Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, les crises successives ont bouleversé et mis à l’épreuve les fondements du système de santé français. Si celui-ci a tenu le choc des vagues épidémiques à répétition, les symptômes de ces dysfonctionnements sont de plus en plus vifs, au premier rang desquels une désertification médicale qui inquiète nos concitoyens.
Ainsi, 87 % du territoire national fait partie de ce que l’on nomme le désert médical. La France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, alors qu’elle gagnait 2, 5 millions habitants.
Pour remplacer un médecin, il en faut désormais deux ou trois, en raison du vieillissement de la population, des avancées sociales, comme la semaine de 35 heures, de la féminisation de la profession, du rapport à la parentalité et au travail.
Si le constat est sans appel sur le manque de praticiens de la santé, nous devons prendre garde que le remède ne soit pire que le mal.
Certaines mesures pourraient en effet avoir des conséquences encore plus graves sur l’attractivité des métiers du soin : nous ne pouvons pas nous permettre une augmentation du déconventionnement. Les mesures coercitives ne régleront pas le déficit de praticiens.
C’est pourquoi nous devons faire émerger des mesures nouvelles, solides et pérennes afin de renforcer l’accès aux soins.
D’abord, il faut impérativement revaloriser la rémunération des professionnels de santé. Nous devons ensuite favoriser davantage la coopération entre eux pour dégager du temps médical. Je pense ici aux CPTS, en particulier celles du Sud Manche ou du territoire Granville-Villedieu. Elles ont permis d’accompagner les praticiens au développement et à la coordination de l’offre de santé sur ces territoires.
Cependant, nous constatons que ces CPTS sont tributaires de l’engagement des professionnels de santé. Les figer dans la loi n’apporterait rien de plus.
Accompagnons les structures d’exercice coordonné et soutenons le recrutement d’assistants médicaux. Les médecins libéraux doivent pouvoir être de vrais employeurs à la tête de leur cabinet. Je regrette d’ailleurs que nous ne sachions toujours pas reconnaître ni valoriser davantage les compétences spécialisées de certains infirmiers en pratique avancée (IPA), qui apportent pourtant beaucoup à la prise en charge des patients.
Je tiens à saluer les dispositions prises par notre rapporteure pour le suivi des patients de longue durée par ces IPA.
La Manche est en effet engagée contre la désertification médicale : ce département finance des idées novatrices au service de la santé des Français ; mais cela n’est toujours pas suffisant. Certaines collectivités salarient des médecins, d’autres mettent à disposition des cabinets médicaux et des logements. Attention cependant aux effets de bord : pour pallier l’insuffisance de l’offre de soins dans des territoires, l’ARS a identifié des zones sous-denses en médecins, mais celles-ci peuvent créer des distorsions entre communes voisines. Ainsi, une municipalité de la Manche ayant investi dans une maison médicale est concurrencée par une collectivité voisine bénéficiant de ce zonage.
Mais l’État ne doit pas compter uniquement sur ces initiatives locales. Il doit prendre toutes ses responsabilités dans ce combat et s’approprier les mots d’Hippocrate : rétablir, préserver et promouvoir la santé.