Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 40 de notre Constitution interdit aux parlementaires d’aggraver la dépense publique ou de réduire les impôts. Il leur est impossible de dégrader l’équilibre de nos finances publiques.
Le constat est sans appel : l’existence de cet article ne suffit pas à nous prémunir contre le fléau de la dette publique. Les intérêts de la dette nous ont coûté 50 milliards d’euros cette année et pourraient atteindre 70 milliards d’euros à l’avenir.
Nos collègues du groupe CRCE-K nous proposent aujourd’hui d’abroger l’article 40. Or cet article est l’un des rares qui n’aient pas été modifiés depuis 1958. Y toucher, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, c’est revenir sur l’esprit du parlementarisme rationalisé, dont cet article est l’un des principaux garants. Doit-on pour autant s’en indigner au point de souhaiter son abrogation ?
Le privilège de la dépense budgétaire appartient à l’exécutif. Est-ce un mal ? Nous ne le pensons pas, tant que ce privilège reste encadré. Il y va de l’équilibre de nos institutions. Bien sûr, nous ne sommes pas plus dépensiers que le Gouvernement, mais il suffirait que nous le soyons pour précipiter la France vers le naufrage.
Plutôt que de vouloir accaparer un pouvoir qui nous conduirait, sans aucun doute, à succomber aux tentations, à céder aux dérives en tous genres et aux propositions démagogiques et électoralistes, renforçons notre pouvoir de contrôle afin d’éviter toute gabegie.
Peut-être le problème n’est-il pas cette limitation qui peut donner à certains le sentiment d’être empêchés. Peut-être le véritable problème est-il dans la lecture que nous faisons de nos institutions. Oui, le Gouvernement dispose du privilège budgétaire, mais le Parlement a, lui, un pouvoir de contrôle. Dans ces conditions, pourquoi passons-nous trois mois à examiner le projet de loi de finances et seulement trois semaines à l’évaluer ?
Abroger l’article 40 reviendrait donc à repenser l’esprit de nos institutions. Si vous pensez que nos institutions ne fonctionnent pas bien et si vous souhaitez les déséquilibrer, nous sommes plutôt de ceux qui souhaitent changer la façon de les incarner.
En revanche, le Gouvernement jouit d’un privilège budgétaire, non plus constitutionnel, mais factuel et totalement inique : celui de pouvoir accaparer des ressources, bien trop souvent aux dépens des collectivités territoriales, et ce malgré l’article 72-2 de notre Constitution, censé protéger nos collectivités contre toute non-compensation financière.
Combien de décisions prises passent outre cet article 72-2, malgré une jurisprudence constitutionnelle très stricte ? Tant de dépenses sont imposées à nos collectivités, qui sont pourtant de bien meilleures gestionnaires que l’État !
Oui, nous souhaitons conserver l’esprit de notre Constitution, de toute la Constitution, et nous tenir du côté de ceux qui veulent réincarner nos institutions plutôt que les déséquilibrer. Il semblerait qu’il faille non pas abroger l’article 40, mais le compléter au profit des collectivités territoriales.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc contre cette proposition de loi constitutionnelle.