Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ces dernières semaines ont été marquées par un retour brutal et tragique de la violence au Proche-Orient. Un retour aux conséquences lourdes, qui inquiète beaucoup de nos concitoyens.
Dans ce contexte, vos interrogations sont légitimes et débattre de la situation était un impératif démocratique.
Je voudrais insister sur le caractère extrêmement évolutif de la situation, ce qui est évidemment le cas avec le déplacement, en ce moment même, du Président de la République.
Comme je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale, je ne peux pas m’exprimer devant vous sans commencer par revenir sur les faits.
Le 7 octobre dernier, une attaque terroriste barbare a été menée par le Hamas et le Djihad islamique contre l’État d’Israël.
Des crimes odieux ont été commis. Des centaines de civils ont été massacrés. Des jeunes ont été sauvagement assassinés lors d’une fête. Des actes monstrueux ont été perpétrés dans des kibboutz, comme à Be’eri, Kfar Aza ou Réim. Avec une brutalité sauvage, des femmes, des hommes, des personnes âgées, des enfants ont été enlevés ou assassinés.
Au total, près de 1 400 personnes ont été tuées dans les attaques terroristes de ce mois d’octobre. Et si quatre otages ont été libérés, plus de deux cents personnes sont encore retenues. Parmi les victimes, trente de nos compatriotes ont été tués et neuf sont encore retenus en otage ou portés disparus.
Cette attaque n’était en rien comparable aux épisodes de violence, comme il y en a malheureusement eu d’autres dans l’histoire de cette région. Ce déchaînement de barbarie, commandité et mis en œuvre par le Hamas, montre un changement de nature et d’échelle.
Il s’agissait d’une action complexe et préméditée, qui visait à atteindre Israël et sa population en son cœur.
Avant de poursuivre mon propos, je tenais à rappeler ce bilan.
Tout comme le Président de la République a eu l’occasion de le faire encore ce matin, et comme je l’ai déjà fait devant vous, je veux exprimer, une nouvelle fois, ma solidarité envers le peuple israélien dans cette épreuve.
Je veux avoir une pensée particulière pour nos ressortissants, notamment pour les victimes françaises et les disparus, pour leurs proches et leurs familles.
Dès son arrivée en Israël ce matin, le Président de la République a rencontré individuellement les familles des victimes et des disparus pour les assurer de notre plein soutien comme de notre accompagnement dans le deuil et l’inquiétude.
Nous sommes à leurs côtés. Nous partageons leur peine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, minimiser, justifier voire absoudre le terrorisme, c’est accepter qu’il frappe de nouveau demain, en Israël, en France ou partout ailleurs.
Nous ne devons faire preuve d’aucune ambiguïté face à de tels crimes.
Le Président de la République l’a encore affirmé avec force tout à l’heure aux côtés du Premier ministre israélien : Israël a droit à la sécurité, Israël a le droit de se défendre dans le respect du droit international.
Ceux qui confondent le droit du peuple palestinien à disposer d’un État et la justification du terrorisme commettent une faute morale, politique et stratégique.
Soyons très clairs : le Hamas ne porte pas la cause palestinienne. L’Autorité palestinienne est notre interlocuteur légitime, qui se bat depuis des années pour la paix et qui a besoin de notre soutien. Le Président de la République s’entretient d’ailleurs, en ce moment même, avec le président Mahmoud Abbas à Ramallah.
En agissant comme il l’a fait, le Hamas a exposé délibérément, de manière criminelle et cynique, toute la population de Gaza. Il utilise les populations civiles comme bouclier humain. Il met en péril les espoirs de paix dont le peuple palestinien a tant besoin.
Si je souhaitais commencer par rappeler le bilan tragique des attaques terroristes de ce mois d’octobre, si je m’apprête à évoquer les milliers de victimes civiles de Gaza et la situation humanitaire épouvantable dans la zone, c’est parce que nous ne devons pas perdre de vue l’ampleur et la gravité de la crise qui se joue.
Il y a des morts. Il y a des familles brisées.
C’est une tragédie.
Je l’ai dit clairement hier : il n’y a pas de victimes qu’il conviendrait de pleurer moins que d’autres.
Il n’y a pas de vies qui valent moins que d’autres.
Nous sommes aussi aux côtés des familles palestiniennes endeuillées.
Dans chacune de nos interventions, nous aurons l’occasion de faire entendre nos sensibilités politiques et nos différences. Mais face à la gravité de la situation, j’ai confiance dans le Sénat pour débattre en responsabilité, avec la mesure et la hauteur de vue qui caractérisent cette assemblée et que la situation exige.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le 7 octobre, le Président de la République a été en contact très étroit avec les autorités israéliennes.
