Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 24 octobre 2023 à 14h30
Situation au proche-orient — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, rien ne justifie l'horreur du samedi 7 octobre 2023. À l'heure où le soleil se lève, la barbarie s'est déchaînée sur Israël. Cette barbarie est le fruit de la volonté du Hamas, qui a revendiqué ces actes de terrorisme islamique.

Ces morts, ces blessés, ces otages, c'étaient des enfants, des femmes, des hommes. Ils ne demandaient qu'à vivre. Ils ont été sauvagement exécutés, violentés, blessés, meurtris à jamais, ou pris en otage.

En ce 7 octobre on fêtait Sim'hat Torah, c'est-à-dire « joie de la Torah ». Mais le vacarme des actes terroristes a fait taire pour longtemps l'expression de la joie.

Les revendications du Hamas sont claires : tuer du Juif ! Elles nous renvoient à un antisémitisme assumé, multiséculaire au Proche-Orient comme partout dans le monde.

La douleur du peuple israélien est profonde ; nous nous y associons.

Depuis ce samedi 7 octobre, l'engrenage de la violence s'amplifie heure par heure. Nous ne pouvons accepter que l'État d'Israël, que le gouvernement de M. Netanyahou passe du droit de se défendre au droit de se venger.

Je fais miens les mots de Dominique de Villepin, qui rappelait, il y a bientôt quinze jours, que « le droit à la légitime défense n'est pas un droit à une vengeance indiscriminée ».

Un mort est un mort, quelle que soit son ethnie ou sa croyance. Nous refuserons toujours de les trier, de les opposer.

La situation de Gaza n'est ni acceptable ni soutenable : 1 million de personnes ont été déplacées, des missiles sont tirés quasiment en continu, faisant jour après jour des centaines de morts supplémentaires.

Cette situation n'est ni acceptable ni soutenable pour la population gazaouie, qui est aujourd'hui privée des biens indispensables à l'homme. Près de 2 millions de personnes sont privées d'eau potable, obligeant une partie d'entre elles à boire de l'eau de mer, nocive pour leur santé. À cela s'ajoute le manque de nourriture, de carburant et d'électricité. Toutes les organisations le disent : il est indispensable de faire entrer chaque jour à Gaza plusieurs centaines de camions d'aide humanitaire pour assurer la survie des 2 millions d'habitants, bien loin des vingt camions autorisés à circuler actuellement.

Ensuite, cette situation n'est ni acceptable ni soutenable pour le peuple israélien lui-même, car l'appauvrissement et les conditions de survie imposés aux habitants de Gaza sont – nous le savons tous – l'un des terreaux des organisations terroristes islamiques et de la radicalisation à venir d'une partie de la population.

Enfin, cette situation n'est ni acceptable ni soutenable pour la communauté internationale : c'est l'avenir de la sécurité au Proche-Orient et dans le monde qui se joue en ce moment pour plusieurs décennies.

Oui, nous devons combattre la guerre qui se déroule sous nos yeux.

La France doit faire entendre sa voix dans les arènes diplomatiques ; elle doit surtout jouer un rôle indispensable pour faire cesser cette guerre.

On ne peut pas dire : « oui, mais », comme nous l'entendons depuis plusieurs jours. Ce qui s'impose, c'est le respect du droit international et des différentes résolutions de l'ONU, qui requièrent que l'on crée deux États, mais aussi que l'on mette fin à l'occupation et à la colonisation. Ce respect est l'une des conditions fondamentales de la paix.

Cette volonté de paix s'est incarnée dans la remise conjointe, en 1994, du prix Nobel de la paix à Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin, qui le paya de sa vie, l'année suivante, exécuté par l'extrême droite israélienne qui ne voulait pas de la paix.

Oui, aujourd'hui, des actes forts doivent être pris par la France.

Nous saluons le déplacement du Président de la République Emmanuel Macron en Israël et en Cisjordanie. Si le « mais » nous sépare, le « et » nous rassemble.

