Entre énoncer des vœux et la réalité, il y a, on le sait, un gouffre. Si l'impact était évalué et reconnu, mon groupe vous aurait soutenue, madame la ministre, car, dans le contexte de crise que nous connaissons, tout ce qui peut être mis en œuvre pour alléger le budget des foyers est à encourager et à soutenir.
Hélas, nous n'avons aucune assurance de l'efficience de ce texte, le quatrième en cinq ans, qui s'ajoute à toutes les lois sur les relations commerciales. Le contexte est le même aujourd'hui qu'hier et qu'avant-hier. Malheureusement, il sera le même demain, car ce n'est pas ce projet de loi qui empêchera les deux extrémités de la chaîne à payer le prix fort, à savoir, bien sûr, les agriculteurs d'un côté et les consommateurs de l'autre.
Dans la guerre des prix, c'est aux paysans que l'on impose un prix pour leurs produits ; il n'y a que pour eux que cela existe ! Ils subissent de plein fouet les crises sanitaires, climatiques, politiques, mais aussi, comme tous, l'inflation, avec la hausse des coûts de l'énergie et des matières premières.
Dans les premières négociations, le prix de production des agriculteurs a été pris en compte, mais en aucun cas la hausse du coût des énergies et des matériaux.
Quant aux consommateurs, on leur fait miroiter des prix bas, alors que la marge obtenue à diverses étapes de la chaîne ne fait que s'amplifier.
En quoi les dispositions de ce texte changeront-elles la donne ? Si l'inflation affecte les ménages – c'est le postulat de ce projet de loi –, elle touche également les autres maillons de la chaîne…
Lors des auditions, qui se sont déroulées en septembre dernier à l'Assemblée nationale, des représentants de la grande distribution ont expliqué que, malgré les négociations à venir, les prix pourraient encore augmenter, car le contexte est incertain. Tout le monde se rejette les torts : les distributeurs accusent les transformateurs et les industriels de l'agroalimentaire. Quand certains affichent 48 % de marges, la décence oblige à la raison.
Or nous ne sommes pas dans un monde de raison. Alors que certains Français souffrent, se paupérisent, d'autres ont eu l'idée géniale de la shrinkflation, ou comment payer le même prix pour avoir moins !
On parle beaucoup de partage de la valeur, mais l'on sait que celle-ci ne profite jamais aux producteurs.
Une fois de plus, je prendrai l'exemple, qui est très parlant, du vin, même s'il ne s'agit pas d'un produit de grande consommation. Le prix du litre du vin acheté dans une cave coopérative s'élève à 0, 75 euro. À cela, il faut ajouter la marge du négoce, qui définit le prix, puis celle du distributeur, puis celle des bistrots ou des restaurants. Au total, vous obtenez un verre de quinze centilitres à 5 euros, soit plus de 32 euros le litre ! Cherchez l'erreur…
Le juste prix peut exister, mais sans la volonté de tous, il ne restera qu'un vœu pieux.
Le problème le plus récent, au-delà de la concurrence exacerbée en France, réside dans les groupements d'achats européens, au sein desquels les distributeurs ne cessent de s'adapter pour mieux contourner la loi française, se mettant ainsi hors de portée du législateur français.
(À suivre)