Il a porté un message clair, qu’il a encore répété tout à l’heure : Israël a évidemment le droit de se défendre face au terrorisme. Les civils doivent être épargnés. La réponse militaire doit se faire dans le respect du droit international, notamment du droit international humanitaire. Les populations ne doivent pas payer pour les crimes des terroristes.
Notre pays ne connaît que trop bien le lourd tribut des attentats. Nous devons l’affirmer avec force : dans la lutte contre le terrorisme, il ne s’agit jamais de se renier. Si le terrorisme doit être combattu, la réponse des démocraties doit être juste.
Même dans les combats les plus durs, les plus âpres, nous ne devons jamais perdre de vue ce qui fait de nous des démocraties. Notre amitié et notre solidarité avec le peuple israélien nous obligent à formuler cet appel : Israël ne doit pas tomber dans le piège du Hamas.
Plusieurs milliers de Palestiniens sont morts à Gaza, dont plus de 2 000 enfants. Des journalistes et plusieurs dizaines d’employés des Nations unies ont été tués. Les deux millions d’habitants de Gaza sont dans une situation d’une extrême gravité. Ces milliers de vies fauchées nous touchent au cœur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce contexte, le Gouvernement est mobilisé sur plusieurs fronts et nous avons pris ces derniers jours les mesures urgentes et immédiates qui s’imposaient.
Tout d’abord, nous agissons depuis la première heure pour la sécurité de nos ressortissants.
Une cellule a immédiatement été activée au centre de crise du ministère des affaires étrangères. Les services du Quai d’Orsay, notre ambassade, notre consulat général à Tel-Aviv et notre consulat général à Jérusalem travaillent jour et nuit pour assurer un soutien aux familles de nos compatriotes portés disparus ou tués dans les attaques.
Bien sûr, nous accordons une attention particulière aux familles des disparus. Je l’ai dit, le Président de la République s’est entretenu avec elles ce matin, dès son arrivée en Israël. Nous sommes en lien permanent avec ces familles pour répondre à leurs inquiétudes.
S’agissant des otages, le Président de la République a rappelé aujourd’hui que notre première priorité était leur libération. Nous mettons tout en œuvre pour l’obtenir au plus vite et sans condition.
Nous sommes par ailleurs en lien avec la communauté française qui est sur place pour lui apporter le soutien nécessaire.
En deux semaines, la France a permis à 3 600 de nos compatriotes de rejoindre le territoire national depuis Israël, grâce à l’affrètement de moyens civils et au soutien de nos armées.
Je n’oublie pas les dizaines de Français bloqués à Gaza, dans des conditions extrêmement précaires. Nous gardons un contact très régulier avec eux. Nous poursuivons nos efforts pour qu’ils puissent quitter la zone.
Permettez-moi de rendre une nouvelle fois hommage aux diplomates, aux militaires, aux fonctionnaires français, engagés sans compter dans cette situation très éprouvante.
Ensuite, la France est mobilisée pour venir en aide aux populations de Gaza.
À Gaza, nous devons regarder en face l’ampleur de la catastrophe humanitaire en cours. Plus d’un million de personnes ont été déplacées. L’accès aux services essentiels est quasiment interrompu. La nourriture et le fioul manquent. Les civils n’ont plus d’eau. Les hôpitaux sont saturés. Personne ne peut rester insensible face à ce drame humanitaire.
Derrière l’ampleur des bilans macabres, il y a des femmes et des hommes. Il y a des familles. Il n’y a pas de nationalité, d’origine ou de religion qui vaille pour mesurer la gravité des événements quand des civils meurent.
Chaque vie civile perdue est un échec pour la communauté internationale. Les populations palestiniennes ne peuvent être abandonnées à leur propre sort. Notre solidarité avec elles ne saurait être mise en doute.
C’est pourquoi nous demandons une trêve humanitaire qui permette un accès sûr et immédiat pour l’acheminement d’eau, de nourriture, de fioul, ainsi que d’aide humanitaire et médicale à Gaza. Cet accès doit se faire sous l’égide des Nations unies et la sécurité des personnels humanitaires doit être garantie.
Même si plusieurs convois ont désormais pu franchir la porte de Rafah, entre l’Égypte et la bande de Gaza, c’est encore insuffisant. Nous appelons à ce que la porte de Rafah reste ouverte pour qu’une aide à la hauteur de la situation puisse être fournie aux populations civiles.
Comme l’a souligné la ministre Catherine Colonna au Caire ce week-end, la distribution d’aide exige une trêve humanitaire qui pourra mener à un cessez-le-feu.
Nous demandons cette trêve au plus vite.
C’est un point important, et je le répète face aux contrevérités diffusées notamment par la propagande russe : au Conseil de sécurité des Nations unies, la France a soutenu le projet de résolution présenté par le Brésil dans cet objectif.
