Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 23 octobre 2023 à 21h30
Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la ratp — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est en très large partie le fruit du dialogue social mené par MM. Jean-Paul Bailly et Jean Grosset sur un sujet particulièrement sensible, à savoir l’ouverture à la concurrence des bus de la RATP à Paris et en première couronne.

Il s’agit d’un sujet difficile, qu’il nous faut aborder ici avec responsabilité. Même s’il apporte des précisions et des éléments complémentaires au droit existant, ce texte n’institue pas l’obligation de mise en concurrence. Il en corrige les modalités. Pour ce faire, il concilie la prise en compte des difficultés sociales et opérationnelles qui sont identifiées.

L’obligation de mise en concurrence existe dans les textes européens depuis plus de quinze ans. Elle existe également dans notre droit : la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 en a très clairement détaillé les modalités et le calendrier.

Le Sénat a beaucoup travaillé sur la loi LOM, qui a introduit des éléments particulièrement opportuns, tels que le « sac à dos social ». À l’époque, dans un texte vaste, il était difficile d’aller plus loin.

La loi LOM a également fixé un calendrier jusqu’à la fin de l’année 2024 pour l’ensemble de Paris et de la petite couronne. La présidente d’Île-de-France Mobilités, auditionnée par la commission, a rappelé que cela correspondait à treize fois la ville de Rennes.

Le rapport de notre excellent collègue Franck Dhersin nous l’indique, il s’agit de changer le quotidien de 19 000 salariés, de transférer 4 800 bus et 1 300 points d’arrêt. C’est important non seulement pour les salariés, mais aussi pour les voyageurs, qui attendent le maintien de la qualité du service rendu.

L’ampleur du sujet, mais aussi le fait que des transferts de patrimoine vers Île-de-France Mobilités soient engagés, justifie qu’il soit nécessaire d’apporter des précisions. Ce texte s’inscrit dans les principes édictés par la LOM, tout en les affinant.

Nous nous sommes interrogés pour savoir si un certain nombre de dispositions pouvaient relever du seul domaine réglementaire. La question a été juridiquement tranchée : il faut intervenir dans le cadre législatif comme dans le domaine réglementaire. Ainsi – c’est une bonne chose à mes yeux –, la représentation nationale peut s’exprimer et se saisir de ce sujet au moment où il s’apprête à se concrétiser.

Par ailleurs, graver dans la loi un certain nombre de dispositions nouvelles permettra de donner un cadre clair et stable, qui apportera des garanties à tous les acteurs, en particulier les salariés.

Une part importante, que l’on peut juger insuffisante, de ces dispositions va dans le sens des salariés. Je pense à la prise en compte de la notion de centre-bus, sur laquelle M. le rapporteur reviendra sans doute, à la place de celle de lignes. Une telle évolution offrira aux salariés une forme de stabilité par rapport à ce qu’aurait été l’application stricte de LOM.

Je pense également à la situation des salariés qui verront, demain, leur mission assurée directement par Île-de-France Mobilités, en tant qu’autorité concédante. Il s’agit notamment de fonctions de supervision du réseau. Ces salariés seront donc transférés, et il convenait de déterminer les conditions de cette opération.

Je pense encore aux dispositions relatives au volontariat, que M. le rapporteur évoquera sans doute.

Ces dispositions vont dans le sens de l’opérationnalité. Il faut bien sûr assurer la continuité du service public. C’est notre mission première. Pour ce faire, il convient de « détendre » le calendrier. En effet, la mise en œuvre simultanée de tous les lots serait extrêmement complexe et susciterait un trouble chez chacun des acteurs.

Les précisions introduites vont aussi dans le sens d’une plus grande sécurité, pour les salariés et pour la RATP, opérateur sortant et candidat, bien sûr, mais aussi pour les nouveaux entrants.

Je l’ai dit, l’échelon législatif était une nécessité, qui permettra de donner un cadre amélioré et plus clair. La commission, dont je salue la qualité du travail, a sécurisé, au-delà du texte initial, différents aspects. Je pense à la période de référence pour le calcul du nombre de salariés dans chacun des lots, des centres et des lignes. Je pense aussi au délai retenu pour l’information des salariés, qui passe de quatre mois à six mois. C’est un apport social qu’il faut saluer.

Nous aurons l’occasion d’aborder ces différents points, qui feront peut-être l’objet de discussions avec le Gouvernement. Toutefois, j’ai la conviction, monsieur le ministre, que nous sommes sur le point de trouver, sur ces deux sujets, une formulation commune à la majorité sénatoriale et au Gouvernement.

Je salue le travail de la commission et de M. le rapporteur. Je sais, monsieur le ministre, votre attention et votre écoute sur les questions de transports, de desserte des territoires, de prise en compte des attentes des salariés comme des voyageurs, mais aussi de développement d’une mobilité permettant le transfert modal.

Notre volonté commune, me semble-t-il, est de réussir cette étape, pour les voyageurs et avec les salariés, en veillant à ce que la mobilité collective ait toute sa place.

Au cœur de cette mobilité collective, la place du bus mérite d’être clairement réaffirmée. Ce mode de transport a une place à part : il remplit une fonction sociale de desserte de proximité, en banlieue, en zone rurale, mais aussi dans Paris. Par son accessibilité et son rôle d’irrigation des centres-villes, le bus possède une place singulière, qui est complémentaire, en tout cas en Île-de-France, de celle du métro et du RER.

À cet égard, le rôle des conducteurs, des machinistes comme on dit à la RATP, comme celui des spécialistes de la maintenance, est essentiel. Il faut saluer la chaîne qui fait vivre ce réseau. Le travail que nous menons, je le crois sincèrement, est une œuvre de précision. M. le rapporteur a même évoqué en commission un « travail d’orfèvre ».

Nous œuvrons avec humilité, dans le cadre des obligations issues de la LOM, en essayant de trouver les meilleurs compromis possible, en tout cas en affinant les choses autant que faire se peut. Nous avons écouté les recommandations du rapport de MM. Bailly et Grosset, discuté avec chaque opérateur et auditionné la présidente de la région, qui a affirmé sa volonté d’ajouter, dans le cadre des appels d’offres, des clauses sociales, afin de sécuriser l’opération.

Il s’agit d’un équilibre subtil, que l’on peut bien sûr critiquer. Toutefois, il est nécessaire en matière de délais et de garanties. Nous sommes loin des discussions de principe ou de doctrine, et nous nous efforçons d’être proches des réalités.

Je souhaite que nous apportions ensemble des réponses utiles et que la navette avec l’Assemblée nationale permette de retenir des délais raisonnables. En effet, nous le savons, dans ce processus, le temps est un élément majeur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion