Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que ce texte ne soit qu’une occasion de se donner bonne conscience en évitant soigneusement le grand chantier des politiques de santé que méritent nos compatriotes.
La pandémie de covid-19 a été, pour ceux qui niaient l’évidence, un dramatique révélateur : le système de santé français est devenu un champ de ruines ! Des personnels hospitaliers au bout du rouleau, une faiblesse générale des moyens, une médecine de ville qui s’épuise, une désertification qui, loin de concerner aujourd’hui uniquement nos campagnes, commence à gagner nos villes moyennes, et une dépendance pharmaceutique et matérielle qui a empêché toute réactivité lorsque le covid-19 est apparu.
La question de la désertification médicale et des territoires carencés n’était pas nouvelle, il faut tout de même le rappeler, et la quasi-totalité de l’échiquier politique ayant géré le pays a été témoin de cette chute sans jamais pouvoir l’enrayer.
Les conséquences sont fatalement dramatiques, avec des personnes qui abandonnent leur parcours de soins par fatigue ou par lassitude, qui voient des opérations sans cesse retardées, ou qui sont victimes de diagnostics tardifs, ce qui entraîne une prise en charge plus difficile de leur pathologie et un moindre taux de réussite des soins.
Malheureusement, la désertification médicale tend à se généraliser et nous craignons le grand nombre de départs à la retraite de généralistes et de spécialistes, mais aussi de professionnels du paramédical, jusque dans les zones urbaines et périurbaines, dans les années à venir.
Aujourd’hui, la question est non plus de savoir où sont les déserts médicaux, mais où ils ne sont pas, et tout cela accrédite fatalement le sentiment de déclassement français. Autant de problématiques auxquelles cette proposition de loi ne répond pas !
Mes chers collègues, c’est toute notre politique de santé publique qu’il faut remettre à plat. Ce texte élude la question de la formation massive de nouveaux médecins, du recrutement difficile d’infirmiers et d’aides-soignants, la question globale de la gouvernance et de l’échec des agences régionales de santé.
Il n’y a aucune mesure d’invitation ou d’incitation des professionnels à exercer dans les territoires carencés, urbains comme ruraux. Excusez-moi d’être trivial, mais cette proposition de loi est une rustine sur un bateau qui prend l’eau de toute part, bref, un cautère sur une jambe de bois.
C’est un acte de bonne conscience, mais guère plus, et je suis à peu près sûr que, fondamentalement, nous sommes une majorité à le penser ici, toutes travées confondues.
Pour autant, presque rien, c’est toujours mieux que rien du tout, alors nous nous abstiendrons. Mes chers collègues, il y a urgence, et vous le savez. Le « pas de vague » ne doit pas être généralisé à l’offre de santé que méritent nos compatriotes. Sans mauvais jeu de mots, je vous invite à ruer dans les brancards.