La ministre des affaires étrangères est aujourd’hui à New York, précisément pour faire avancer les négociations au Conseil de sécurité. Nous appelons à mettre fin le plus vite possible à cette période de violence.
De plus, comme le Président de la République l’a affirmé tout à l’heure, l’urgence est à rétablir l’électricité dans les hôpitaux.
La France a toujours soutenu les populations civiles palestiniennes. Elle a ainsi fourni près de 100 millions d’euros d’aide pour les Palestiniens en 2022. Cette aide est concentrée sur des secteurs vitaux : l’eau, la santé, l’éducation, l’agriculture.
Face à la situation actuelle, comme l’a annoncé le Président de la République, nous avons décidé d’une aide supplémentaire de 10 millions d’euros et nous enverrons prochainement un avion de fret humanitaire pour soutenir la population de Gaza.
En outre, face à l’urgence, l’Union européenne a répondu présent : le montant de son aide humanitaire à Gaza a été triplé et deux vols ont permis d’acheminer plus de cinquante tonnes d’aide à la frontière.
Le Conseil européen de cette fin de semaine sera l’occasion de revenir sur le sujet et de faire un point sur le soutien que l’Europe peut apporter.
Puisque j’évoque l’aide que nous apportons à la population palestinienne de Gaza, je voulais en profiter pour revenir sur certaines questions soulevées ces derniers jours.
Il est légitime de s’interroger et de veiller à ce que notre aide humanitaire ne puisse pas tomber entre de mauvaises mains. Pour autant, gardons-nous de jugements hâtifs et définitifs, qui ne se fondent que sur une vision biaisée des faits.
Comme je l’ai dit hier, les procédures mises en place pour éviter tout détournement de notre aide par le Hamas ou le Djihad islamique sont strictes et scrupuleusement respectées.
D’abord, notre aide bilatérale, comme pour tous nos partenaires, est fournie avec l’accord de la communauté internationale, dont Israël, selon des procédures agréées.
Ensuite, notre aide est mise en œuvre par des agences de l’ONU et porte sur des projets concrets, comme je l’ai évoqué.
Enfin, les aides sont contrôlées par l’administration israélienne elle-même. C’est le cas pour nous, comme pour nos partenaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième pilier de l’action de la France, c’est la mobilisation pour éviter un embrasement régional.
Depuis la première heure, le Président de la République, la ministre des affaires étrangères et le ministre des armées ont multiplié les échanges avec leurs homologues de la région.
Le Président de la République est aujourd’hui en Israël, où il a pu marquer notre solidarité envers les familles et faire entendre la voix singulière de la France en faveur d’un processus politique permettant d’éviter l’escalade.
Le Président de la République a été clair sur la responsabilité attendue de certains acteurs de la région, afin d’éviter un embrasement régional.
Il a également proposé de bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous. Nous y travaillerons activement avec nos partenaires internationaux.
Mais nous le savons, la lutte implacable contre le terrorisme ne peut remplacer la recherche de la paix.
La France plaide – et plaidera – pour un règlement durable du conflit, autour d’une solution à deux États. Les conditions sont claires : des garanties indispensables pour la sécurité d’Israël et un État pour les Palestiniens. C’est la ligne que la France défend avec constance et qu’elle continuera de porter.
La sécurité durable d’Israël, la lutte résolue pour l’éradication du terrorisme dans la région et le respect des aspirations légitimes de chacun forment un ensemble indissociable.
Les États de la région ont, à ce titre, une responsabilité particulière. La dynamique de normalisation des relations entre Israël et plusieurs des États de la région est souhaitable. Elle doit s’accompagner d’une relance décisive du processus politique pour répondre aux aspirations légitimes des Palestiniens et des Israéliens.
Notre responsabilité est grande et nous l’assumons.
La France est capable de parler à tout le monde. Le Président de la République se rendra d’ailleurs ce soir à Amman.
Cette position indépendante, nous l’avons toujours assumée. Une position qui nous donne un rôle pivot pour aider à tracer le chemin de la paix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la situation au Proche-Orient est complexe, elle est difficile. Elle conduit à des drames épouvantables, comme nous avons encore pu le mesurer ces derniers jours. Elle a des conséquences lourdes sur la sécurité internationale. Elle trouve un écho particulier dans chaque pays.
Dans ce contexte, la France a une voix singulière. Une voix issue d’une longue histoire qui nous confère une responsabilité. Une voix qui ne méconnaît aucune des souffrances et défend toujours l’exigence de justice et le respect du droit humanitaire.
Cette voix, la France continuera inlassablement de la porter. Nous n’avons pas le droit de renoncer. La seule solution, c’est la paix.