Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 26 octobre 2023 à 10h30
Conventions fiscales avec le danemark et avec la grèce — Discussion générale

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Elle partage la circonspection des acteurs de l'agroalimentaire, qu'il s'agisse des producteurs, des industriels ou des distributeurs, lesquels craignent même les effets contre-productifs de l'avancement des négociations sur l'inflation ou sur la santé économique des entreprises françaises. En effet, toutes les matières premières agricoles ne connaissent pas une baisse. Pour le lait, l'huile d'olive, le cacao ou le sucre, il faut s'attendre à des hausses dans les prochaines semaines.

De même, certaines matières premières industrielles connaissent encore aujourd'hui des augmentations, à l'instar de l'énergie ou des salaires, portés par une augmentation du Smic de près de 10 % depuis le début de l'année 2022.

À cela pourrait s'ajouter un effet de rattrapage. Nous le savons, lors des derniers cycles de négociation, toutes les hausses de coûts agricoles et industriels des fournisseurs n'ont pas été répercutées dans les tarifs octroyés par les distributeurs.

Enfin, nous connaissons désormais un contexte d'inflation structurelle et exogène, ainsi qu'une forte volatilité des cours des intrants, alimentée par des crises internationales. Nous l'avons vu dernièrement : les tristes événements en Israël ont conduit à une augmentation du prix du gaz de plus de 26 % en quelques jours à peine.

Toutes ces réserves auraient pu justifier le rejet du texte par le Sénat. Toutefois, dans notre procédure parlementaire, un tel vote revient à donner carte blanche à l'Assemblée nationale pour reprendre son texte.

Nous avons donc jugé préférable de nous engager pour mieux protéger nos territoires, en amendant le dispositif selon un objectif prioritaire : la lutte contre l'inflation ne doit pas s'opérer au détriment des TPE, PME et ETI, piliers de l'emploi et de l'attractivité de nos territoires, ni au détriment de la souveraineté alimentaire.

Le projet de loi initial prévoyait d'avancer la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier pour les entreprises réalisant plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela revenait à laisser nos PME négocier après les grands groupes, au risque de fragiliser leur accès au linéaire, c'est-à-dire à leur référencement en rayon.

Aussi, les députés ont introduit un principe de différenciation des dates de négociation selon la taille des entreprises. La commission des affaires économiques du Sénat a conservé et précisé ce principe protecteur pour les PME et les ETI. Ainsi, elle accorde un délai plus réaliste de négociation aux PME et ETI. En effet, la date butoir du 31 décembre qui avait été choisie comportait un risque de goulot d'étranglement préjudiciable aux industriels comme aux distributeurs.

La commission propose donc de reporter les dates butoirs de négociation au 15 janvier pour les PME et ETI et au 31 janvier pour les grands groupes, permettant ainsi à nos entreprises de discuter avec la grande distribution dans un délai qui, nous l'espérons, n'obérera pas la qualité de ces négociations, notamment les plans d'affaires, car il ne s'agit pas seulement de la formation du prix !

Il est impératif de conserver la différenciation du calendrier dans le texte, afin de ne pas livrer nos petites entreprises à un rapport de force structurellement déséquilibré avec la grande distribution.

Jusqu'alors, le Gouvernement est favorable non pas à ce principe de différenciation, mais plutôt à un dispositif de chartes. Déjà testé, il n'est visiblement pas concluant, pour être trop restreint et toujours soumis au bon vouloir des distributeurs. Aussi, sans date butoir anticipée, le respect d'une phase de négociation spécifique pour les plus petites entreprises restera hypothétique.

Comme nous y invite notre président Gérard Larcher, méfions-nous des lois de pulsion. Selon nous, ce projet de loi entre malheureusement dans cette catégorie et ne s'attaque pas aux mauvaises pratiques déséquilibrant les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs.

Je pense bien sûr au développement des centrales d'achat basées à l'étranger. De plus en plus nombreuses, elles permettent aux grands distributeurs de s'affranchir du cadre protecteur pour l'amont fixé par les lois Égalim et d'adopter des pratiques parfois abusives à l'égard des fournisseurs français.

Nous l'avons rappelé lors de l'examen de la loi Égalim 3, en mars dernier : tout contrat visant des produits commercialisés sur le sol français doit se voir appliquer le cadre français des négociations commerciales et les sanctions qu'il prévoit. Depuis lors, malheureusement, aucune amélioration n'a été constatée à ce sujet.

Outre cet enjeu, il faut prendre en compte l'opacité des pratiques et du partage de la valeur. Les distributeurs se défaussent sur les industriels et vice versa, sans que nous, parlementaires, disposions de données nous permettant de légiférer en toute connaissance de cause.

Les marges des industriels comme celles des distributeurs doivent faire l'objet d'une évaluation.

D'un côté, les industriels sont critiqués pour avoir reconstitué leurs marges après dix années de déflation.

De l'autre, les distributeurs sont accusés d'avoir augmenté leurs marges, donc les prix, sur les produits des marques nationales, pour compenser les baisses de prix sur les produits des marques distributeurs. Sur tous ces sujets, l'opacité règne toujours et requerra selon nous un engagement plus grand de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour que nous soyons éclairés sur la formation des prix.

En ce sens, l'article 2 du projet de loi a pour objet de commander au Gouvernement un rapport sur l'effet de l'avancement des négociations commerciales sur les prix et les marges dans la grande distribution, ainsi que sur le partage de la valeur.

J'en profite pour rappeler que le Parlement n'a toujours pas reçu le rapport sur les effets des mesures de relèvement du seuil de revente à perte de 10 %, document qui devait être remis au 1er octobre dernier... Il s'agit pourtant d'un rapport essentiel si nous voulons évaluer les lois passées avant de mener une refonte structurelle de l'organisation des négociations commerciales à venir, comme le souhaite le Gouvernement d'ailleurs, ainsi que vous l'avez rappelé, madame la ministre.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à voter les améliorations apportées à ce texte par la commission des affaires économiques. Il est en effet de notre responsabilité de soutenir nos entreprises, en les protégeant d'un rapport de force qui, si le texte issu du Sénat n'était pas adopté, leur serait défavorable.

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