Intervention de Bernard Jomier

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 15 septembre 2020 à 15h00
Audition du professeur didier raoult directeur de l'institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de marseille

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, rapporteur :

À l'origine, nous voulions vous auditionner avec d'autres éminents spécialistes. Nous utilisons couramment cette méthode au sein de notre commission d'enquête. En effet, avec un savoir technique incomparable au nôtre en la matière, vous pouvez, pendant dix minutes, nous faire un exposé de virologie pour nous expliquer que le virus semble muter. Or un autre virologue éminent, le professeur Lina, nous a dit et répété que le virus n'avait pas muté. Cela ne fait pas beaucoup avancer notre compréhension.

Nous n'avons pas à mettre en scène des matches de catch, à provoquer des conflits. Notre méthode consiste à faire ressortir les points qui font clivage. Pour vous, ces confrontations peuvent être pénibles, face à tel ou tel confrère virulent. J'en suis tout à fait désolé pour les uns et les autres, mais au fond ce n'est pas notre problème. Nous devons rendre compte aux Français de ce qui s'est passé. Sur bien des sujets fondamentaux - la recherche, les tests, les dépistages -, vous disposez d'une expertise et vous avez été en désaccord avec d'autres. Pour nous, il est essentiel de vous entendre débattre avec vos confrères.

Vous avez eu l'obligeance d'adresser, en amont, un document très précis aux rapporteurs.

Ce matin, comme lors de précédentes auditions, nous avons débattu des tests et de la lenteur avec laquelle ils ont été déployés. Or, au printemps, en pleine vague épidémique, on voyait des files de personnes se présenter devant votre institut pour obtenir un test. Dans le document que vous nous avez adressé, vous affirmez que l'IHU a pratiqué 200 000 tests sur 100 000 personnes. Pouvez-vous nous préciser ce calendrier ? Comment vous êtes-vous procuré le matériel nécessaire, les réactifs, alors qu'ailleurs en France l'on n'y parvenait pas ?

De plus, vous avez parlé d'une « destruction physique » de l'organisation des maladies infectieuses, à Paris, voire en Île-de-France. Ces termes sont très forts. Globalement, malgré les polémiques, les patients hospitalisés en Île-de-France dans les services de maladies infectieuses ne semblent pas avoir subi de perte de chance par rapport à d'autres régions. Au-delà des scissions de services, en quoi consiste cette « destruction » ?

Enfin, vous êtes revenu sur l'hydroxychloroquine et l'azytromicine. Le benchmark est effectivement très utile. Vous avez mentionné la Chine et l'important savoir qu'elle a accumulé. Mais, aujourd'hui, la plupart des pays, des États-Unis au Japon en passant par la Corée du Sud, l'Allemagne et la Chine, ne recommandent pas, voire déconseillent l'hydroxychloroquine.

Il semble que la science ait parlé - ce n'est pas un jugement. Nous, spectateurs engagés de cette situation, dressons simplement ce constat. Aujourd'hui, ce traitement n'est plus guère utilisé dans le monde. Cela signifie-t-il que le monde entier est aujourd'hui dans l'erreur ?

Pr Didier Raoult. - Bien sûr, je ne suis d'accord avec vous sur aucun point.

Il ne s'agit pas d'un débat entre nous !

Pr Didier Raoult. - Tout d'abord, 4,6 milliards de personnes vivent dans des pays où l'on utilise l'hydroxychloroquine. Vous ne pouvez pas liquider la question comme cela.

En outre, je passe mon temps à faire des méta-analyses ; à peu près tous les pays du monde publient des résultats. Vous ne pouvez pas dire que vous savez mieux que moi ce dont il s'agit.

Vous voyez bien qu'il n'est pas possible de faire une opinion : c'est le temps qui s'en charge, en faisant le tri. Je l'ai dit à partir du mois de février : la quatorzaine est un fantasme analogique avec la quarantaine, elle n'a pas de sens sur le plan clinique. De même, à l'origine, on a dit que les tests de servaient à rien. On ne les a pas faits, parce que les centres nationaux de référence ont dit que c'était trop compliqué ; et, une fois que l'on a pris cet embranchement, il a été extrêmement difficile de revenir sur ce choix.

Ce n'est pas vrai que l'on n'avait pas les réactifs : je l'ai dit, redit, et je vous le dis encore une fois. Les laboratoires vétérinaires ont écrit à peu près à tout le monde, y compris au conseil scientifique, pour dire qu'ils fabriqueraient 300 000 tests. Les autres ne leur ont pas répondu ; mais, nous, nous leur avons répondu, et nous nous sommes servis de ces tests.

Dans une telle crise, des opinions différentes se confrontent, et vous ne pouvez pas penser que, par la magie du Sénat, tout le monde sera d'accord à la fin. C'est le temps qui trie : c'est à la fin que l'on voit ce qui s'est passé.

Pour ce qui concerne les tests, on a fait ce que l'on fait en situation de crise : tous les jours, nous nous sommes débrouillés. Nous-mêmes, chez nous, nous avons fabriqué de quoi faire 430 000 tests lyophilisés. Nous nous sommes organisés pour faire face. C'est l'intendance qui a suivi la décision, et non l'inverse.

Enfin, dans un papier qui vient d'être accepté, j'ai répertorié l'ensemble des pays qui recommandent l'hydroxychloroquine et relevé la mortalité qu'ils enregistrent : je ne suis pas d'accord avec l'opinion scientifique que vous émettez à cet égard. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion