Intervention de Nadia Sollogoub

Réunion du 24 octobre 2023 à 14h30
Amélioration de l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nadia SollogoubNadia Sollogoub :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, presque tous les patients de France rencontrent désormais des difficultés pour accéder aux soins. Dans ce contexte, Frédéric Valletoux propose un certain nombre de mesures – il a au moins le mérite d’essayer !

Dire que la situation pourrait s’améliorer par « l’engagement territorial des professionnels » pourrait blesser ceux qui, sans relâche, s’engagent dans leur territoire. Tout comme leurs patients, ils subissent les effets délétères d’une démographie médicale et paramédicale dont ils ne sont pas responsables.

Le seul et unique sujet, c’est le déséquilibre entre l’offre de temps soignant et les besoins de notre population, par ailleurs vieillissante.

Rien ne sera réglé tant que l’on n’intégrera pas le fait que les jeunes médecins donnent, en moyenne, deux fois moins de temps médical que leurs aînés.

Rien ne sera réglé tant que les étudiants en santé serviront pendant leurs études de main-d’œuvre bon marché dans un système en tension chronique.

Rien ne sera réglé tant que nos soignants renonceront après seulement quelques années d’exercice, parfois même en cours d’études.

Rien ne sera réglé tant que les jeunes Français partiront étudier à l’étranger.

Rien ne sera réglé tant que les facultés de pharmacie seront vides.

Rien ne sera réglé tant que l’on se tournera, en désespoir de cause, vers des diplômés hors Union européenne, ultime solution d’urgence, siphonnant ainsi la ressource d’autres pays.

Nos professionnels ont beau s’engager tant et plus, rien ne se réglera – hélas ! – par ce texte. Je salue cependant certaines mesures de bon sens qui y figurent, comme l’expérimentation des antennes d’officine et l’encadrement des mesures fiscales d’aide à l’installation.

Quand l’heure est grave, ce sont toujours les acteurs de terrain qui savent optimiser les moyens. Ainsi, au plus fort de la crise du covid-19, alors que l’administration comptable était totalement dépassée, ce sont bien les professionnels de santé qui ont permis au système de tenir.

Tirons-en les leçons et méfions-nous de toutes les fausses bonnes solutions démagogiques !

Une infirmière me disait récemment : « Les CPTS obligatoires, mais pourquoi ? Travailler ensemble, on le fait. » Ou encore ce jeune kiné : « Les équipes s’agrègent de façon spontanée, avec une belle dynamique ; elles mènent un combat pluriprofessionnel. Il faudrait donner les dotations aux équipes plutôt qu’aux individus. Ce serait plus efficace que d’essayer d’organiser de force des équipes qui n’en sont pas. »

Oui, l’interprofessionnalité est un véritable enjeu, qu’il ne faut pas empêcher par des mesures descendantes.

Si les patients demandent plus de temps médical, c’est également le cas des soignants. En voulant structurer autoritairement leur exercice, on risque d’alourdir leur charge administrative, la grande gaspilleuse de temps médical. De même, en les projetant sur les routes pour des présences physiques exigées ici et là, on consomme en transport une ressource pourtant si précieuse.

La pression générale que l’on fait peser sur les médecins en particulier aboutit à des incohérences. Ainsi, l’un d’eux me disait : « Quand un libéral ne travaille que 35 heures, c’est un salaud, alors que, quand un salarié arrive dans un centre de santé pour y travailler 35 heures, on l’accueille en héros. »

Il ne faut ni attiser les corporatismes ni dresser les professionnels les uns contre les autres ; il faut au contraire encourager un dynamisme collectif qui émerge comme la seule piste vertueuse.

Je salue la part que donne ce texte à la formation. Il faut, de façon absolument prioritaire, augmenter les capacités de formation pour les faire converger avec les besoins des territoires.

Je souhaite également rappeler que, dans la situation grave que nous connaissons, les directeurs généraux des ARS doivent pouvoir utiliser réellement, quand le besoin impérieux s’en fait sentir, le pouvoir de dérogation que leur accorde la loi.

Certaines pénuries – je pense au manque de pharmaciens hospitaliers dans la Nièvre – exigent, dans le seul intérêt des patients, que l’on mette en place des solutions véritablement vitales.

Pour conclure, je souhaite confirmer le soutien d’une majorité du groupe Union Centriste à ce texte tel qu’il a été modifié en commission.

Nous devons nous méfier de la communication qui ne serait plus que négative. Nous ne devons pas ériger en règles les injonctions aux professionnels de santé. Nous devons dire à ces derniers que nos débats ne doivent pas interférer avec les négociations conventionnelles. Nous devons aussi leur redire notre confiance pour passer ensemble un cap bien difficile.

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