Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 26 octobre 2023 à 10h00
Conventions fiscales avec le danemark et avec la grèce — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

… quand Maersk est la principale entreprise du Danemark et que les armateurs grecs détiennent 21 % de la flotte mondiale.

Pourtant, face à ces enjeux financiers colossaux, ces deux conventions divergent sur les solutions : la Grèce a préféré maintenir une imposition fondée sur l’État d’immatriculation des navires, quand le Danemark a donné son accord à la notion de « siège de direction effective », notion difficilement applicable, malgré une jurisprudence du Conseil d’État qui existe, même si elle est imparfaite – comme vous le savez, un siège de direction peut en cacher un autre…

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les implications financières de l’une ou l’autre des options retenues sur les recettes fiscales associées au transport maritime ?

Je vous pose cette question, car nous ne pouvons pas nous satisfaire, ici en France, comme en Grèce ou au Danemark, de la maigre – c’est un euphémisme ! – imposition des bénéfices des transporteurs maritimes. Et pour cause, dans ces trois États s’applique la taxe au tonnage, si bien que Maersk, au Danemark, ne s’est pas acquitté de 22 % d’imposition, comme les autres sociétés du pays, mais de seulement 3 %, créant ainsi 8, 4 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances danoises.

La distorsion fiscale avec les travailleuses et les travailleurs est abyssale : le niveau d’imposition est treize à seize fois moins élevé que celui d’un salarié moyen au Danemark.

Il n’est pas acceptable de nous inscrire dans ce moins-disant fiscal au prétexte de concurrence internationale ; les conventions fiscales, non seulement bilatérales, mais également mondiales, devraient créer les conditions d’un alignement par le haut, allant dans le sens d’une meilleure répartition des richesses ! Ce sujet est cœur de l’actualité.

Le second point qui nous préoccupe relève de l’alinéa 3 b) de l’article 5 de la convention signée entre la France et le Danemark, qui permet de déroger à la règle sur l’établissement stable, pour une installation, un appareil ou un navire de forage utilisé pour l’exploration de ressources naturelles.

Sans activité pendant douze mois, les recettes associées à cette activité seraient imposées dans l’autre État que celui du lieu de l’activité économique.

Pour le dire clairement – et peut-être n’est-ce qu’une coïncidence –, TotalEnergies a racheté en mars 2018 l’activité pétrolière du Danois Maersk – décidément, toujours lui ! – pour 6, 3 milliards d’euros, soit la plus importante acquisition depuis Elf Aquitaine en 2000.

Nous pensons que, en dépit de son engagement, le Danemark ne cessera d’exploiter ni le gaz ni le pétrole en mer du Nord d’ici à 2050. Il s’agit d’une incitation à explorer, voire à forer, si le gisement se révélait prolifique, car le pic de pétrole serait atteint en 2026 et celui du gaz en 2028.

En décembre 2022, TotalEnergies intégrait un programme de deux forages intercalaires dans la région pour augmenter la production de gaz à partir de 2023.

L’importance de cette question est primordiale, le Danemark étant premier producteur et exportateur net de pétrole. Toutefois, elle est proportionnelle au territoire couvert par cette convention fiscale : « le Royaume du Danemark, y compris toute zone située à l’extérieur de la mer territoriale du Danemark qui, conformément au droit international, […] comme étant une zone à l’intérieur de laquelle le Danemark peut exercer des droits souverains concernant l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles des fonds marins ».

Toute incitation fiscale ou dépossession du coût climatique, donc économique, du dommage causé à la biodiversité devrait être imposé dans l’État où les dommages ont lieu ! En somme, pour paraphraser une désormais célèbre formule : une convention fiscale ne devrait pas permettre cela.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion