Intervention de Simon UZENAT

Réunion du 23 octobre 2023 à 21h30
Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la ratp — Question préalable

Photo de Simon UZENATSimon UZENAT :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réseaux de transport, particulièrement en Île-de-France, sont, pour citer les mots employés par M. le rapporteur en commission, de la « dentelle fine ». Toutefois, celle-ci est d’un genre un peu particulier, puisque nous parlons là du transfert de 19 000 salariés et de plus de 300 lignes – voilà qui est peut-être, en définitive, un peu plus épais que de la dentelle !

S’il s’agit malgré tout de dentelle, cette proposition de loi lui applique un traitement quelque peu brutal selon nous : lavage à 90 degrés, beaucoup de détergents, essorage maximal et, pour faire bonne mesure, un quart de bouchon d’adoucissant – pour ce qui est du « sac à dos social », quelques efforts ont été consentis, nous l’avons reconnu.

Globalement, notre sentiment est que l’on a confondu vitesse et précipitation. Cette proposition de loi est d’ailleurs en réalité un projet de loi déguisé, commandé – on le sait très bien – par Île-de-France Mobilités. Sa présidente ne s’en est d’ailleurs pas cachée lors de son audition.

Ce lavage quelque peu brutal, pour ne pas dire plus, met à mal les coutures sociales et territoriales de ce réseau de transport, faisant peser des risques très sérieux sur la continuité du service public et sur la qualité du service rendu au public – nous pouvons au moins partager cette préoccupation, mes chers collègues.

Les membres de mon groupe et moi-même sommes en particulier régulièrement revenus sur le sujet de l’unité du réseau – je le dis en regardant Olivier Jacquin.

La constitution de 12 – ou 13 – lots s’est faite – cela nous a été confirmé, je le dis au passage – sans recueillir l’avis de la RATP, ce qui n’est pas sans poser de nombreuses questions. Les orateurs qui m’ont précédé l’ont dit avant moi : chacun des lots représente l’équivalent du réseau d’une métropole comme Rennes ou Nantes : là encore, nous ne sommes pas dans l’épaisseur du trait…

Pour ces raisons, et pour d’autres que je m’apprête à développer, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande, au travers de cette motion tendant à opposer la question préalable, le rejet de cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté. Je vous avoue que j’ai été surpris, pour ne pas dire plus, par certains mots que vous avez employés, notamment lorsque vous avez salué la « méthode exemplaire » d’élaboration de cette proposition de loi. Je le dis en ma qualité de nouveau sénateur, siégeant depuis trois semaines : j’ose espérer que ce n’est pas ainsi que vous concevez le rapport au Parlement et aux parlementaires, car, dans le cas contraire, j’aurais quelque raison de m’inquiéter…

Rappelons tout de même que cette proposition de loi a été déposée le 29 septembre, voilà un petit peu plus de trois semaines. Comme il s’agit d’une proposition de loi, elle ne s’assortit d’aucune étude d’impact ni d’aucun avis du Conseil d’État : l’opacité règne, comme la précipitation que j’évoquais il y a un instant.

Le rapport Bailly-Grosset, qui a été mentionné à plusieurs reprises, n’a pas été communiqué aux parlementaires. Certains ont réussi à en obtenir une copie, en quelque sorte « tombée du camion »… Voilà qui n’est pas très sérieux au regard des enjeux.

J’ajoute – cela ne surprendra guère M. le rapporteur, car j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission –, que les auditions du rapporteur n’étaient pas ouvertes aux commissaires, ce qui a ajouté à cette opacité ressentie et, en l’espèce, bien réelle.

J’en viens au calendrier : au-delà des délais d’examen du texte, c’est le calendrier prévu pour son application qui pose problème. J’ai déjà évoqué ce point en commission et, derechef, mes propos ne surprendront pas M. le rapporteur : sur ce sujet aussi nous sommes en profond désaccord.

Quant à l’argument des jeux Olympiques, je le trouve un peu particulier… Si les mesures contenues dans cette proposition de loi sont aussi formidables qu’on le prétend, si ce texte constitue un remède à tous les maux dont pâtissent les réseaux de transport public franciliens, pourquoi attendre ? Si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, c’est dans les plus brefs délais qu’il faudrait mettre en œuvre cette ouverture à la concurrence : les citoyens et les salariés n’attendraient que cela !

En réalité, vous le savez bien, tel n’est pas le cas. C’est d’ailleurs pour cette raison que vous voulez enjamber les jeux Olympiques : vous voulez éviter un crash industriel pendant cet événement ô combien important pour notre pays.

Monsieur le rapporteur, je vous avais trouvé plutôt pondéré pendant l’examen du texte en commission. Je n’en ai été que plus surpris de vous entendre employer ici des adjectifs forts : il serait « malhonnête » et « irresponsable » de vouloir discuter du calendrier.

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