Nous avons toutefois été surpris, madame la Première ministre, par les propos qu'a tenus le Président aujourd'hui, lesquels laissent croire à un nouvel engagement militaire de la France dans le cadre d'une extension du champ d'intervention de la coalition internationale contre Daech. Si cela devait se confirmer, un débat et un vote au Parlement seraient indispensables.

Nous devons aller au-delà de ces propos, de ce déplacement.

Ainsi, la France doit être à l'origine d'une nouvelle résolution de l'ONU, exigeant un cessez-le-feu et le respect des résolutions précédentes.

La France doit pouvoir redire à l'État israélien que la libération de Marwan Barghouti est nécessaire. Nombreux sont ceux qui le reconnaissent, en Israël ou en Palestine, comme l'un de ceux qui peuvent devenir des hommes de dialogue entre Israéliens et Palestiniens.

Enfin et surtout, la France doit, au-delà des mots, s'attaquer réellement au Hamas. Je le redis, le Hamas ne peut pas représenter, pour les progressistes que nous sommes, l'avenir du peuple palestinien : la barbarie du 7 octobre dernier le démontre aux yeux du monde entier. Ses liens avec le Djihad islamique et d'autres organisations le placent factuellement dans le camp des ennemis de la liberté.

Ces dernières années, peu nombreuses ont été les voix à s'élever pour dénoncer ses agissements ou pour renforcer le contrôle de l'utilisation des aides internationales et européennes à destination du peuple palestinien.

C'est dans un silence assourdissant que le Hamas a assis sa domination sur Gaza au cours de ces dernières années, affaiblissant par là même le poids de l'Autorité palestinienne.

Alors, soyons fermes en tout point, et reconnaissons que ce n'est pas la destruction de Gaza qui affaiblira le Hamas : ses principaux dirigeants sont actuellement au Qatar ! Du reste, si nous voulons réellement agir, alors cessons nos relations diplomatiques avec ce pays et invitons les autres pays à en faire de même, pour véritablement nous attaquer à cette organisation, qui a replongé le monde dans un temps que nous pensions révolu !

Oui, les auteurs et les instigateurs de ces attentats devront être traduits devant les juridictions internationales et jugés par celles-ci.

Madame la Première ministre, je le redis, nous demandons avec force et détermination un cessez-le-feu immédiat.

Le cessez-le-feu que nous exigeons, et en faveur duquel nous vous demandons d'agir, n'est pas le maintien de la situation actuelle. Il doit mettre fin aux massacres des civils et permettre de libérer tous les otages et de construire la sécurité indispensable à tous les peuples du Proche-Orient.

Nous savons tous ici que, sans cessez-le-feu immédiat, c'est malheureusement tout l'embrasement du Proche-Orient qui se prépare, très certainement. Personne ne domine la guerre et personne ne sait au profit de qui elle se termine.

Madame la Première ministre, la France n'est pas seule ; elle est attendue par de nombreux habitants d'Israël et de Palestine, qui veulent simplement, légitimement, vivre en paix, pouvoir sortir, écouter de la musique, voir grandir leurs enfants.

Je veux saluer ici les habitants de Haïfa, de Nazareth et d'ailleurs, qui se regroupent au-delà de leurs origines pour assurer que leur ville, leur territoire ne sombrent pas dans des affrontements entre communautés, qui seraient mortifères pour leurs habitants.

Depuis cette tribune du Sénat de la République française, je veux dire aux enfants d'Israël et de Palestine que nous ne les oublions pas.

Nous serons toujours dans le camp de ceux qui veulent agir pour leur permettre de vivre et de grandir heureux, afin qu'ils voient chaque jour le soleil se lever.

Jean Jaurès déclarait avec force que « l'affirmation de la paix est le plus grand des combats ». Mon groupe et moi-même souhaitons qu'il devienne notre combat à tous.

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