Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, finalement, c'est non pas l'examen d'une proposition de résolution, mais un débat sans vote… En cela, je souscris au rappel au règlement de mon collègue Hervé Marseille en début de séance.
La différence entre l'examen d'une proposition de résolution et un débat, c'est le vote, qui permet à chacun de s'engager. Mais surtout, la raison d'être d'une assemblée et du Parlement, c'est la délibération.
Nous allons donc débattre.
Entre-temps, un professeur de français est mort. Il a été frappé par la bête immonde islamiste sur le sol de France, sur le sol sacré de l'école républicaine.
Cet événement monstrueux – parce que c'est un événement monstrueux – renforce encore davantage la nécessité pour notre assemblée de débattre et, surtout, de s'exprimer sur ces événements qui sont liés.
Pourquoi ? Parce que, d'une part, comme je l'indiquais, tout est lié et ce qui se passe là-bas nous concerne, ici, en même temps.
Parce que, d'autre part, notre réponse ne peut souffrir la moindre ambiguïté ni la moindre hésitation.
Pourquoi sommes-nous directement concernés par ce qui se passe là-bas ? Nous le sommes pour trois raisons, je crois.
D'abord, nous partageons avec le peuple juif, comme avec tous les peuples du monde, la même condition humaine.
Ce qui est inhumain ne doit pas nous être étranger. Comment ne pas être horrifié par les images qui nous sont parvenues ? Comment ne pas être horrifié par ces familles brûlées vives, par ces femmes enceintes éventrées, par ces enfants – symbole de l'innocence –, nouveau-nés, décapités, parce que juifs ? Comment ne pas être horrifié par ces exactions qui constituent – oui, Hervé Marseille – un crime contre l'humanité ? Comment ne pas voir, dans cette violence paroxystique, la poursuite de l'entreprise génocidaire par d'autres moyens ? Rappelez-vous, les Tutsis ont été massacrés à l'arme blanche, à la machette.
Nous sommes donc concernés et ce lien réside, d'abord, là, dans notre humanité commune.
Il réside ensuite dans cette alliance, dans cette amitié, autant de liens avec Israël, qui sont irrévocables : des liens historiques, forgés dans le creuset de nos racines judéo-chrétiennes, des liens culturels et des liens civiques, parce que nous partageons avec Israël les valeurs communes de la démocratie, si rare au Proche-Orient.
C'est au nom de cette amitié à la fois spirituelle et civique que les terroristes nous visent et veulent nous détruire, comme ils veulent détruire Israël, tout simplement parce que nous figurons tous deux – si j'ose dire – au sommet de l'échelle de la mécréance : nous, en raison de notre laïcité et Israël, parce que c'est le peuple juif.
Enfin, nous sommes liés par le sang versé, par le sang français versé.
Madame la Première ministre, au moment où je vous parle, trente de nos compatriotes sont morts et Dominique Bernard a été lâchement assassiné.
Le sang français versé.
Les images insoutenables que nous avons découvertes nous en rappellent d'autres qui nous hantent encore : celles des attentats.
À mon sens, plus qu'aucun autre peuple sur la planète, le peuple français doit de se tenir aux côtés du peuple juif, car nous avons connu la même morsure sanglante du terrorisme, du totalitarisme islamiste.
Alors que faire, désormais ? D'abord, bien sûr, nous tenir aux côtés d'Israël.
Je soulignerai simplement un point qui me paraît fondamental et que vous avez abordé, madame la Première ministre, dans votre intervention.
Cette violence inouïe n'est pas l'expression désespérée de la cause palestinienne ; c'est la résurgence du totalitarisme islamiste. Que ce soit bien clair !
Le Hamas ne défend pas la cause palestinienne, il l'instrumentalise, il la défigure en l'islamisant, en la talibanisant, en la déshumanisant.
Je ferai quelques rappels à l'adresse de tous les islamo-gauchistes qui se déshonorent en refusant de qualifier de terroristes les crimes qui ont été commis.
Le Hamas n'est pas un mouvement de libération ; c'est un acronyme qui signifie d'ailleurs « mouvement de résistance islamique ».
Le credo de son inspirateur, le cheikh Yassine, qui n'est plus, est non pas de libérer, mais de soumettre la Palestine à la charia, à la loi islamiste.
Il existe des écrits et des dires : les choses doivent être claires !
Depuis des années, tous les efforts du Hamas ont très clairement consisté à saboter tous les efforts de paix, y compris les accords d'Oslo.
Aujourd'hui, ce crime contre l'humanité vise évidemment à empêcher toute réconciliation, notamment entre Riyad et Tel-Aviv, sans doute au bénéfice de l'Iran.
Personne ne le dit – mais je le dis – : l'Iran est vraisemblablement derrière cette opération grâce à différents moyens. Les choses doivent être très claires.
Mais, pour ce qui nous concerne, nous devons être très fermes et tirer tous les enseignements de cette situation.
