Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 31 octobre 2023 à 14h30
Amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux — Discussion générale

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord des faits qui se sont produits il y a plus de soixante-dix ans. Ils font partie de l’Histoire, de notre histoire : je pense à la grande grève des mineurs de 1948 à laquelle des milliers d’entre eux ont participé. Plusieurs centaines de syndicalistes, essentiellement issus du Nord et du Pas-de-Calais, ont alors été licenciés, condamnés à des amendes ou à des peines de prison, y compris ceux qui avaient été résistants à l’occupant nazi sept ans plus tôt. Voilà autant de vies brisées, d’hommes et de familles victimes d’une parodie de justice qui ne leur a laissé aucune chance de se défendre. Leur combat a duré plusieurs années. Ils ont finalement été réhabilités par Mme Taubira, lorsqu’elle était garde des sceaux. Parmi eux, je citerai Norbert Gilmez, syndicaliste de la CGT, qui a été victime d’une injustice profonde. Jusqu’à la fin de sa vie, il aura répété : « J’étais syndicaliste, pas délinquant. »

Mes chers collègues, voici résumée en une phrase notre proposition de loi : ils sont syndicalistes, pas délinquants.

Ils s’appellent Sébastien Menesplier et Mathieu Pineau de la fédération nationale des mines et de l’énergie de la CGT, Sophie Bournazel de l’entreprise People & Baby – je pourrais aussi citer trois autres salariés de cette entreprise –, Nicolas Constantin, délégué d’un entrepôt logistique du Pontet…

Ils sont syndicalistes chez VertBaudet : dans cette entreprise du Nord, quatre-vingts femmes payées au Smic ont décidé de se mettre en grève pour obtenir des augmentations. La direction a fait intervenir la force publique à de nombreuses reprises ; des salariées ont été blessées et certaines ont été envoyées à l’hôpital ; les plaintes en justice se sont succédé.

Des syndicalistes de la fédération du commerce, ayant donc pourtant toute légitimité pour intervenir dans ce conflit, ont été interpellés chez eux, au petit matin, devant leur famille. La répression s’est tellement généralisée qu’un syndicaliste, Mohammed, a été interpellé par de faux policiers, qui l’ont gazé, roué de coups, puis jeté d’une voiture en marche après lui avoir dérobé ses papiers. Dans le même temps, la direction continuait d’assigner ses salariées en justice : elle en a les moyens et le temps !

Je pourrais citer plusieurs centaines de syndicalistes victimes de procédures, de convocations, d’amendes, de mises en examen, de mesures disciplinaires.

Cette proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives vise à leur rendre justice, conformément à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».

Or, aujourd’hui, nous assistons souvent à des actes relevant de l’acharnement, parfois individuel, à des arrestations arbitraires, qui conduisent à des procédures pénales.

Comme si la répression patronale ne suffisait plus à maintenir le système, le Gouvernement y ajoute, monsieur le garde des sceaux, la répression d’État en utilisant l’appareil judiciaire. La démocratie sociale et la liberté syndicale semblent un obstacle pour votre gouvernement.

Cette répression s’est d’ailleurs amplifiée avec la réforme des retraites où la violence des procédures arbitraires à l’encontre des syndicalistes a donné lieu à une tribune parue dans la presse au mois de juin dernier intitulée : « Pour les libertés syndicales contre toutes les entraves à l’engagement militant et citoyen ! » Celle-ci a été signée par plusieurs centaines de militants syndicaux, associatifs, de nombreux intellectuels, chercheurs, enseignants et universitaires.

Au-delà de la pression judiciaire opposée aux syndicalistes se pose aussi la question des entraves tout au long de la carrière : blocage de l’évolution professionnelle, perte de promotions et de revenus.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait l’amalgame entre les faits commis à l’occasion d’une mobilisation syndicale et les violences urbaines et les actes antisémites. Ce n’est pas acceptable ! Ces faits n’ont aucun rapport avec les manifestations syndicales ni avec ceux qui sont visés par notre proposition de loi – vous le savez d’ailleurs très bien. §Il ne s’agit pas, pour nous, de ne pas sanctionner les casseurs, les Black Blocs, qui ont durement attaqué les syndicalistes dans les manifestations.

Comme vous l’avez rappelé en préambule, l’amnistie ne signifie pas l’absence de sanctions judiciaires. Ce texte vise uniquement à annuler les sanctions commises lors de mouvements sociaux.

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