Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous prétexte de vouloir rétablir l'attractivité du territoire - alors que cette question est liée au dumping fiscal qui fait rage en Europe et qu'elle devrait être traitée à ce niveau-là -, ce bouclier fiscal n'est qu'un cadeau offert aux plus riches de notre société.
Les écarts de revenus et de patrimoine ont déjà atteint des proportions tout à fait démesurées, et votre Gouvernement, madame la ministre, a apparemment comme première urgence de les augmenter encore. La droite est devenue tellement décomplexée qu'elle se permet tous les excès !
Ainsi, monsieur Marini, vous osez introduire votre rapport par cette curieuse affirmation selon laquelle « le caractère confiscatoire de l'impôt, s'il touche les ?riches?, concerne, sur le plan quantitatif, davantage encore les ?pauvres? ».
Autrement dit, le bouclier fiscal à 50 % serait pour les pauvres : de tels propos laissent pantois...
Bien entendu, vous êtes parvenu à mettre en exergue quelques exemples de ménages modestes à qui quelques dizaines d'euros seraient restitués, c'est le fameux « syndrome de l'île de Ré ». Comme d'habitude, on cherche à mettre en avant des cas d'exception, pour quelques centaines d'euros, pour justifier à l'autre bout de l'échelle les millions d'euros de cadeaux pour les plus riches.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, le coût annuel du bouclier fiscal serait de 810 millions d'euros. Les patrimoines supérieurs à 7, 14 millions d'euros, soit 12 784 foyers, se verraient restituer à eux seuls 583 millions d'euros, soit une moyenne de 45 600 euros par foyer. En clair, plus on est riche, plus on y gagne. Chacun des 1 081 plus gros contribuables qui bénéficieront du bouclier fiscal ramené à 50 % des revenus touchera un chèque de 250 000 euros.
Un tout petit dixième de ces chèques octroyés aux plus riches correspond exactement à l'argent mis sur la table par l'État pour financer l'expérimentation du revenu de solidarité active. Madame la ministre, ce texte est tout ce que vous voudrez, sauf un projet de loi équilibré:
Si le Gouvernement n'ose pas abolir purement et simplement l'impôt de solidarité sur la fortune, chacun aura pu mesurer combien ce bouclier fiscal à 50 % contribue à le vider progressivement de sa substance.
Au moins, les propos du député UMP des Yvelines, Jacques Myard, dans le journal Marianne, ont le mérite de la clarté: « 30 % [de réduction sur l'ISF], c'est une sucette pour les députés. Moi j'ai déposé un amendement de suppression totale. Mais cela va dans le bon sens. La porte est enfin ouverte grâce à deux disparitions, celle de Chirac de l'Élysée et celle de l'abbé Pierre de ce monde. »