Intervention de Olivier BITZ

Réunion du 31 octobre 2023 à 14h30
Abrogation de l'article 40 de la constitution — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Olivier BITZOlivier BITZ :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c’est au moment même où l’équilibre budgétaire de l’État est le plus fragile, car la puissance publique a joué son rôle de protection pour nos concitoyens, qu’il nous est proposé de supprimer un dispositif qui vient, précisément, réguler la dépense publique. C’est un curieux paradoxe.

L’irrecevabilité financière des initiatives parlementaires est le fruit d’une rationalisation progressive et maîtrisée du parlementarisme.

Cette évolution est observable dans la plupart des démocraties parlementaires comparables à la nôtre, tout simplement parce qu’elle répond, partout, aux mêmes nécessités : celle de contenir l’extension croissante de la dépense publique, et celle qui consiste à partager la contrainte de l’équilibre budgétaire avec celle ou celui qui propose une dépense supplémentaire.

L’irrecevabilité financière prend racine en France sous la IIIe République, pourtant traditionnellement présentée comme étant l’âge d’or du parlementarisme dans notre pays. Dès 1920, on la retrouve dans le règlement de la Chambre des députés. Elle sera, par la suite, confirmée au niveau constitutionnel, par l’article 17 de la Constitution de 1946.

Il est donc inexact de relier ce mécanisme de régulation de la dépense publique au régime de la Ve République.

L’irrecevabilité financière des initiatives parlementaires est aujourd’hui prévue à l’article 40 de notre Constitution, que nos collègues communistes nous invitent à supprimer.

Jugé nécessaire par le constituant originaire durant les travaux préparatoires de la Constitution de la Ve République et jamais modifié depuis 1958, ce dispositif suscite immanquablement des frustrations, liées, finalement, à la confrontation entre volonté politique et principe de réalité.

De fait, l’envie de dépenses nouvelles est sans limites et, évidemment, tous les besoins sont bien loin d’être couverts. Mais celui qui propose la dépense nouvelle ne peut s’affranchir de la question de la recette. La contrainte concernant l’équilibre budgétaire doit être partagée.

Les décisions d’irrecevabilité fondées sur l’article 40 s’appuient sur une jurisprudence constitutionnelle et sur une pratique de nos assemblées exigeante. Cette procédure a d’ailleurs d’ores et déjà fait l’objet d’assouplissements dans le cadre d’un travail d’harmonisation entre les deux chambres, au bénéfice de l’initiative parlementaire.

Comme l’indique le rapporteur, dont je tiens à saluer le travail, « l’application de l’article 40 de la Constitution n’a jamais été aussi uniforme […] entre l’Assemblée nationale et le Sénat, répondant à la critique traditionnellement adressée d’une appréciation “à géométrie variable” de l’irrecevabilité financière ».

Au-delà, sur le fond, le filtre de l’article 40 constitue, de notre point de vue, un rempart indispensable contre l’excès de dépenses publiques.

Le vrai sujet est bien là, mes chers collègues : est-ce vraiment le moment d’ouvrir les vannes de la dépense publique, alors même que la situation financière de l’État est déjà très préoccupante ?

Comme chacune et chacun le sait, la dette de notre pays s’élève aujourd’hui à plus de 3 000 milliards d’euros, soit 110 % du PIB. C’est le résultat de budgets votés en déséquilibre depuis 1974 par toutes les majorités successives.

Pour se convaincre de l’intérêt de l’article 40, il suffit d’observer le spectacle offert par certains de nos collègues à l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen de chaque texte budgétaire.

Sur les 2 942 amendements déposés en commission sur la première partie du projet de loi de finances pour 2024 par les groupes d’opposition, 90 % tendaient à engager des dépenses supplémentaires.

Par exemple, le cumul des amendements du groupe LR avoisinait, selon les estimations du rapporteur général de la commission des finances, près de 100 milliards d’euros de charges publiques additionnelles pour le budget de l’État :…

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