Intervention de Olivier Véran

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 24 septembre 2020 à 10h00
Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Madame Boulay-Espéronnier, je pense que tous les Français sont inquiets : les uns davantage par la crise sanitaire, les autres davantage par la crise économique et sociale qui peut les frapper. Certains s'inquiètent des deux, mais je ne connais pas de Français qui ne soit inquiet de rien dans la période que nous connaissons. Tous les pays concernés par le covid sont dans la même situation : la crise remet en question énormément de choses dans le monde. Près de trois humains sur quatre ont été confinés - fait inédit -, et nous avions perdu l'expertise des grandes pandémies.

Dans ce contexte d'inquiétude partagée, il faut une ligne de communication claire. Je suis désolé si la communication gouvernementale vous a paru manquer de clarté par moments. Nous avons organisé la communication autour du ministère de la santé, du Premier ministre et du Président de la République. Les ministres ont été amenés à participer à des conférences de presse lorsque les sujets abordés concernaient leur périmètre ministériel. Je n'ai pas eu le sentiment que, les uns et les autres, nous nous marchions sur les pieds. Le Président de la République a insisté pour que la communication soit la plus claire et la plus uniciste possible.

Est-ce que je m'interroge, le matin en me rasant, sur la prescription obligatoire des tests ? Oui. Nous avons réorienté tous les barnums pour tester massivement tous les publics prioritaires, mais, si jamais nous étions néanmoins en difficulté, ou si le nombre de cas prioritaires devenait tel que nous n'arrivions pas réduire les délais, nous pourrions être amenés à faire ce que nombre de pays ont déjà fait : mettre en place des systèmes de prescription obligatoire. Mais si l'on demande à quelqu'un d'aller chez son médecin avant d'aller faire un test, avec les épidémies et les viroses qui arrivent, on va se prendre vingt-quatre à trente-six heures dans la vue avant que la personne ne puisse se faire tester... Pour l'instant, je consulte. Nous le ferons si c'est nécessaire, mais nous n'en sommes pas là.

Sur le covid au long cours, j'ai dit tout ce que je savais à l'Assemblée nationale. Des personnes font des formes graves, vont en réanimation et ont des troubles respiratoires avec des scanners thoraciques montrant des lésions de type fibrose, avec des séquelles respiratoires potentiellement à long terme ; elles sont mises en maladie professionnelle et suivies en pneumologie. D'autres présentent des formes qui ne sont pas forcément graves, en tout cas ne vont pas à l'hôpital, mais conservent une fatigue, des maux de tête, des crampes, des courbatures, parfois une perte d'appétit ou des vertiges : tous symptômes difficiles à rassembler sous une seule étiquette, mais qui sont bien ressentis par ceux qui les ont, parfois pendant deux semaines, parfois pendant deux mois, parfois des mois encore après la maladie.

La recherche clinique s'efforce de comprendre la nature de ces symptômes et ce qui a pu les provoquer. J'ai vu différentes hypothèses qui font l'objet de protocoles d'études. Des filières de prise en charge de ces patients sont organisées dans des centres spécialisés. Ces personnes, sans cause anatomique identifiée, se sentent dyspnéiques : c'est l'un des mystères de ce virus, mais un virus a vocation à être élucidé. J'entends trouver un moyen de soulager ces personnes le plus rapidement possible, mais, pour l'heure, nous sommes très loin d'un consensus scientifique sur la question.

S'agissant des risques de rechute, vous savez qu'il y a eu quelques cas de personnes immunisées qui ont réattrapé le virus. Des cas emblématiques, puisqu'ils ont fait la « une » de la presse scientifique mondiale, mais sur des millions et des millions de cas. On peut raisonnablement considérer qu'il n'y a pas de raison de réattraper le covid quand on l'a attrapé une première fois. Reste que nous avons peu de recul. Les anticorps vont-ils durer, six mois, un an, deux ans ? Je ne puis pas vous le dire. Il ne faut pas se précipiter : l'histoire du VIH a été marquée par cette terrible histoire des gens chez lesquels on identifiait des anticorps, et auxquels on disait qu'ils étaient immunisés contre le sida. La situation est tout à fait différente, mais avoir des anticorps n'est pas forcément un élément déterminant pour la suite. En l'occurrence, nous avons des indices qui laissent à penser que si : on peut donc être plutôt optimiste.

Les tests sont gratuits pour tous. Un test PCR coûte cinquante-cinq euros, un prix qui permet aux biologistes d'investir et d'acheter des plateformes. S'ils ne s'équipent pas et n'anticipent pas, nous n'aurons pas assez de tests.

Le télétravail, trois fois oui : il peut être très intéressant que vous meniez un travail législatif en la matière.

Madame Cohen, la médecine d'urgence est compliquée même hors crise. Nombre de médecins urgentistes, passionnés par leur profession, finissent par évoluer vers d'autres types d'exercice, parce qu'il est dur de passer ses nuits et ses journées à chercher des places et à gérer le stress, parfois sans forcément se sentir en sécurité, avec un nombre et une diversité tels de patients. Je me souviens de mes dernières gardes aux urgences comme jeune médecin : on me confiait la liste des vingt patients dont je devais m'occuper, un nouveau patient arrivant toutes les cinq minutes...

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