Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 24 octobre 2023 à 14h30
Amélioration de l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Sur l’organisation des soins de ville, ce texte n’apporte malheureusement pas de ligne directrice claire.

Plusieurs articles, dépourvus d’effets réels, agissaient inutilement comme des repoussoirs pour les professionnels de santé. La commission les a rejetés, en supprimant l’automatisation de l’adhésion des professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), tout comme la réécriture des dispositions relatives à la permanence des soins adoptées au mois de mai dernier et qui n’ont même pas encore produit tous leurs effets. De la même manière, la commission a écarté la création superflue d’un nouvel indicateur territorial de l’offre de soins, jugé peu utile par les acteurs eux-mêmes.

Nous avons, en revanche, soutenu les dispositions de bon sens, après les avoir parfois sensiblement amendées.

Je pense à l’article 1er relatif à la démocratie en santé. Les territoires de démocratie sanitaire, renommés territoires de santé, pourront être redéfinis par les acteurs locaux : tel est le principal apport de cet article, qui ne confie en réalité aucun nouveau moyen d’action au conseil territorial de santé. La commission a donc resserré une rédaction inutilement bavarde, dont on peinait à saisir la cohérence globale.

La commission a également adopté le principe d’une obligation pour les professionnels médicaux de déclarer en amont la cessation de leur activité dans un territoire, après avoir ramené le délai prévu à trois mois. Elle a en outre préservé l’accompagnement de l’expérimentation des antennes d’officine dans les petites communes.

En ce qui concerne la prise en charge médicale des résidents dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), la commission a soutenu la revalorisation du rôle du médecin coordonnateur, mais elle a supprimé la désignation de ce praticien comme médecin traitant, qui apparaît trop risquée à ce stade.

Enfin, la commission a également adopté la création de la fonction d’infirmier référent, jugeant qu’il s’agissait d’une reconnaissance importante du rôle des infirmiers dans la coordination et le suivi des patients.

Vous le constatez, mes chers collègues, ce texte fera œuvre utile sans apporter, pour autant, de réponse miracle aux difficultés que nous connaissons.

Est-ce à dire, pour autant, qu’il faille en faire le véhicule de dispositions choc et engager ici la régulation de l’installation des médecins ? J’entends les pressions de certains, mais je ne le crois pas.

Dans un contexte marqué par des difficultés démographiques et par des tensions importantes, lesquelles sont apparues lors de la négociation de la prochaine convention médicale, la régulation de l’installation ne pourrait s’apparenter qu’à un signe de défiance à l’égard de la profession. Elle ne ferait qu’aggraver les difficultés en décourageant les médecins à s’installer.

Au contraire, la commission fait le choix de mesures pragmatiques, en s’efforçant d’actionner les bons leviers, identifiés par les professionnels eux-mêmes. C’est notamment le cas des mesures visant à libérer du temps médical, en accompagnant les médecins dans leurs démarches, grâce au développement des guichets uniques départementaux, ou en limitant les actes superflus.

Avec le même objectif, la commission a soutenu le recul à 75 ans de l’âge limite d’exercice pour les médecins qui y étaient soumis, tandis qu’elle a levé des freins à l’exercice coordonné. Elle a, en outre, adopté certaines mesures irritantes, mais utiles, comme l’instauration d’un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier de nouveau d’aides à l’installation.

Enfin, la commission a soutenu les dispositions qui visaient à permettre à davantage de praticiens étrangers d’exercer en France. Elle vous proposera d’adopter un amendement visant à autoriser leur exercice en ambulatoire, dans la période de consolidation des compétences précédant la délivrance de l’autorisation de plein exercice. Il s’agit, là encore, d’une manière pragmatique d’améliorer l’accès aux soins dans les années difficiles qui s’annoncent.

Malgré un big-bang annoncé par le Président de la République lors de ses vœux, ce texte ne traduit pas non plus de changement radical pour les établissements de santé.

La proposition de loi modifie différents aspects d’organisation ou de gouvernance de l’hôpital public. La commission a souhaité accompagner cette démarche. Elle a ainsi précisé et sécurisé les avancées concernant l’ouverture d’un droit d’option pour l’octroi de la personnalité morale aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) ou encore concernant la composition et les missions du conseil de surveillance.

Surtout, la commission a partagé le souci d’un rééquilibrage de l’effort en matière de permanence des soins en établissement de santé, qu’entend permettre l’article 4. Il s’agit d’un sujet important si l’on veut garantir la bonne prise en charge des patients ayant besoin de soins à l’issue de leur passage aux urgences. C’est aussi une nécessité, quand les gardes et les astreintes apparaissent parfois comme une raison de la fuite des praticiens de l’hôpital public. À cet égard, je regrette que les tentatives de discussion sur cet article menées avec le Gouvernement en amont n’aient pu aboutir. J’espère que l’examen en séance publique nous permettra de trouver une rédaction efficace, claire et répondant aux préoccupations des établissements et des praticiens, d’une part, aux besoins des patients, d’autre part.

Toujours sur ce volet refont surface certaines dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui ont été censurées. Je pense à l’accompagnement de la réforme des autorisations d’activités de soins, à l’encadrement de l’intérim dans les établissements de santé et médico-sociaux ou encore au contrôle des cliniques privées.

La commission est restée fidèle aux positions qu’elle a défendues à l’automne dernier. Sur la question particulière de l’intérim, alors que le Gouvernement justifie la mesure par une nécessité liée à la sécurité des soins, la commission a estimé que le sujet n’était pas uniquement celui du début de carrière. Elle a ainsi prévu un plafonnement au cours de la carrière, soit simplement l’interdiction d’un exercice exclusif par le biais de contrats de mise à disposition.

Enfin, en ce qui concerne les études en santé, la commission a renforcé la responsabilisation de tous les acteurs de la formation des étudiants de ces filières. Cette mesure apparaît indispensable face à la dégradation de la santé mentale de ces professionnels en devenir. Nous avons également soutenu les dispositions étendant le contrat d’engagement de service public aux étudiants en pharmacie et en maïeutique.

Mes chers collègues, vous l’avez aisément compris : la commission a examiné ce texte sans enthousiasme excessif. Pour autant, en vertu des larges modifications qu’elle a apportées la semaine passée et sous réserve de l’adoption des nouveaux ajustements qu’elle soutiendra lors de la discussion des articles, elle vous demandera d’adopter ce texte et les avancées qu’il contient.

Espérons néanmoins que nous disposerons dans quelques mois d’un texte dont l’ambition sera à la hauteur des défis auxquels est confronté notre système de santé. Quoi qu’il en soit, nous n’assurerons pas un juste accès aux soins dans les territoires par des improvisations menées contre les médecins. Nous ne répondrons pas à la crise de sens des professionnels hospitaliers par des mesurettes, même récurrentes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion