Intervention de Frédérique Puissat

Réunion du 17 octobre 2023 à 14h30
Partage de la valeur au sein de l'entreprise — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Frédérique PuissatFrédérique Puissat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 10 février 2023, les organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés, à l’exception de la Confédération générale du travail (CGT), ont signé l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, ce dont je me félicite.

Vous avez raison, monsieur le ministre : nous ne devons pas bouder notre plaisir, tant il est vrai que nous évoquerons, sans doute lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, un certain nombre de rendez-vous manqués entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Je souligne ici que, sur cet accord, le rendez-vous n’a pas été manqué !

Respecter le dialogue social, c’est donner du temps et des marges de manœuvre aux partenaires sociaux pour négocier. C’est aussi mettre en œuvre les accords conclus par les partenaires sociaux dans l’élaboration du droit du travail.

Ces principes découlent d’un article qui nous est cher : l’article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.

Qui mieux que les représentants des salariés et des employeurs peut définir les règles qui régissent la vie en entreprise ? C’est pourquoi le législateur doit fixer un cadre dans lequel la démocratie sociale a la possibilité de s’exprimer.

Nous saluons donc l’engagement pris par le Gouvernement d’assurer la transposition fidèle et complète de l’accord sur le partage de la valeur.

L’accord a pour objectif de poursuivre le travail engagé sur les politiques de rémunération et de valorisation du travail. Il vise à développer les outils de partage de la valeur, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Il tend aussi à faciliter le développement de l’actionnariat salarié et à améliorer les dispositifs d’épargne salariale.

Toutes ces mesures me semblent de nature à simplifier le recours au partage de la valeur par les entreprises au profit des employeurs et des salariés.

C’est pourquoi la commission souhaite garantir une transposition fidèle et complète des mesures de l’ANI nécessitant l’intervention du législateur. Pour y parvenir; elle a modifié les dispositions qui s’écartaient des mesures demandées par les signataires de l’accord.

Elle n’a souhaité transposer de l’ANI que les seules mesures relevant du domaine de la loi. Certaines dispositions demandées par les partenaires sociaux relèvent du domaine réglementaire ; il appartient donc au Gouvernement de les prendre par décret. D’autres sont d’application directe et ne nécessitent pas de transposition.

Dans cet esprit, la commission a adopté l’article 1er en revenant sur les modifications apportées par l’Assemblée nationale qui s’écartaient de l’accord. Cet article prévoit, conformément à l’accord national interprofessionnel, qu’une négociation en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications soit ouverte avant le 31 décembre 2023 au sein des branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.

Dans un contexte d’inflation, de tensions en matière de recrutement et d’évolution du marché du travail, il est essentiel que le dialogue social sur les classifications s’engage. Il permettra d’actualiser par secteur les catégories d’emploi et les niveaux de qualification et de rémunération, afin de favoriser les recrutements et la valorisation des parcours professionnels.

En revanche, nous avons supprimé l’article 1er bis. La demande des partenaires sociaux que les branches établissent un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l’amélioration de la mixité des emplois pourra être pleinement satisfaite sans nouvelle mesure législative.

La commission a adopté les dispositions visant à développer le partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises : intéressement, participation, épargne salariale et prime de partage de la valeur.

À ce titre, nous avons approuvé l’inscription dans la loi du principe de non-substitution entre salaires et participation, principe qui était déjà consacré pour les autres dispositifs de partage de la valeur.

L’article 2 permet aux entreprises de moins de 50 salariés, à titre expérimental, de recourir à une formule de calcul de la participation dérogatoire, lorsqu’elles mettent volontairement en place un dispositif de participation. Prenant en compte la spécificité de ces entreprises, cela pourrait aboutir à un montant de mise en réserve inférieur à celui qui est en vigueur dans le droit commun, ce qui incitera les salariés à recourir à la participation.

Nous avons approuvé l’obligation faite aux entreprises de 11 à 49 salariés qui réalisent durant trois exercices consécutifs un bénéfice d’au moins 1 % de leur chiffre d’affaires d’instaurer un régime de participation ou d’intéressement, d’abonder un plan d’épargne salariale ou de verser la prime de partage de la valeur. Cette mesure expérimentale, prévue pour une durée de cinq ans, sera également applicable au secteur de l’économie sociale et solidaire.

L’Assemblée nationale a rendu cette obligation applicable aux exercices ouverts après le 31 décembre 2023. Or l’accord national interprofessionnel prévoit explicitement que cette obligation entrera en vigueur au 1er janvier 2025 ; cela ne nous a pas échappé, monsieur le ministre ! Afin de retenir la date choisie par les partenaires sociaux, la commission a donc prévu que l’obligation ne s’appliquera qu’aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

Afin de favoriser le développement de la participation, nous avons également approuvé la suppression du report de trois ans de l’obligation de mettre en place la participation pour les entreprises qui appliquent déjà un accord d’intéressement.

L’article 5 met en place un nouveau dispositif de partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l’entreprise. Pour ce faire, les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un délégué syndical devront définir par accord ce qui relève de l’augmentation exceptionnelle, ainsi que les modalités du partage de la valeur qui en découlent.

Les partenaires sociaux ont également souhaité ajuster la prime de partage de la valeur. Je rappelle que cette prime peut être versée une fois par an à chaque salarié dans la limite de 3 000 euros ou, si l’entreprise met en œuvre un accord d’intéressement, dans la limite de 6 000 euros.

À titre temporaire, jusqu’à fin 2023, les primes versées aux salariés rémunérés jusqu’à 3 Smic sont exonérées de toute cotisation sociale, de contribution sociale généralisée (CSG), de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et d’impôt sur le revenu.

Pour les autres primes, et à titre pérenne, seules les cotisations sociales sont exonérées.

Ce dispositif a permis à de nombreux salariés – vous l’avez mentionné, monsieur le ministre – de bénéficier d’une redistribution de la valeur créée par les entreprises. Il a ainsi amélioré leur pouvoir d’achat dans un contexte de crise sanitaire, puis de forte inflation.

On ne peut pas nier le risque d’une substitution entre salaire et prime, ainsi que les effets pour les salariés et pour les finances publiques.

Pour autant, le contexte économique justifie un tel dispositif, dans la mesure où les hausses de salaire sont parfois difficiles à assumer pour les employeurs.

Il est proposé que la prime de partage de la valeur puisse être attribuée deux fois par année civile et que son montant puisse être affecté aux plans d’épargne salariale. Surtout, l’article 6 prévoit que le régime temporaire d’exonération sociale et fiscale soit prolongé jusqu’à la fin de l’année 2026 pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Ces dispositions, fidèles à l’ANI, ont été adoptées par la commission.

L’article 7 crée une prime de partage de la valorisation de l’entreprise visant un public plus large que l’actionnariat salarié. Mise en place via un accord spécifique, elle permettra de verser aux salariés une prime qui reflète l’augmentation de la valeur de l’entreprise sur les trois dernières années, selon un traitement fiscal et social incitatif.

Ce dispositif permettra ainsi aux entrepreneurs d’associer leurs salariés aux performances de l’entreprise, sans pour autant déformer la structure du capital, ce qui est particulièrement préjudiciable aux PME familiales et aux start-up.

Nous avons également adopté les articles qui simplifient les modalités d’attribution des outils de partage de la valeur.

C’est le cas de l’article 9, qui permettra le versement d’avances en cours d’exercice sur les sommes dues au titre de la participation, et de l’article 10, qui sécurise la possibilité de fixer un salaire plancher et plafond en cas de choix d’une répartition de l’intéressement en fonction du salaire, permettant ainsi une répartition des primes d’intéressement plus favorable aux bas salaires.

L’article 11 simplifiera la procédure de révision du contenu des plans d’épargne interentreprises (PEI). Quant à l’article 12, il prévoit d’adapter, par accord de branche, les conditions d’ancienneté fixées pour bénéficier de l’intéressement et de la participation aux spécificités du secteur du travail temporaire.

En revanche, nous avons supprimé l’article 9 bis, dont le dispositif relève manifestement du domaine du règlement et ne transpose pas l’ANI, ainsi que l’article 10 bis, dont les dispositions sont satisfaites par le droit en vigueur.

Nous avons enfin approuvé les mesures qui permettront de développer l’actionnariat salarié.

L’article 13 rehausse les plafonds globaux d’attribution gratuite d’actions aux salariés, en les portant par exemple à 20 % dans les PME. Il introduit également un principe de rechargement du plafond individuel de détention du capital par les salariés au bout de sept ans, afin de favoriser une association plus étroite des salariés à la vie de l’entreprise dans le temps long.

L’article 14 impose la présence d’au moins un fonds participant au financement de la transition énergique et écologique ou à l’investissement socialement responsable dans les plans d’épargne salariale, tandis que l’article 15 modifie les règles de gouvernance des fonds communs de placement d’entreprise en vue d’améliorer l’information des salariés sur la politique d’engagement actionnarial du fonds.

L’article 14 bis, dont les dispositions relèvent d’un décret, et l’article 16, qui prévoit la remise d’un rapport, ont été supprimés par la commission.

Mes chers collègues, nous vous invitons à adopter le texte de la commission, qui permettra d’assurer une transposition fidèle et complète des mesures de l’ANI nécessitant de modifier la loi.

Nous comptons sur la diligence du Gouvernement pour transposer les mesures de l’accord qui relèvent du domaine du règlement. Et nous faisons confiance aux branches et aux entreprises pour se saisir de celles qui peuvent être directement appliquées.

C’est ainsi que, dans l’intérêt des salariés et des employeurs, nous faisons et ferons vivre la démocratie sociale.

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