Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si nous nous étions permis d’user de notre droit d’amendement en première lecture, c’était pour pointer quelques articles symboliquement représentatifs de la démarche sous-tendant ce texte, que son intitulé, flou et quelque peu trompeur, ne reflétait pas.
En deuxième lecture, nous avons décidé de ne pas déposer d’amendement, parce que vous n’avez cessé d’user de la démocratie pour mieux la contourner, tandis que, pour notre part, nous nous battons justement pour que ses objectifs ne soient pas détournés. C’est théoriquement l’une des missions inhérentes à notre mandat.
Un petit dictionnaire improvisé du jargon redondant dont vos lois font un usage systématique nous apprendrait que la « rationalisation » désigne la suppression massive d’emplois publics, que la « performance », pendant direct de cette fameuse rationalisation, désigne la justification du gigantesque plan social actuellement en vigueur dans nos services publics, que la « clarification » désigne plutôt la mise à jour de vos options idéologiques, et que la « simplification » est un terme alibi du Gouvernement pour créer du droit nouveau lorsqu’il est censé le modifier à droit constant.
Alors, simplification, dites-vous ? Pas sûr ! Plutôt des articles disparates formant un bien étrange patchwork !
En fait, seuls les projets qui se cachent derrière la grande majorité de ces alinéas sont simples à déceler ! Nul ne peut donc prétendre raisonnablement remettre de l’ordre dans un tel désordre. §Oui, désordre, monsieur le garde des sceaux !
En 2006, la Cour des comptes, sur lettre de mission de l’ancien secrétaire d’État à la réforme de l’État, M. Éric Woerth, avait rendu un rapport destiné à évaluer les effets de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par voie d’ordonnances sur la base d’« une analyse précise et objective du résultat obtenu » par lesdites ordonnances.
La Cour des comptes a relevé, à cette occasion, que cette loi, à l’image d’ailleurs de l’ensemble des prétendues lois de simplification, a été l’occasion d’un « effet d’aubaine législatif » et que, « si elle se montrait relativement efficace lorsque prédominaient les enjeux procéduraux », elle ne « constituait pas un point d’entrée pertinent pour les réformes de fond et s’avérait inopérante lorsque la complexité des textes renvoyait à la complexité des réalités de notre société ».
Et la Cour des comptes de conclure que l’utilisation des « ordonnances de simplification pour produire du droit nouveau ne contribue pas à la lisibilité du processus ».
Le fait est que vous avez trouvé un moyen bien commode de vous passer de l’avis des parlementaires avec ces lois de simplification, raison pour laquelle vous n’en démordez pas. Pis encore, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez annoncé que vous alliez récidiver prochainement avec un nouveau projet de loi ! Le diable est vraiment partout !