Intervention de Jean-François Delfraissy

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 15 septembre 2020 à 10h30
Audition du professeur jean-françois delfraissy président du conseil scientifique

Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique :

Durant la première phase, en mars, 85 % des décès ont été recensés chez des sujets âgés de plus de 65 ans ou souffrant d'une pathologie préexistante.

A-t-on tiré des leçons pour la prise en charge des patients ? Vous avez donné tous les éléments : les réanimateurs ont appris à mieux prendre en charge les formes graves, ce qui est un classique. Ils essayent en particulier de retarder la ventilation par intubation. On dispose également à présent de résultats solides d'essais portant sur les anti-inflammatoires de type corticoïdes et aussi, dans une certaine mesure, sur les anti-récepteurs de l'IL-6. On en sait plus aussi sur le problème de la coagulation.

Dans notre avis n° 8 du mois de juillet, on a indiqué que la recherche devait dès début août lister les questions et anticiper sur ce qui se passerait avec les formes graves à la mi-septembre. Yazdan Yazdanpanah vous en parlera certainement cet après-midi. J'ai vérifié il y a quatre jours : les consignes sont données par les sociétés savantes, soit en passant par la Haute Autorité de Santé, soit par le Haut Conseil de la santé publique. Et quand il s'agit d'une consigne très médicale, très technique, ce sont souvent les sociétés savantes elles-mêmes qui la diffusent. En l'occurrence, la société des anesthésistes-réanimateurs s'est regroupée avec la société des infectiologues et celle des gériatres. Ces sociétés savantes viennent de publier des recommandations pour la prise en charge uniforme et relativement homogène des formes sévères dans l'épidémie actuelle.

Pour les médecins généralistes, il y a en effet eu un flottement, vous l'avez souligné. Sur l'organisation des essais thérapeutiques, un médecin généraliste fait désormais partie du conseil scientifique de REACTing. Pour les essais thérapeutiques qui seront menés à partir du mois de septembre, les deux ministères viennent de décider que les médecins généralistes seraient mieux associés qu'au mois d'avril.

Comment peut-on mener des essais cliniques de qualité dans une situation de crise sanitaire ? Je n'ai pas totalement la réponse. Pour Ebola, j'avais même écrit que, dans certaines circonstances, on pouvait être amené à prendre un certain nombre de décisions qui ne relèvent pas de l'essai clinique randomisé. Mais rappelons que la mortalité d'Ebola était initialement de l'ordre de 75 %. Et même dans Ebola, nous avons manqué finalement d'un grand essai randomisé qui nous permette de trancher définitivement sur le type de médicaments qui pouvait être utilisé.

Il me semble donc qu'il faut respecter au maximum les bonnes pratiques cliniques qui existent, y compris en situation de crise sanitaire. Il faut certes les moduler et faire en sorte qu'un maximum de patients puisse être inclus dans les essais, de façon à apporter une réponse la plus rapide possible.

Cela a-t-il été totalement réalisé ? Non, car c'est difficile. Les Anglais l'ont mieux fait que nous, puisque le National Health Service (NHS) a imposé que les essais thérapeutiques fassent partie intégrante de la prise en charge. REACTing l'a fait seulement en partie, Yazdan Yazdanpanah vous expliquera pourquoi.

La réponse à la crise sanitaire ne se situe pas seulement au niveau de l'individu, mais aussi du groupe d'individus. On peut finalement préférer attendre un tout petit peu d'avoir une réponse solide au niveau d'un groupe d'individus pour mieux traiter ensuite un individu donné.

Mais c'est une vraie question relevant de l'éthique de la recherche.

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