Intervention de René-Paul Savary

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 22 septembre 2020 à 9h10
Audition de M. Xavier Bertrand ancien ministre des solidarités et de la santé

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, président :

Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de M. Xavier Bertrand, ancien ministre, des solidarités et de la santé de juin 2005 à mars 2007, puis du travail, de l'emploi et de la santé de novembre 2010 à mai 2012.

M. Bertrand est accompagné de Mme Mélanie Blond et de M. Mathieu Gressier, ancien chef de cabinet et conseiller sécurité sanitaire du ministre de la santé.

Je vous prie d'excuser l'absence du président Milon, retenu dans son département.

Monsieur Bertrand, vous avez été chargé de la santé à deux reprises. Vous avez été confronté, la première fois, à l'épidémie de grippe aviaire H5N1 qui a donné lieu à l'élaboration d'une doctrine d'emploi et de stockage des masques dans notre pays. Cette doctrine d'emploi très large devait être servie par l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus), créé par une loi du 5 mars 2007.

Sur cette question de la doctrine d'emploi des masques, votre deuxième expérience ministérielle est marquée par l'avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de 2011, qui opère un premier retour d'expérience et préconise de réserver l'emploi des masques FFP2 aux seuls soignants et non plus aux professionnels dits, dans la crise sanitaire que nous connaissons actuellement, « de deuxième ligne ».

Nous avons eu l'occasion d'évoquer ces périodes avec les professeurs Didier Houssin, alors directeur général de la santé et délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, puis Jean-Yves Grall, ancien directeur général de la santé.

Vous avez été entendu longuement, pendant près de trois heures, par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale le 2 juillet dernier. Vous y avez développé une vision très régalienne des questions de santé et de la responsabilité de l'État en cas de crise sanitaire. Vous avez plaidé pour un certain volontarisme politique, rappelant que vous aviez, en particulier en matière d'arbitrages budgétaires, reçu le soutien sans faille du Président de la République pour constituer des stocks de masques.

J'aurais, pour ma part, quatre remarques et interrogations en écho à vos déclarations.

Même si nous sommes toujours dans la crise, nous nous interrogeons sur ce que doit être la préparation du pays « par temps calme ». En l'absence de pandémie, où en présence d'épisodes moins aigus que prévu, n'y a-t-il pas une forme de fatalité à désarmer, notamment dans un pays dont les finances publiques sont très dégradées ? Ne faut-il pas, dès lors, imaginer un système où le stockage des équipements de protection serait davantage décentralisé ?

L'action très volontariste de la gestion de H5N1, qui s'est notamment traduite par l'envoi aux professionnels libéraux de kits de protection, n'a-t-elle pas envoyé à tous le message suivant : « quoi qu'il arrive, l'État est là » ? Nous avons constaté que d'autres anciens ministres avaient une vision différente sur ce point, qu'il s'agisse de Roselyne Bachelot ou de Marisol Touraine.

Vous avez déclaré : « Logisticien, c'est un sacré métier. » Nous ne pouvons que vous rejoindre, et nous avons constaté que, même lorsqu'il y avait des masques, l'État et ses agences ont été incapables de les acheminer sur le terrain. Pensez-vous que l'Éprus, qui n'a jamais eu à le faire en grandeur réelle, aurait su faire ?

Enfin, vous avez évoqué le changement de doctrine du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) en 2013, que d'aucuns rendent responsable de la pénurie de masques. Il semble que cette doctrine du SGDSN maintient la responsabilité de l'État « en présence d'une maladie infectieuse hautement contagieuse à transmission respiratoire ». Est-ce un changement de doctrine ou un recul des priorités en l'absence de menace immédiate ?

Je rappelle que tout témoignage mensonger devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Monsieur Bertrand, je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Xavier Bertrand prête serment.

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