Intervention de Olivier Henno

Réunion du 17 octobre 2023 à 14h30
Partage de la valeur au sein de l'entreprise — Discussion générale

Photo de Olivier HennoOlivier Henno :

–, ainsi que son efficacité en tant que rapporteure.

Philippe Mouiller, notre président de commission, affirme son style et nous donne le sentiment d'exercer cette fonction depuis toujours, comme s'il était tombé tout petit dans la marmite de la potion magique des présidents de commission.

Rapporter ce texte n'est pas un exercice facile, parce que nous avons l'obligation de ne pas le dénaturer, par respect pour le paritarisme.

Rappelons que l'accord relatif au partage de la valeur a été signé par sept organisations représentatives du patronat et des salariés.

Ne boudons pas notre plaisir lorsqu'il s'agit du respect du paritarisme, mes chers collègues !

Au lendemain de la conférence sociale, je réaffirme l'attachement de notre groupe au dialogue social, au paritarisme, ainsi qu'à la place et au rôle des corps intermédiaires.

Être favorable au paritarisme, cela signifie préférer le dialogue et la coconstruction à la verticalité du pouvoir.

Être favorable au paritarisme exige aussi que l'exécutif renonce aux tentations d'intrusion récurrentes dans la sphère du paritarisme.

Être favorable au paritarisme empêche des prélèvements autoritaires et unilatéraux de l'État, comme nous en connaissons parfois sur l'assurance-chômage pour financer les politiques de l'emploi et de la formation ou comme nous en connaîtrons peut-être demain sur les retraites complémentaires du privé Agirc-Arrco.

Au travers de ce texte, je veux également saluer le retour en grâce de la négociation au sein des branches.

Un juste équilibre est à trouver entre négociations nationales et confédérales, négociations par branche et négociations au niveau de l'entreprise, à l'image de ce que produit ce qu'il est convenu d'appeler le modèle rhénan ; je pense à l'exemple du paritarisme en Allemagne.

Enfin, pour ce qui concerne le partage de la valeur lui-même, il est urgent de faire en sorte que le travail paye mieux dans notre pays – le travail qualifié, mais aussi, et surtout, le travail peu qualifié.

Revenons-en à présent au texte proprement dit.

Sur le fondement de l'article L. 1 du code du travail, le Gouvernement avait demandé aux partenaires sociaux d'engager des discussions, dans un contexte difficile marqué par les questions de pouvoir d'achat pour les salariés et par une grande incertitude économique pour bon nombre d'entreprises.

Nous saluons la démarche : les partenaires sociaux sont parvenus à un accord national interprofessionnel. Nous pouvons en être fiers collectivement et nationalement. J'ajoute que, depuis toujours, à l'exemple du président Larcher, le Sénat est attaché au paritarisme.

De manière générale, les dispositifs de partage de la valeur fonctionnent dans notre pays. En 2020, le montant moyen de la prime versée par les entreprises de plus de 10 salariés était de 2 440 euros, pour un total de 19 milliards d'euros à l'échelle nationale.

Notre commission des affaires sociales a modifié ce projet de loi en suivant deux objectifs : premièrement, assurer une transposition fidèle de l'accord afin de respecter la parole des partenaires sociaux ; deuxièmement, transposer les seules dispositions de l'accord qui nécessitent une modification de la loi.

Le présent texte tend à développer l'intéressement et la participation dans toutes les entreprises, y compris celles qui comptent moins de 50 salariés, et nous approuvons cette idée. Il comporte également des mesures concrètes visant à revaloriser le travail et à mieux associer les salariés. Je pense notamment à la question des classifications.

Dans un contexte d'inflation, de tensions de recrutement dans de nombreux secteurs d'activité et d'évolution du marché du travail, les classifications de branche revêtent aujourd'hui une importance particulière. Or, comme l'a dit M. le ministre, si les organisations représentatives de branche doivent en principe se réunir tous les cinq ans afin d'examiner la nécessité de réviser ces classifications dans le cadre des conventions collectives, ce n'est pas toujours le cas en pratique.

Ainsi, au 30 septembre 2023, 63 % des branches du secteur général n'avaient pas procédé à la révision des grilles de classification depuis plus de cinq ans, 43 % d'entre elles ne l'avaient pas fait depuis plus de dix ans et 9 % depuis plus de vingt ans ! L'enjeu est d'éviter que l'évolution des rémunérations ne soit trop « plate ».

Afin de transposer cette mesure dans la loi, l'article 1er prévoit l'ouverture avant le 31 décembre 2023 d'une négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications dans les branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans. Il s'agit de développer le partage de la valeur, en particulier dans les petites et moyennes entreprises (PME), et d'encourager la participation – c'est une bonne chose – dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Ce texte permet de négocier, par accord de branche ou par accord d'entreprise, des formules de participation dérogatoires à la formule légale, laquelle constitue parfois un frein au développement du partage de la valeur dans ces entreprises.

En outre, en vertu de ce projet de loi, les entreprises de 11 à 50 salariés devront mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur dès lors que leur bénéfice net fiscal positif sera supérieur à 1 % de leur chiffre d'affaires pendant trois années consécutives. Ce mécanisme a pour but de rendre le dispositif obligatoire lorsque les entreprises concernées sont durablement bénéficiaires.

De plus, le projet de loi crée de nouveaux outils afin d'améliorer l'actionnariat salarié et de rénover certains dispositifs existants. Il crée ainsi un plan de partage de la valorisation de l'entreprise (PPVE) pour une durée de trois ans.

Mis en place pour l'ensemble des salariés et par accord d'entreprise, ce plan permet aux salariés de bénéficier d'une prime lorsque la valeur de l'entreprise a augmenté pendant ces trois années. Il s'agit là d'un outil innovant, qui permet de développer le partage de la valeur et la valorisation de l'entreprise tout en fidélisant les salariés – c'est important –, dans un contexte marqué par les tensions de recrutement.

Depuis plusieurs années, notre commission des affaires sociales soutient l'idée que la définition du niveau des salaires, dans notre pays, doit passer par l'indexation du Smic sur l'inflation au 1er janvier, avec des revalorisations intermédiaires lorsque l'inflation constatée est supérieure à 2 % pendant une période donnée.

C'est ainsi que le Smic a augmenté de 12, 6 % depuis janvier 2021. Toutefois, du fait de cette indexation, un certain nombre de minima conventionnels passent sous le seuil du Smic – ce constat a été rappelé –, ce qui n'est pas acceptable. Notons d'ailleurs que quatre-vingt-cinq branches ont accompli un travail de remise à niveau conventionnel depuis le 1er mai dernier, date de la dernière revalorisation du Smic ; cet effort mérite d'être salué.

Je formulerai une dernière remarque de principe, concernant les primes défiscalisées et déchargées.

Il s'agit bien sûr d'une réponse concrète aux questions de pouvoir d'achat dans un contexte inflationniste. J'ai bien entendu les mises en garde formulées, notamment par Mme la rapporteure, s'agissant du risque de substitution. Pour notre part, nous pensons précisément qu'il faudra, dans un délai raisonnable, explorer de nouveau, dans le cadre du paritarisme et même – pourquoi pas ? – lors d'une grande conférence sociale, les questions de rémunération du travail, de coût du travail, de pouvoir d'achat et d'équilibre financier des caisses.

Mes chers collègues, vous l'avez compris : les membres du groupe Union Centriste voteront ce projet de loi, non seulement pour son contenu, mais aussi, beaucoup et même passionnément, par attachement au paritarisme !

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