Lorsque je me suis entretenu avec eux, il y avait un consensus sur les dysfonctionnements. Je ne considère donc pas que le constat fait par ce directeur d'ARS doive l'emporter sur celui de l'ensemble des autres directeurs, de l'administration centrale et de mes services ministériels.
Le transfert que vous évoquez, qui concernait 6 patients, ne devait pas se faire vers l'Autriche, mais vers la République tchèque. J'étais à cette époque appelé plusieurs fois par jour par des élus de la région Grand Est - maires, présidents de département - ou par des directeurs d'établissement, qui me suppliaient d'activer tous les réseaux d'évacuation sanitaire, car la pression se faisait plus forte face à la vague épidémique qui montait. Ils avaient, légitimement, très peur. J'ai parlé à tous ces responsables, tous bords politiques confondus.
La République tchèque était une destination éloignée pour des malades. Le jour où ce transfert devait avoir lieu, la vague épidémique avait commencé à baisser de façon sensible, et le nombre de patients admis dans les services de réanimation de la région refluait depuis quelque temps. J'ai été contacté par des équipes sur place, me disant qu'elles trouvaient aberrant d'envoyer par hélicoptère des patients en République tchèque, car ils sortiraient du coma très loin de chez eux et de leur famille, alors même qu'il y avait désormais des places vacantes dans les hôpitaux environnants.
Madame la sénatrice, je suis certain qu'à ma place vous auriez pris la décision d'annuler ce transfert sanitaire, et que chacun ici aurait pris la même décision. Celle-ci est contestée par le directeur d'ARS que vous avez cité : cela me conforte dans la décision, guère facile, que nous avons prise de nous séparer de cette personne en pleine crise.
Étant sous serment, je ne peux pas sortir de mes compétences sanitaires en répondant sur le sujet des universités. Vous avez insisté sur la nécessité d'avoir une communication gouvernementale harmonieuse. Je préfère donc laisser répondre sur cette question la ministre chargée de ce domaine. Les protocoles sanitaires décidés au niveau national sont très clairs. Leur application territoriale par certains rectorats, écoles ou universités, peut éventuellement être renforcée, mais cela nécessite l'expertise de la ministre de l'enseignement supérieur.
Pour ce qui concerne les chiffres techniques relatifs aux tests, la capacité PCR était : à la fin de février et au début de mars de 2 000 à 2 500 tests par jour ; au début d'avril de 5 000 tests par jour ; au moment du déconfinement, le 11 mai, entre 40 000 et 50 000 tests par jour. La capacité a été calculée en fin de confinement sur la base d'un R inférieur à 1, avec pour chaque cas positif 10 à 15 cas contacts. Nous avions donc estimé que nous serions en mesure d'atteindre, si nécessaire, le chiffre de 700 000 tests. Une donnée différente est apparue au moment du déconfinement : au lieu de 10 à 15 cas contacts, il y avait entre 2 et 4 cas contacts par patient positif, ce qui a changé la donne.
Nous sommes désormais capables de procéder à 1,3 million de tests, puis davantage à l'avenir, si nécessaire.
Le sujet des délais de carence est extrêmement compliqué. La situation diffère selon que l'on est cas contact ou positif, en activité partielle, ou bien en arrêt de travail avec indemnités journalières. L'assurance maladie, les ARS et les médecins le savent. Quoi qu'il en soit, le télétravail doit être encouragé à chaque fois que c'est possible, surtout dans les zones où le virus circule beaucoup.
Sur le rôle de Santé publique France lors de la crise, mon rôle n'est pas de tirer à l'arme lourde, pour reprendre votre métaphore guerrière, sur une agence composée d'experts qui se sont organisés et ont fait de leur mieux depuis le début de la crise. Cela ne veut pas dire que nous ne laissons pas de place à la critique ou à l'autocritique. Nous sommes capables de pointer le doigt sur des lenteurs et des inerties. J'ai ainsi évoqué précédemment la mauvaise publication des chiffres des tests, qui m'a énervé durant un moment - on nous reprochait de ne pas faire de tests ; or nos propres chiffres étaient en dessous de la réalité. J'ai aussi parlé des écouvillons, qui sont emblématiques d'un certain nombre de lenteurs, lesquelles ne sont pas forcément liées à Santé publique France, mais ont pu émailler la gestion de crise. Nous reverrons tout cela a posteriori.
Je suis au milieu d'une bataille et j'ai besoin que les troupes, notamment les agences, soient mobilisées et motivées. À chaque fois que j'enregistre des dysfonctionnements, je n'accuse pas, surtout publiquement ; j'y vais ! Je me suis donc rendu à Santé publique France lors de visites plus ou moins organisées afin de rencontrer toutes les personnes et de saisir les sujets tels qu'ils se posaient. C'est ainsi que j'envisage le management en période de crise.
Les soignants cas contacts ou asymptomatiques doivent être exclus du travail durant la même période que les autres personnes. On avait envisagé qu'ils reviennent au travail masqués, si l'ensemble système sanitaire était saturé et si c'était pour les malades une question de vie ou de mort. Si tel n'est pas le cas, ils sont logés à la même enseigne que les autres personnes.
Je n'entrerai pas dans le détail des mesures qui ont été annoncées hier. Je l'ai dit, les préfets, qui sont chargés de concerter les élus dans les différents territoires, devront ensuite affiner les différentes mesures relatives aux horaires, aux modalités d'application, etc.
Je ne commenterai pas ce qui s'est passé durant la période antérieure au 16 février, parce que je ne connais pas les faits avec suffisamment de précision et d'assurance. Je ne me risquerai donc pas, alors que je suis sous serment, à émettre un avis personnel. Non seulement celui-ci ne serait pas très intéressant, mais vous avez auditionné les précédents ministres de la santé concernés.
Sur l'articulation hospitalière entre public et privé, j'ai abondamment répondu.