Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la crise sans précédent que traverse notre système de santé, le législateur n'a de cesse de multiplier les lois. Pourtant, force est de constater que l'accès aux soins se dégrade.
Cette énième proposition de loi, qui ne parvient pas à convaincre, intervient dans un contexte de négociations difficiles, à peine six mois après l'adoption de la loi Rist 2 qui a déjà entraîné de nombreuses contestations et crispations.
Nous devons à nos concitoyens un discours de vérité : la situation ne va pas s'améliorer tout de suite. Nous avons devant nous plusieurs années difficiles avant les premiers effets du desserrement du numerus clausus.
Dans cette attente, parce que nous avons besoin d'attirer les futurs praticiens et de préserver ceux qui restent, il est indispensable d'envoyer des signaux positifs aux professionnels de santé. Cette proposition de loi ne parvient pas à le faire, alors même que des filières indispensables, comme la psychiatrie, la gériatrie ou la santé publique, sont loin d'avoir rempli leurs effectifs cette année. La médecine générale, quant à elle, occupe désormais la quarante-deuxième place sur quarante-quatre parmi les préférences des internes – un signal inquiétant, qui le sera plus encore si la tendance s'accentue.
Alors que tous demandent un choc de simplification, l'article 1er tente de ranimer les conseils territoriaux de santé (CTS), qui sont restés des coquilles vides depuis leur création.
Notre organisation territoriale est complexe. De nombreuses organisations coexistent et se superposent : CLS, CPTS, MSP, ESP, DAC, CTS, GHT ou encore réseau ville-hôpital – autant de sigles dont je vous épargne la signification ; et j'en oublie.
Si la décentralisation et le renforcement de la démocratie sanitaire sont essentiels pour refonder notre système de santé, ils doivent s'accompagner de simplifications, d'une gouvernance claire et de moyens. L'article 1er reste au milieu du gué !
J'en viens à l'article 3, le plus irritant de ce texte. Je soutiens la position de la commission qui, sur l'initiative de sa rapporteure, l'a supprimé. J'ai bien compris qu'il s'agissait d'une inscription automatique, mais non obligatoire, sur le modèle des listes électorales. L'adhésion sur la base du volontariat reste toutefois la formule la plus simple et la plus efficace.
Les CPTS sont jeunes. Laissons les outils aux mains des acteurs de santé de terrain ; laissons-les s'organiser ; faisons-leur confiance – vous l'avez-vous-même dit, monsieur le ministre. La crise du covid nous a montré que cela est efficace – ne l'oublions pas !
J'ai toutefois certaines divergences avec le texte issu de nos travaux en commission.
Je pense en effet que la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux dans les maisons de santé et cabinets en zone sous-dense, limitée dans le temps et sous certaines conditions, peut faciliter et encourager l'installation de professionnels. J'avais d'ailleurs soutenu la proposition de loi de notre collègue Dany Wattebled sur ce sujet.
Je souhaite également réintroduire la possibilité pour les résidents d'Ehpad de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant. Cette possibilité offerte aux médecins coordonnateurs qui le souhaitent peut améliorer la prise en charge médicale des résidents dans certaines structures. J'ai pratiqué cela dans mes fonctions antérieures et je trouvais que c'était une bonne solution.
Enfin, concernant l'article 10, je suis favorable à la création de cartes de séjour pour les praticiens diplômés hors Union européenne. Cette simplification répond à une véritable problématique dans les hôpitaux, où ces professionnels complètent utilement les effectifs.
Concernant l'intérim, je conserve quelques doutes et j'attends les débats sur les différentes propositions. J'ai voté, comme beaucoup, en faveur du plafonnement des rémunérations. Aujourd'hui, c'est sur la limitation du mode d'exercice que nous nous penchons. Si l'intérim mercenaire est à combattre, s'il doit rester l'exception et non la règle, c'est surtout aux causes qu'il faut s'attaquer.
Là encore revient le débat sur l'attractivité des carrières hospitalières. À ce titre, je soutiendrai toutes les mesures qui permettent d'améliorer cette attractivité.
Je pense d'abord à la montée en compétences des professionnels avec la création du statut d'infirmier référent.
Je pense aussi au guichet unique, qui doit être renforcé et élargi. Attention toutefois à ce qu'il joue un rôle très concret et qu'il associe les représentants des jeunes médecins – nous avons déposé un amendement en ce sens.
Je pense ensuite à la répartition de la charge de la permanence des soins entre hôpitaux privés et hôpitaux publics. C'est une mesure juste, sous réserve – et je défendrai un amendement en ce sens – que les praticiens assurant la garde ne puissent l'effectuer que dans leur établissement habituel afin de sécuriser leur pratique.
Je pense enfin aux options santé dans les lycées situés en zone déficitaire. C'est une mesure sur laquelle je travaille dans la région Grand Est ; je me réjouis donc de la voir reprise dans ce texte et expérimentée à plus large échelle. Elle permettra de donner envie aux jeunes de s'engager dans cette voie et, surtout, de rompre avec le déterminisme social et géographique.
Je conclurai, comme j'ai commencé, par un appel à un choc d'attractivité. Attention à ne pas décourager à coup d'inflation législative, de sur-administration ou de coercition les derniers fantassins qui tiennent notre système de santé. Ne laissons pas penser que l'acteur de terrain est le cœur du problème, alors qu'il doit en être la solution ! §