Tout d'abord, en matière d'antisémitisme, ce doit être la tolérance zéro, même lorsque l'antisémitisme avance masqué derrière l'antisionisme.
Je rappellerai des propos oubliés du grand philosophe Jankélévitch selon lequel l'antisionisme était en réalité bien pratique, car il permettait l'antisémitisme sans le racisme ; c'est exactement cela.
Madame la Première ministre, je vous demande de faire preuve d'une tolérance zéro à l'égard des nouvelles formes d'antisémitisme. En effet, l'antisémitisme a muté en France, dans ses ressorts aussi bien politiques que religieux. Il faut absolument en tenir compte.
Ensuite, deuxième élément – là encore, vous l'avez indiqué, madame la Première ministre –, pas un euro ne doit aller à une organisation de type terroriste comme le Hamas. Pas un euro !
Bien sûr, nous ne pouvons pas retenir les fonds humanitaires, mais nous devons tout vérifier au moyen d'un travail de contrôle extrêmement rigoureux, aussi bien nos aides que les aides européennes, qui constituent un paquet important. C'est absolument fondamental.
Enfin, il est parfaitement possible d'être aux côtés d'Israël et de reconnaître à cet État le droit de se défendre tout en rappelant que les victimes civiles sont toujours un drame. Bien sûr que la vie des uns vaut la vie des autres ! Riposter, c'est éradiquer le Hamas dans le cadre du droit international, parce que l'honneur des démocraties, c'est de ne jamais renier nos valeurs, de ne jamais s'abaisser jusqu'à ceux qui voudraient précisément nous tirer vers le bas.
J'ai écouté, moi aussi, les propos du Président de la République, il y a quelques heures. Se tenir aux côtés d'Israël, fermement et de façon déterminée, cela signifie lui reconnaître le droit de se défendre et d'éradiquer le Hamas. Mais c'est aussi lui tenir un langage de vérité, en rappelant que, depuis trente ans, aucune guerre n'a été gagnée sans solution politique. Les Américains l'ont appris en Afghanistan et en Irak. Nous autres, Français, nous l'avons appris en Afrique, au Sahel. Nous devons le redire : s'il faut, bien sûr, éradiquer le Hamas, il conviendra également de trouver une solution politique pour que le peuple palestinien voie lui aussi se lever une espérance.
Cette espérance – nous l'avons toujours proclamé, fidèles à la ligne de la diplomatie française, qui est aussi celle du Sénat –, c'est la solution à deux États. Bien évidemment, cette perspective, telle que je l'évoque aujourd'hui, depuis cette tribune, ne peut que nous paraître terriblement éloignée, totalement illusoire et utopique. Mais il faut la rappeler, car après toutes ces années où le conflit était en quelque sorte gelé, nous voyons bien que la violence est revenue.
Encore une fois, Israël a le droit de se défendre. Certes, nous voulons qu'il y ait le moins de victimes civiles possible, mais gardons à l'esprit que c'est le Hamas qui a déclenché les hostilités et qui a aboli toute distinction entre les civils et les militaires, en prenant les civils comme des boucliers.
Il faut rappeler cette évidence et, en même temps, déployer tous nos efforts diplomatiques dans les mois à venir pour que la France puisse promouvoir cette solution à deux États, car nous avons un rôle et une responsabilité particulière, que vous avez rappelée, madame la Première ministre.
Pour conclure, ce combat est à nouveau celui sans cesse recommencé contre le terrorisme islamiste. Au moment où je vous parle, le totalitarisme islamiste ne s'est jamais aussi bien porté dans le monde – jamais ! – malgré les interventions occidentales. Il règne à Kaboul ; il revient en Irak ; il s'étend et se répand en Afrique, au Sahel, et il frappe en France. Bien sûr qu'il faut être intraitable ! Notre réponse, que nous adressons aussi au terrorisme islamiste, doit être judiciaire, policière et peut-être législative. Elle doit en tout cas être totale et globale.
Cela peut paraître très paradoxal, mais en nous désignant comme leurs ennemis et en ciblant l'école et la laïcité, les terroristes islamistes nous montrent un chemin de résistance. Ils nous montrent la voie d'une réponse possible, celle de l'idéal républicain, qui s'incarne par exemple dans la laïcité. L'école est un creuset qui sert à transmettre non pas seulement des connaissances ou des compétences individuelles, mais aussi une grammaire collective qui permettra demain à des citoyens d'intégrer pleinement le destin national. L'école est le creuset de cet idéal français qu'est l'idéal républicain.
Madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour l'heure, n'oublions pas les victimes – car il me semble que l'on passe trop vite par pertes et profits les victimes en Israël – et réaffirmons solennellement, ici, au Sénat, dans notre Haute Assemblée, le soutien indéfectible et la solidarité de la France envers la nation israélienne et le peuple juif, qui porte aujourd'hui le flambeau de la démocratie au prix du sang, dans cette région du Proche-Orient.