Intervention de Clément Beaune

Réunion du 23 octobre 2023 à 21h30
Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la ratp — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Clément Beaune  :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de vous retrouver ce soir, après l’examen d’un autre texte consacré aux transports, pour débattre d’une proposition de loi portant sur les transports publics en Île-de-France.

Bien que ce texte ne s’intéresse qu’à une seule région, il concerne notre pays tout entier, tant le nombre des usagers de ce réseau, nationaux ou internationaux, est important.

C’est la raison pour laquelle, à nos yeux, le processus d’ouverture à la concurrence doit être réussi, pour tous. C’est un texte essentiel pour les agents publics et les usagers.

Je veux partager avec vous quelques éléments très simples, puisque beaucoup a déjà été dit.

Tout d’abord, je veux rappeler, parce que c’est nécessaire et salutaire, quelques éléments de calendrier, comme l’ont fait l’auteur et le rapporteur de cette proposition de loi. Le processus d’ouverture à la concurrence de la RATP, en particulier pour ce qui concerne les bus, est engagé depuis la loi du 8 décembre 2009. Celle-ci n’a été remise en cause de près ou de loin par aucune des majorités qui se sont succédé depuis lors.

Je le rappelle aussi, l’accord trouvé avec la Commission européenne remonte à 2013, puisque, comme l’a dit M. le rapporteur, le processus d’ouverture à la concurrence s’inscrit dans un cadre européen, voté par la France sous différentes majorités là encore.

Ensuite, lors du débat sur la loi d’orientation des mobilités, en 2018 et 2019, les dernières modalités ont été définies.

Je partage avec vous une conviction : le processus d’ouverture à la concurrence n’est pas un processus de privatisation. Il s’inscrit dans le service public. On peut être pour ou contre, mais encore aurait-il fallu le dire précédemment ! Il était temps en 2009, en 2012, en 2013, en 2017 et en 2022.

J’en ai la conviction profonde, il nous faut réussir ce processus, pour les agents et les usagers. L’ouverture à la concurrence est un outil et non pas une fin en soi. Depuis mon arrivée au ministère des transports, j’ai partagé la conviction selon laquelle il est nécessaire de revoir certaines modalités de ce processus d’ouverture à la concurrence, notamment son calendrier.

Tel est l’objet central de cette proposition de loi. Je l’ai toujours dit, y compris dans cet hémicycle, un calendrier qui aurait prévu une sorte de grande bascule au 1er janvier 2025 était irréaliste et non souhaitable, pour les agents comme pour les usagers.

Depuis quinze mois, en tant que ministre des transports, je l’ai toujours dit, nous devons renforcer les garanties sociales, pour les agents et les usagers, car c’est la qualité du service public qui est en jeu. Tel est d’ailleurs l’objet du texte que nous examinons.

Fondamentalement, la place des personnels est essentielle dans la proposition de loi de M. Vincent Capo-Canellas.

S’appuyant sur le précédent dispositif introduit par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018 pour accompagner l’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire, des travaux ont été engagés, afin d’en adapter les modalités et d’organiser le transfert des personnels concernés par un changement d’exploitant.

Ces dispositions, qui ont fait l’objet d’un travail largement consensuel, mené par les parties prenantes en lien étroit les unes avec les autres, ont été arrêtées dans la loi d’orientation des mobilités (LOM), puis précisées par décret en décembre 2021.

La LOM a posé quelques grands principes protecteurs pour les salariés concernés, notamment le transfert du contrat de travail au repreneur ; l’obligation d’informer et d’accompagner ; le principe du maintien intégral des conventions collectives ; le principe du maintien de salaire ; le bénéfice de la garantie d’emploi et du régime spécial de retraite pour les salariés statutaires. Nous y sommes très attachés, et ce texte confirme tout cela, évidemment.

Parallèlement à ces travaux législatifs et réglementaires, Île-de-France Mobilités a plus récemment arrêté un schéma de répartition des lignes, résultant de l’allotissement des activités transférées.

C’est ce schéma qui modifie la répartition des lignes de bus entre les centres-bus et qui, en même temps, appelle à définir au niveau de la loi de nouvelles règles de sécurisation des conditions de transfert des salariés. Un tel travail n’avait pas été anticipé, les principes que j’ai évoqués ayant été pensés, à l’époque, à schéma d’organisation des lignes inchangé.

Pour trouver la réponse qui soit la meilleure et la plus protectrice possible à ces enjeux importants et en effet complexes, une mission a été confiée à deux grands noms du dialogue social, très largement reconnus comme tels, par-delà les diverses sensibilités, MM. Jean-Paul Bailly et Jean Grosset, que je tiens à saluer chaleureusement.

Leurs travaux d’une grande qualité trouvent leur traduction dans ce texte dont M. Capo-Canellas a bien voulu assurer la rédaction à l’issue d’une large consultation qu’il a lui-même orchestrée ces derniers mois.

À titre principal, je le disais en évoquant le renforcement des garanties, il s’agit d’éviter les mobilités géographiques contraintes tout en veillant à assurer le transfert d’effectifs suffisants à chaque délégataire.

Plus précisément, il s’agit de garantir aux agents affectés à un centre-bus l’absence de mobilité géographique contrainte – c’est essentiel – et de différencier davantage les conditions de désignation en fonction des catégories d’emploi, ainsi que du lieu d’exercice des missions.

En outre, l’examen désormais plus poussé, parce qu’elles sont mieux connues, des situations de transfert par catégorie d’emploi a révélé que certaines situations ne permettaient pas d’assurer le complet maintien des garanties sociales. Il faut y pourvoir, ce qui serait chose faite si cette proposition de loi était adoptée.

Il faut également prévoir par la loi de différer la date d’entrée en vigueur du décret relatif au contrat social territorialisé jusqu’à la date de reprise effective de l’exploitation par le nouveau délégataire, ce qui n’était pas explicitement prévu ; un tel report doit être assumé et revendiqué.

Surtout, il est très important de décaler ou d’étaler – chacun retiendra le mot qui lui convient – la mise en œuvre du calendrier initial, qui prévoit, en l’état actuel de la législation, une ouverture effective et totale à la concurrence au 1er janvier 2025.

Pour le dire très clairement, nous sommes favorables non seulement au renforcement des garanties sociales que j’ai brièvement énumérées – l’auteur et le rapporteur de la proposition de loi les ont rappelées avec davantage de précision –, mais aussi, et surtout, au délai de deux ans, jusqu’à la fin de l’année 2026, qui est proposé dans le texte.

Je rappelle d’ailleurs qu’une proposition de loi à l’objet identique avait été déposée à l’Assemblée nationale par le député communiste Stéphane Peu, et que lui-même, en commission, avait voté le report de deux ans.

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