L'agence Santé publique France a été au rendez-vous de l'épidémiologie et de la distribution. Elle a été percutée par sa première crise sanitaire d'envergure, affectant le territoire français dans son ensemble. Je ne rappellerai pas l'intégration de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus) dans le dispositif rénové de Santé publique France : vous l'aviez votée. Il faudra peut-être s'interroger à nouveau sur cette organisation dans l'avenir.
Les scientifiques de Santé publique France, nombreux, produisent beaucoup de données, précieuses au quotidien. En plus de sa mission logistique de stockage, l'agence s'est retrouvée à organiser dans l'urgence une mission de distribution de masques, à partir de l'entrepôt unique de Marolles jusqu'à chaque officine ou hôpital de France. Peut-être faudra-t-il s'interroger sur nos procédures de stockage des matériaux de protection : faut-il préférer un seul stock centralisé ou bien imaginer d'autres solutions ? Votre commission d'enquête pourra nous éclairer.
Nous avons reconstitué les stocks stratégiques, notamment ceux de médicaments à usage anesthésique et de réanimation, de manière à pouvoir traiter jusqu'à 29 000 malades. Nous en avions traité 17 000 lors de la première vague. Ces stocks sont cruciaux. Nous l'avions dit avec Édouard Philippe. Il a fallu déployer des trésors d'ingéniosité pour faire basculer de petits stocks dormants en clinique vers d'autres hôpitaux qui risquaient d'en manquer. Grâce à cela, aucun malade n'a été extubé, mais ce n'est pas passé loin. D'où notre décision de réorganiser des stocks beaucoup plus importants que ceux dont nous disposions, dans un contexte où la demande mondiale explosait, avec des consommations parfois multipliées par mille. Même certains pays producteurs ont manqué de ces médicaments. La situation était tendue.
Nous voulons disposer d'un stock stratégique d'État de 1 milliard de masques, dont 800 millions de masques chirurgicaux et 200 millions de masques FFP2. Ce stock sera complètement reconstitué d'ici à deux semaines. Il nous manque peut-être 100 millions de masques chirurgicaux et nous avons 60 millions de masques FFP2 de plus que ce que prévoient nos objectifs. Nous disposons aussi de millions de masques chirurgicaux pédiatriques et nous avons de quoi équiper jusqu'à 14 000 lits de réanimation.
Nous ne pourrons proposer un vaccin que lorsque des études cliniques correctement réalisées en population générale auront démontré qu'il est efficace et sûr. Nous avons créé un consortium avec les Pays-Bas, l'Italie et l'Allemagne. Nous avons prospecté auprès d'AstraZeneca, un laboratoire anglais, l'un des tout premiers à avoir pu envisager une phase d'expérimentation en population générale. Nous avons passé avec lui un contrat d'intention de commandes de 300 millions de doses, à un prix raisonnable, afin d'en disposer pour tout le territoire européen. À la demande du Président de la République, la France a systématiquement demandé des doses supplémentaires pour pouvoir aider les pays en difficulté d'approvisionnement.
La Commission européenne à qui nous avons confié ce pré-contrat a organisé des comités d'experts chargés de prospecter auprès des laboratoires en phase avancée de développement de vaccin, afin que nous puissions nous procurer un vaccin sûr et efficace dans les meilleurs délais. Il est trop tôt pour se prononcer sur les recommandations d'usage de ce vaccin anti-covid. Il y aura saisine de la Haute Autorité de santé en urgence quand nous disposerons des données d'études cliniques.
Concernant les hôpitaux privés, j'ai évidemment appelé les directeurs d'établissement dont on me disait qu'ils n'étaient pas mobilisés. Comme ministre de la santé, je n'ai pas ménagé ma peine, jour et nuit, pour chercher des lits de réanimation disponibles, organiser des transferts sanitaires, appeler des ministres à l'étranger afin de les sonder sur leurs capacités d'accueil, monter des TGV en moins de 48 heures - une première dans notre pays ! - pour transporter des malades jusqu'aux hôpitaux où ils pourraient être accueillis... Il faudrait avoir été complètement abruti, pardonnez l'expression, pour avoir négligé des places d'accueil qui auraient été disponibles dans la rue d'à côté : vous en conviendrez.
Je ne pense pas être complètement abruti, non plus que les ARS, ni les directeurs d'établissements hospitaliers. Si certains établissements privés ont tardé à se mobiliser, les ARS les ont systématiquement rappelés à l'ordre. On a constaté des difficultés particulières dans une région dont vous avez auditionné le directeur général. Je suis intervenu en passant quelques appels incitant à la mobilisation. La situation est très vite rentrée dans l'ordre. Au moment où circulait l'information selon laquelle les cliniques privées n'étaient pas mobilisées, M. Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) publiait des communiqués pour indiquer que c'était factuellement faux. Encore une fois, tout lit utile pour les malades, en réanimation ou pas, en hôpital de proximité ou en CHU, en clinique privée ou à l'hôpital public, tout lit utile doit être utilisé.