Intervention de Laurence Cohen

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 24 septembre 2020 à 10h00
Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Je fais partie des élus qui ne doutent absolument pas de la mobilisation des services du ministère, non plus que de celle de M. le ministre et de Mme Buzyn. Je le précise pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, parce que je sens bien que, quand on émet un certain nombre de critiques, la situation devient très conflictuelle.

Sans qu'il y ait de mises en cause individuelles, nous avons à nous pencher, comme l'a souligné Roger Karoutchi, sur des choix politiques, dont un certain nombre vous incombent ; d'autres sont antérieurs à votre prise de fonction - nous ne vous demandons évidemment pas de tout endosser. À la lumière de ce que nous vivons, il y a des choses à modifier.

Vous savez pertinemment que notre système de santé était en tension avant cette pandémie, singulièrement l'hôpital. Vous le savez d'autant plus qu'il y a eu très récemment une démission assez fracassante : celle du chef du service des urgences du Kremlin-Bicêtre, le docteur Maurice Raphael, un homme extraordinaire qui, depuis dix ans, ne comptait pas ses heures. Je le cite : « Tous les matins, se retrouver avec au moins seize patients sans lit pour les accueillir, c'est trop, j'arrête. » Plus de dix médecins de cette équipe ont également annoncé leur départ. Il y a un an, ce médecin a alerté ; aujourd'hui, il considère que ce n'est plus possible.

Vous annoncez 14 00 lits armés, mais, comme vous l'avez reconnu avec une grande franchise, pour armer des lits en réanimation il faut en désarmer ailleurs. En clair, on déshabille Pierre pour habiller Paul. L'inquiétude est donc très grande. Des soins sont déprogrammés, et d'éminents spécialistes nous ont dit que des patients victimes de cancer avaient eu des pertes de chance, y compris en cancérologie pédiatrique.

À la lumière de cette pandémie, comment donner de nouveaux moyens à l'hôpital ? Vous avez annoncé la création de 15 000 emplois, mais la moitié servira à pourvoir des postes vacants. Il faudrait 15 000 emplois effectifs, parce que les personnels sont à bout !

Le Gouvernement a beaucoup misé sur la communication, mais celle-ci a été très cacophonique. De mon point de vue, le langage de vérité nécessaire n'a pas été tenu : il aurait fallu reconnaître la pénurie de masques et dire comment on agissait en conséquence. Les approximations scientifiques portent un coup à toutes les décisions ultérieures.

Hier, vous avez annoncé des mesures pour protéger les personnes, mais un décret d'août a sorti de la liste des personnes vulnérables pouvant prétendre au télétravail un certain nombre de victimes de maladies comme l'obésité ou les maladies cardiovasculaires. N'est-ce pas contradictoire ?

Par ailleurs, les mesures qui semblent autoritaires font appel à la responsabilité individuelle. La majorité de nos concitoyennes et de nos concitoyens sont conscients : dans la vie quotidienne, les gestes barrières sont plutôt respectés. Faisons attention, car le risque est aussi celui d'une atteinte aux libertés et aux droits.

Dans les Ehpad, j'ai le sentiment que, quand une personne est en perte d'autonomie ou très âgée, on lui dénie ses droits, on choisit à sa place. Certaines personnes auditionnées ont abordé ce sujet. De nombreuses personnes sont mortes non du covid, mais de l'isolement.

S'agissant enfin du manque de médicaments et de réactifs, il faut créer dès maintenant un pôle public du médicament et de la recherche au niveau national et au niveau européen. Qu'en pensez-vous ?

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