Intervention de Khalifé KHALIFÉ

Réunion du 24 octobre 2023 à 14h30
Amélioration de l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Khalifé KHALIFÉKhalifé KHALIFÉ :

Durant ma longue carrière de médecin hospitalier, j’ai vu émerger les difficultés croissantes de notre système de santé, qui provoquent aujourd’hui le désarroi des usagers et des acteurs de soins.

Agir rapidement à travers une nouvelle loi est bien sûr nécessaire, mais ne confondons pas urgence et précipitation !

Entre avancées mineures et mesures contraignantes, ce texte n’est clairement pas à la hauteur du défi qu’il s’était proposé de relever.

Les professionnels libéraux sont-ils prêts à l’accepter, alors même que les négociations conventionnelles n’ont pas encore repris ? Les professionnels hospitaliers, particulièrement désespérés, sont-ils prêts à y adhérer ?

Malgré quelques idées judicieuses, ce texte demeure un amas de mesurettes qui ne permettront pas de redonner à notre système de soins les outils nécessaires pour accomplir sa mission.

Sans entrer dans les détails, j’évoquerai trois points majeurs.

En ce qui concerne le conseil territorial de santé, je m’interroge depuis 2016 sur sa place et son efficacité. Le faire passer d’un rôle consultatif à un rôle plus exécutif nécessiterait d’autres leviers et, surtout, une certaine indépendance. C’est loin d’être le cas aujourd’hui et le texte n’apporte pas de garanties suffisantes.

Pour l’accès aux soins, si certaines mesures proposées ont un intérêt, elles restent subordonnées à l’évolution de la démographie des soignants, que le texte évite d’aborder clairement.

S’agissant des professionnels non médicaux, les régions se sont adaptées pour assurer les besoins et la répartition territoriale des instituts de formation. En revanche, il revient à l’État d’adapter la grille salariale aux qualifications demandées. Cette proposition de loi n’y fait pas allusion. Quant aux professionnels médicaux, à part quelques dispositions de portée limitée, nous n’avons pas non plus trouvé de propositions visant notamment à évaluer les études médicales, que ce soit la procédure Pass-LAS ou le concours de l’internat, et à les envisager dans une démarche d’aménagement du territoire qui nous est chère. Nous déplorons aussi que cette situation ait donné lieu au développement d’une autre médecine totalement éloignée des règles de bonne pratique clinique et de la pertinence des soins.

Les déserts médicaux inquiètent nos concitoyens et préoccupent les collectivités, qui essaient tant bien que mal d’y faire face avec force et conviction, mais il revient à l’État, dont c’est la compétence, d’activer en priorité tous les leviers nécessaires.

Le texte proposé n’y fait pas allusion, et c’est bien regrettable.

Enfin, en ce qui concerne la permanence des soins, il est rassurant et satisfaisant de constater que les urgences vitales ou graves sont prises en charge avec professionnalisme, efficacité, et sans dysfonctionnement, par les services dédiés. En revanche, il importe de revoir la prise en charge des situations dites « urgences ressenties ».

Nous aurions aimé voir apparaître dans le texte quelques solutions telles que la généralisation des consultations de médecine générale aux côtés des services d’urgence, le recentrage du rôle de médecin urgentiste, la plus grande implication des services hospitaliers en aval des urgences afin de fluidifier le parcours des patients.

Pour conclure, je ne peux que regretter que la santé fasse l’objet d’une politique de petits pas. Ce texte ne répond pas aux problématiques de fond affectant ce grand malade qu’est notre système de santé. J’appelle de mes vœux une grande loi-cadre qui permettrait enfin de redonner au monde médical la sérénité suffisante pour accomplir sa mission.

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