Ma position exprime le droit, et c’est bien naturel.
J’ai parfaitement compris l’objet de cette proposition de loi, mais j’en dénonce les effets de bord, que vous n’avez, à mon sens, pas bien mesurés.
Je reprends votre texte, sous votre contrôle.
« L’amnistie prévue à la présente loi s’applique aux personnes physiques… » Voilà qui ne donne pas matière à contestation.
« Sont amnistiés de droit […] les délits passibles de moins de dix ans d’emprisonnement… » Permettez-moi de vous faire remarquer au passage que vous ne trouverez pas dans l’histoire d’amnisties aussi larges, mais peu importe. Cela n’est pas l’objet de notre débat.
« À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux… » Ainsi, si, dans le cadre d’une manifestation, un manifestant brûle un véhicule, il sera amnistié. Voilà ce que, nécessairement, expressément, et non pas implicitement, cela signifie !
Je suis bien évidemment pour le droit de manifester, qui est consacré par la Constitution, mais certains tordus profiteront de votre texte pour commettre des exactions. Si, un samedi après-midi, je participe à une manifestation en exprimant un certain nombre de revendications et que je dévalise un magasin de prêt-à-porter, je bénéficierai de l’amnistie prévue par cette proposition de loi, parce qu’un tel délit est passible de moins de dix ans d’emprisonnement et qu’il est commis dans le cadre d’une manifestation. Telle est la réalité de votre texte et vous comprenez bien que je ne peux y être favorable.
Puisque vous parlez d’amalgame, je reviens à des déclarations que vous avez reprises et que j’ai faites lorsque j’étais avocat et pas encore ministre. De grâce, resituez ces propos dans le contexte de l’époque, qui était celui du covid-19. J’étais alors convaincu qu’il fallait éviter des contaminations dans le mode clos qu’est la prison en envisageant soit des grâces, soit des amnisties, pour des raisons de santé et de salubrité publiques. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Nicole Belloubet.
Pour ne rien vous cacher, sur la question de la surpopulation carcérale, j’ai moi-même défendu un texte, que le Sénat a voté, prévoyant des libérations sous contrainte pour que, lorsqu’il reste un reliquat de l’ordre de trois mois et que le détenu peut bénéficier d’un logement à l’extérieur, on puisse de droit envisager sa libération pour éviter une sortie sèche.
Je ne suis pas en contradiction avec moi-même, puisque les circonstances sont totalement différentes.
Je persiste à croire que Nicole Belloubet a eu raison d’agir comme elle l’a fait et de prendre ces mesures qui relevaient du domaine réglementaire, puisque prévalait alors l’état d’urgence sanitaire. Cependant, madame la sénatrice, ce que j’ai dit n’aurait en aucune façon permis à des voyous d’échapper à la répression et à l’opprobre social qui doivent s’ensuivre.
Je le répète, j’ai bien compris l’objet de votre texte, mais il est présenté de telle façon qu’il entraîne des effets de bord qui n’ont pas été mesurés. Aussi, comme beaucoup de ceux qui se sont exprimés à la tribune, je ne souhaite pas qu’il soit adopté.
Madame la sénatrice, je ne fais aucun amalgame. J’ai lu votre texte avec beaucoup d’attention et d’intérêt. Son vote serait un très mauvais signal, me semble-t-il, adressé à l’ensemble de nos compatriotes, plus particulièrement au petit commerçant qui a vu son magasin dévasté. Peut-il, lui, entendre que celui qui a fait cela, parce qu’il l’a fait dans le cadre d’une manifestation, doit être amnistié ? C’est invraisemblable !