des affaires politiques au ministère de l'outre-mer.
A titre liminaire, M. Stéphane Diémert a rappelé que l'article 73 de la Constitution autorisait des dérogations à la règle d'identité législative dans les départements et régions d'outre-mer pour tenir compte des contraintes et caractéristiques locales ; ces dérogations sont soumises au contrôle de proportionnalité du Conseil constitutionnel. L'article 74 permet d'édicter des règles distinctes du droit commun, sous réserve du respect des dispositions constitutionnelles.
Il a souligné que les collectivités d'outre-mer n'étaient pas soumises au droit communautaire, qui s'applique en revanche dans les départements d'outre-mer (DOM), à l'exception des accords de Schengen sur la libre circulation.
Il a ensuite indiqué qu'il entendait présenter, dans la première partie de son exposé, les possibilités d'adaptation de nos règles de droit aux particularités existant outre-mer, avant d'examiner les modalités d'association des collectivités ultramarines à la politique d'immigration de l'Etat, puis les possibilités d'évolution du statut civil de droit local ouvertes par l'article 75 de la Constitution.
Sur l'adaptation de nos règles de droit outre-mer, M. Stéphane Diémert a d'abord noté que les conditions d'entrée et de séjour des étrangers outre-mer avaient longtemps fait l'objet de règles dérogatoires. Elles sont désormais régies par les règles de droit commun, sous réserve de quelques adaptations permises par l'article 73 de la Constitution : les recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière n'ont ainsi pas de caractère suspensif en Guyane et à Saint-Martin et des possibilités de fouille sommaire de véhicules sont prévues en Guyane. Les possibilités d'adaptation des règles de droit commun sont certainement plus importantes encore dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Il a insisté sur le caractère spécifique des règles applicables aux étrangers, qui permettrait, selon lui, d'apporter des dérogations au principe d'égalité plus importantes que celles qui seraient admissibles entre citoyens français.
a ensuite souligné que le droit de la nationalité outre-mer, en dehors des DOM, avait longtemps été régi par des dispositions particulières. Jusqu'en 1993, un enfant né dans ces territoires devait avoir au moins un parent de nationalité française pour obtenir lui-même la nationalité française. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ces questions est cependant limitée. Une décision du 12 février 2004 relative au statut de la Polynésie semble indiquer que des dispositions spécifiques peuvent s'y appliquer, mais dans certaines limites ; il serait par exemple difficilement envisageable que les règles de transmission de la nationalité française des parents à leurs enfants soient différentes sur certaines parties du territoire. Il en va différemment en matière de naturalisation, le principe de souveraineté permettant à l'Etat de choisir ses ressortissants. Le principe d'indivisibilité de la République ne fait pas obstacle à ce que des règles différentes soient édictées sur certaines parties du territoire en matière de droit de la nationalité, dès lors qu'elles restent définies par l'autorité centrale.
Abordant la question du droit social, il a rappelé que l'accès des étrangers en situation régulière aux régimes de protection sociale était garanti par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aussi bien en métropole qu'outre-mer.
Dans la deuxième partie de son exposé, M. Stéphane Diémert a d'abord rappelé que les exécutifs de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie étaient consultés sur les décisions de délivrance de titres de séjour, en raison de la compétence qui leur est reconnue en matière d'accès des étrangers à leur territoire. Il a ajouté que les collectivités étaient également consultées sur les projets de loi ou de décret les concernant.
Les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution peuvent, en outre, participer à l'exercice des compétences régaliennes de l'Etat, en fixant des règles législatives ou réglementaires. La Polynésie a usé de cette faculté, par exemple pour assouplir les conditions d'entrée des touristes sur son territoire.
Dans les DOM, une consultation des exécutifs locaux sur la délivrance des titres de séjour et des autorisations de travail serait envisageable, de même qu'une adaptation des règles régissant l'emploi des étrangers.
Il a conclu en évoquant les possibilités d'évolution du droit local en vigueur à Mayotte. Sa suppression serait contraire à l'article 75 de la Constitution, mais le législateur peut y apporter des modifications, comme l'a montré récemment l'exemple des amendements « Kamardine », interdisant la polygamie. D'autres modifications pourraient être envisagées, comme l'obligation de célébrer les mariages devant un officier d'état civil ou la possibilité de reconnaître les enfants naturels.
a demandé ce qu'il adviendrait du droit local dans l'hypothèse où Mayotte deviendrait un département d'outre-mer.
a noté que le statut de DOM n'était pas incompatible avec l'existence d'un droit local, comme l'a montré en son temps l'exemple des départements algériens. Il a également fait observer que le statut local applicable à Mayotte tendait à se rapprocher du droit commun, ce qui permet d'envisager plus facilement son application dans un DOM.
Après que M. François-Noël Buffet, rapporteur, eut évoqué les problèmes posés par la dation de nom à Mayotte, M. Stéphane Diémert a indiqué qu'il était possible d'introduire une procédure de reconnaissance de paternité d'enfant naturel, avec l'accord de la mère, assortie de mesures destinées à lutter contre la fraude.
a souhaité savoir si le droit de la nationalité, sans remettre en cause le droit du sol, pouvait néanmoins être aménagé outre-mer.
a estimé que tel était bien le cas : la situation locale propre aux DOM pourrait justifier, par exemple, que l'on prévoie une condition de séjour régulier des parents sur le territoire national pour que leurs enfants puissent acquérir la nationalité française.
a demandé pourquoi il était possible au Parlement d'édicter des règles spécifiques en matière d'emploi des étrangers outre-mer, mais pas en matière d'accès aux régimes de protection sociale.
a rappelé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel interdisait d'exclure les étrangers en situation régulière des régimes de protection sociale. Une modification des articles 73 et 74 de la Constitution serait donc nécessaire si l'on voulait instaurer une telle exclusion outre-mer. Les étrangers en situation irrégulière, en revanche, ne bénéficient pas des régimes de protection sociale et ont seulement droit à l'aide médicale d'Etat et à la scolarisation de leurs enfants.
a indiqué que des personnes en situation régulière prenaient parfois en charge les enfants d'immigrés en situation irrégulière afin de percevoir des prestations sociales auxquelles ils n'auraient autrement pas accès.
a insisté sur la nécessité de renforcer les contrôles pour lutter contre ce type d'abus, qui mériteraient peut-être d'être sanctionnés plus lourdement.
a évoqué les situations humaines très difficiles où se trouvent des jeunes en situation irrégulière, scolarisés dans nos écoles, et qui se voient menacés d'expulsion à leur majorité. Il s'est interrogé sur les mesures qui pourraient être adoptées pour traiter ces situations douloureuses sur le plan humain, tout en évitant de rendre le pays plus attractif pour l'immigration clandestine.
a indiqué que des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire pouvaient être envisagées, à condition qu'elles soient assorties de mesures strictes de contrôle des flux. Se remémorant son expérience de juge administratif, il a insisté sur la nécessité pour l'administration de tenir compte des réalités humaines. Il a indiqué avoir annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, une décision d'éloignement d'une jeune femme de nationalité bulgare, arrivée en France à l'âge de huit ans, et parfaitement intégrée au point de travailler dans un cabinet d'avocats. Il s'était également opposé, au nom du droit à une vie familiale normale, à la reconduite à la frontière d'une Syrienne dont le mari et les enfants résidaient en France, alors qu'elle n'avait en Syrie que des frères et des cousins.
a conclu sur la nécessité de conserver aux préfets une certaine marge d'appréciation des situations individuelles.
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