Il faudra revenir sur la question et traiter ce problème. Nous n’avons pas pu y parvenir à la faveur de cette commission mixte paritaire.
M’étant déjà exprimé à ce sujet à cette tribune, je ne développerai pas longuement. Dans les jours qui viennent, nous allons saisir le Conseil constitutionnel de trois dispositions, à commencer par l’article 54.
L’article 54, qui ne vous a certainement pas échappé, monsieur le garde des sceaux, nous paraît foncièrement immoral. Il permet à des cocontractants de décider a priori que, si l’un d’entre eux ne respecte pas le code du travail, une indemnité sera versée.
C’est immoral, monsieur le garde des sceaux. Cela présuppose, en effet, que les cocontractants se mettent d’accord a priori sur le fait que l’un n’applique pas la loi et ne respecte pas une obligation légale, ce qui est pourtant susceptible d’être sanctionné non seulement par des amendes, mais aussi par des séjours en prison. Cela nous paraît non seulement immoral mais aussi inconstitutionnel, c’est pourquoi nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ce premier point.
Le deuxième point, qui vous intéressera également, monsieur le garde des sceaux, concerne le rapporteur public. Il est prévu, dans un article de ce texte, que, dès lors que le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel le décidera, le rapporteur public ne sera pas tenu d’exposer des conclusions sur des matières fixées par décret. C’est cette mention, « fixées par décret », qui nous paraît gravement inconstitutionnelle et contraire, en particulier, à l’article 34 de la Constitution.
D’ailleurs, je ne vous ferai pas l’injure, monsieur le garde des sceaux, de rappeler toutes les déclarations du Gouvernement exposant aux institutions européennes que, non seulement le procureur de la République et le procureur général, mais aussi le rapporteur public sont de véritables instances juridictionnelles.
Or l’article 34 de la Constitution énonce très clairement que la magistrature et les instances judiciaires ou juridico-juridictionnelles relèvent de la loi. Nous ne saurions donc considérer satisfaisant qu’un décret fixe dans quelles matières le rapporteur public aurait à exprimer des conclusions et dans quels domaines il n’aurait pas à le faire.
En troisième et dernier lieu, monsieur le garde des sceaux, nous saisirons bien entendu le Conseil constitutionnel de la suppression du classement de sortie des élèves de l’ENA.
Nous ne sommes pas de farouches partisans du classement ni de l’immobilisme. Nous ne sommes par fermés aux évolutions, à condition du moins que l’on respecte le principe d’égalité.
Je le rappelle, en première lecture, les orateurs de tous les groupes de cette assemblée, sans aucune exception, ont affirmé que, si le classement présentait, certes, des inconvénients – nous sommes un certain nombre à avoir passé des concours, nous pouvons donc en témoigner –, ceux-ci étaient nettement moindres, au regard des principes républicains, que ceux des procédures informelles que l’on veut mettre en place.
Quelles que soient les intentions, forcément excellentes, ces procédures engendreront le favoritisme, l’arbitraire et, finalement, le copinage. Cela n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle, en vertu des principes républicains qui nous sont chers et en vertu du principe d’égalité, nous saisirons sur ce point aussi le Conseil constitutionnel.
Madame la présidente, je ne développerai pas, à mon tour, la question qu’ont abordée les précédents orateurs, celle du statut des textes de la nature de celui qui nous occupe. Nous n’y échapperons pas : je les ai vus fleurir, en trente années, et sous tous les gouvernements. Il existe cependant une manière de les éviter : il suffit de disposer de davantage de temps pour étudier davantage de lois.
Un texte comme celui-ci pouvait en effet donner lieu à de nombreux projets et propositions de loi, presque sur chaque sujet – sauf un certain nombre de questions mineures que l’on pouvait traiter autrement. Or, comme Mme Mathon-Poinat vient de le faire, chacun constate une inflation législative. Comment faire ?
Il n’y a pas de miracle ! Un certain nombre de sujets abordés auraient mérité à eux seuls un débat législatif à part entière. Par conséquent, les parlementaires devraient être davantage occupés par le Parlement, ce qui suppose que l’on avance sur le chemin d’un moindre cumul des mandats afin que nous soyons disponibles pour examiner les textes qu’il nous faut examiner.
Nous sommes d’ailleurs les premiers – moi y compris – à dénoncer la profusion d’ordonnances. Si nous voulons moins d’ordonnances, il nous faut accomplir le travail législatif.