Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 24 octobre 2023 à 14h30
Situation au proche-orient — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 7 octobre dernier, le Hamas a frappé avec une violence abjecte Israël et son peuple.

Lors de cet attentat terroriste, plus de 1 400 personnes ont été massacrées, plus de 3 000 autres ont été blessées ; ces actes de barbarie ont choqué les esprits et révulsé les cœurs aux quatre coins du monde.

Partout, nous pleurons les victimes israéliennes, mais aussi plus de cent personnes de trente-huit nationalités, dont une trentaine de nos compatriotes. Nous déplorons aussi plus de deux cents otages, dont nous demandons la libération immédiate.

Qu’il me soit permis de réitérer à cette tribune notre condamnation la plus ferme de ces atrocités, ainsi que notre soutien plein et entier au peuple d’Israël et à ses amis à travers le monde.

Le 7 octobre 2023 est déjà entré dans les livres d’histoire comme l’une de ces dates charnières que les élèves apprendront par cœur : le jour où l’engrenage s’est enclenché et où le piège du Hamas s’est refermé.

À l’horreur de la barbarie du Hamas a succédé la violente riposte du gouvernement israélien, qui prend la forme d’une punition collective, par un siège destructeur et illégal de la bande de Gaza, noyée sous un tapis de bombes qui tuent indistinctement combattants et civils.

Toutes précautions prises, il ne fait pas de doute que les victimes civiles se comptent par milliers, dont de nombreux enfants. Notre solidarité s’étend naturellement au peuple palestinien et à toutes ces vies fauchées.

Le droit à la sécurité d’Israël, auquel nous sommes profondément attachés, ne peut exister que dans le respect du droit international humanitaire. Ce n’est pas un droit à une vengeance aussi aveugle que contre-productive.

Si la brève histoire du XXIe siècle nous a appris quelque chose, c’est que l’on ne gagne pas les guerres contre la terreur. Quand, pour se prémunir ou se venger du terrorisme, les démocraties se rendent coupables de crimes de guerre et de massacres de civils, elles ne font que renforcer ce qu’elles cherchent à anéantir. Le terrorisme se nourrit du désespoir et de la haine. S’il est possible de tuer les combattants du Hamas, il n’est pas possible de tuer une idéologie. Le combat contre une idéologie ne peut être que politique.

Malheureusement, et tel était l’objectif de l’agresseur, la perspective de résolution politique du conflit a reculé. La haine et le ressentiment sont à leur paroxysme, agités de chaque côté par les partisans de l’anéantissement de l’adversaire, qu’il s’agisse du Hamas ou de l’extrême droite messianique. Ces vitupérateurs, ces pourvoyeurs de haine masquent la réalité structurelle, qui n’est certes pas celle de l’instant : l’immense majorité des Palestiniens et des Israéliens aspirent à vivre en paix.

Alors que Tsahal prépare une intervention terrestre dans la bande de Gaza, la perspective de paix s’éloigne non seulement pour Israël et la Palestine, mais pour toute la région, voire au-delà. Au nord d’Israël, les échanges de tirs se multiplient entre le Hezbollah et Tsahal, entraînant, le week-end dernier, l’énonciation par l’Iran de premières menaces, à peine voilées, auxquelles la diplomatie américaine a immédiatement répondu. Entre stratégie de dissuasion et perspective d’un conflit généralisé, le monde vit dans l’expectative.

Plus que jamais, il est temps de sortir de cet engrenage de violence mortifère, qui ne peut qu’affaiblir davantage nos démocraties déjà fragiles face aux empires autoritaires. Ces derniers observent avec intérêt la dégradation du climat international pour mener à bien leurs propres velléités expansionnistes, à commencer par la tentative de conquête de l’Ukraine.

En conséquence, nous demandons un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt des combats. Ces crimes de guerre doivent cesser. Une intervention de Tsahal au sol, opération militaire aux objectifs et à l’efficacité plus qu’incertains, serait dramatique et extrêmement coûteuse en vies humaines, qu’il s’agisse des soldats et réservistes israéliens ou des civils palestiniens. Il est également indispensable d’augmenter massivement l’intervention humanitaire dans la bande de Gaza. L’ONU estime les besoins à plus de cent camions par jour ; nous en sommes très loin.

Madame la Première ministre, si nous avons entendu une inflexion bienvenue dans votre discours, où vous parlez d’une « trêve humanitaire », le propos qu’a tenu le Président de la République ce midi à Tel-Aviv nous inquiète grandement.

Que signifie, pour l’exécutif, faire « participer » « la coopération internationale de lutte contre Daech […] à la lutte contre le Hamas » ? S’il s’agit de participer à des bombardements de la bande de Gaza, c’est parfaitement inacceptable ; s’il s’agit de livrer des armes, ça l’est tout autant.

Rappelons que les bombardements contre Daech ont fait entre 1 300 – selon les sources officielles – et 12 000 – selon des sources journalistiques – victimes civiles, dans des territoires infiniment moins denses que la bande de Gaza.

Loin de telles velléités belliqueuses, la France doit retrouver la voix forte qui était celle de Jacques Chirac ; la voix qui n’hésitait pas à refuser d’engager nos armées dans une inutile « guerre contre la terreur » en Irak ; la voix qui était saluée en Palestine comme partout dans le monde arabe.

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