Beaucoup de signaux d'alerte sont venus du monde de la modélisation. Dans une analyse faite mi-janvier, les Chinois rapportaient une quarantaine de cas confirmés, mais nous avions déjà six cas à l'international. En réalité, en analysant les flux de passagers, on pouvait déduire de ces six cas qu'il y avait sans doute déjà quelques milliers d'infections sur le territoire chinois. De fait, très rapidement après la parution de cette étude, les Chinois ont revu à la hausse leur nombre de cas déclarés, ce qui constitua un signal très inquiétant pour l'ensemble de la communauté scientifique.
En réalité, pour qui travaille dans ce domaine, les émergences sont assez fréquentes. En 2009, les premières estimations de mortalité de la grippe pandémique de 2009 étaient comprises entre 0,5 et 1 %, c'est-à-dire le taux estimé actuellement pour le covid-19. On a souvent tendance, au démarrage d'une épidémie, à surestimer la mortalité, car on considère surtout les cas sévères qui vont à l'hôpital. L'ensemble de la communauté scientifique a donc été très inquiète au démarrage de la pandémie de 2009. Puis, progressivement, on a vu que la mortalité s'établissait finalement plutôt à 2 pour 10 000.
Au démarrage de l'épidémie, on attendait donc de voir si les signaux de sévérité allaient se confirmer ou pas. On pouvait en effet être dans un scénario de sévérité très importante, avec une mortalité comprise entre 0,5 et 1 %, mais il n'était pas impossible non plus que, progressivement, on constate une sévérité moindre en même temps qu'une meilleure détection des infections. Il y a donc quand même eu une période de doute, où l'on se demandait aussi si les mesures de confinement sans précédent prises en Chine n'allaient pas réussir à stopper la propagation du virus à l'international.