Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus de deux semaines après les attaques meurtrières du Hamas sur le territoire israélien, qui ont fait plus de 1 400 morts, nous sommes toujours profondément choqués.
Je tiens avant tout, au nom du groupe Union Centriste, à avoir une pensée pour toutes les victimes innocentes. Parmi elles, nous déplorons trente compatriotes tués. Nous comptons toujours également neuf Français portés disparus, dont une jeune femme qui a le statut d’otage. Nous soutenons les efforts du Gouvernement pour obtenir, en priorité, la libération de tous les otages.
Notre groupe exprime sa compassion aux blessés, aux familles des victimes, aux proches des otages enlevés, qui vivent dans l’angoisse.
Nous pensons aussi à toutes les victimes civiles, qu’elles soient en Israël ou à Gaza, et à tous ceux qui sont désormais dans la souffrance.
Nous imaginions avoir connu des sommets de monstruosité avec les attentats d’Al-Qaïda du 11 septembre 2001 ou ceux de Daech, le 13 novembre 2015, à Paris. Avec les exactions du 7 octobre dernier, en Israël, le Hamas s’inscrit dans cette barbare compétition des organisations terroristes islamistes.
Il a enchaîné massacres de masse, actes de torture d’une cruauté bestiale, mais aussi enlèvements de plus de deux cents civils, aujourd’hui séquestrés.
Les mots demeurent impuissants face à l’ignominie. Nous condamnons cette organisation terroriste et ses actes avec force. Israël est en droit de se défendre et de chercher à éliminer le Hamas, qui a pour objectif de faire disparaître l’État hébreu de la carte, dans un premier temps. Car ne nous y trompons pas : le Hamas, tout comme Daech ou Al-Qaïda vit dans la haine de nos valeurs et vise la destruction à terme de la civilisation occidentale. Les attentats d’Arras et de Bruxelles qui ont suivi nous l’ont douloureusement rappelé.
On comprend dès lors pourquoi le Président de la République a pu proposer, aujourd’hui, à Jérusalem, que la coalition internationale actuellement déployée en Irak et en Syrie pour lutter contre l’État islamique « puisse aussi lutter contre le Hamas ».
La population palestinienne de Gaza est aussi l’otage de cette organisation terroriste, qui mène ses attaques militaires depuis des installations civiles. Rien ne serait pire que de vouloir confondre le Hamas avec la cause palestinienne et sa légitime revendication à disposer d’un État autonome.
Le Hamas a franchi une ligne rouge pour qu’Israël ne puisse plus accepter le moindre accord. Dès lors, quelle solution adopter pour Israël à Gaza ?
Déplacer le Hamas au Qatar ou les Palestiniens vers l’Égypte ou la Jordanie ? Impossible ! Aucun État ne l’accepterait.
Faire une barrière avec une démarcation large de plusieurs kilomètres et minée, à l’image de la démarcation entre les deux Corées ? Ce serait condamner la population de Gaza à la misère et laisser la haine grandir en attendant la prochaine éruption.
Bombarder la bande de Gaza indistinctement en exposant toute la population palestinienne ? C’est le piège tendu par le Hamas, qui veut réussir là où Daech a échoué.
Nous souhaitons que la démocratie israélienne combatte en respectant le droit international humanitaire. Mais tout le monde voit bien la difficulté, car les terroristes se cachent au sein même de la population.
Une difficulté supplémentaire pour le gouvernement israélien vient de ce que l’organisation terroriste a le soutien de l’Iran. La déclaration récente du ministre des affaires étrangères iranien, appelant à éradiquer les juifs et à rayer Israël de la carte, en est une nouvelle illustration. Elle vient rejoindre en tout point la doctrine du Hamas.
La Russie jubile, la Chine est le banquier de l’attelage. Vous remarquerez que, pour ces trois États – Iran, Russie et Chine –, le Hamas n’est pas une organisation terroriste.
La situation est très préoccupante. Si Israël bombarde Gaza et élimine le Hamas, qui gérera Gaza en ruines ? Que deviendra alors ce qui ne sera plus qu’un immense bidonville ? Comment éviter que toute la jeunesse palestinienne ne tombe à son tour dans le panneau des sirènes du Hamas, avec l’effondrement de l’autorité palestinienne en Cisjordanie ? Comment ne pas craindre l’escalade régionale avec le Hezbollah, proxy de l’Iran, qui, non content d’étrangler le Liban, est susceptible de plonger de nouveau le pays du Cèdre dans un conflit avec son voisin ?
Hier, j’assistais à la prise d’armes, aux Invalides, présidée par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, à l’occasion des quarante ans de l’attentat du Drakkar à Beyrouth, où 58 militaires français ont perdu la vie. Ne les oublions pas !
Quelque 700 militaires français sont déployés dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), à la frontière avec Israël. Ils seraient en première ligne d’une reprise des hostilités. Ne l’oublions pas !
Le rapport d’information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de Christian Cambon, intitulé Israël-Palestine : redonner un horizon politique au processus de paix, avait anticipé, il y a un peu moins d’un an, l’embrasement que nous déplorons aujourd’hui.
La formation du gouvernement de M. Netanyahou, qui allie la droite avec une extrême droite composée de suprémacistes juifs, tenants d’une idéologie expansionniste et visant un État théocratique soumis à la loi religieuse, menace les fondements de la démocratie israélienne. Ce gouvernement pose un problème de morale et de conscience que les manifestations hebdomadaires dans l’État hébreu ont révélé.
De nombreux articles de presse ont sonné l’alarme. Dans une tribune du journal Le Monde, datée du 9 février dernier, Sophie Bessis écrivait, à la suite de la sanglante attaque d’une synagogue, intervenue deux semaines plus tôt : « D’un côté, les provocations délibérées de ministres israéliens pressés de montrer aux Palestiniens de quel côté se situe la force, de l’autre la montée d’un désespoir mortifère devant la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie et l’absence de toute perspective de paix dans la justice ont conduit à l’explosion actuelle. Si rien n’est fait, elle risque de prendre des proportions que nul ne parviendra à contenir. »
Une addition de haines n’a jamais donné un bon résultat pour les peuples. Il est d’une importance majeure de se consacrer dès maintenant à la paix. L’escalade de violences en territoire israélo-palestinien vient nous rappeler que la solution à deux États – un État d’Israël et un État palestinien – est la seule solution viable pour la paix.
Je me réjouis que le Président de la République soit aujourd’hui à Tel-Aviv pour reprendre l’initiative politique et pour réaffirmer une exigence que le général de Gaulle évoquait déjà, de façon visionnaire, lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1967.
Mais il est vrai que les accords d’Abraham ont permis des avancées majeures auprès des pays du Golfe. Ils ont apporté une nouvelle dynamique de normalisation israélo-arabe. Comme président du groupe interparlementaire d’amitié France – Pays du Golfe, je n’ai pu que m’en féliciter.
Ces avancées très concrètes se sont traduites par de réelles coopérations sécuritaires et militaires, comme j’avais pu le souligner en mai 2022 lors d’un colloque que j’ai accueilli au Sénat en compagnie du président Roger Karoutchi.
Mais si les accords d’Abraham ont vocation à promouvoir la paix aux frontières d’Israël, tous mes interlocuteurs du Golfe ont toujours affirmé que la résolution du conflit israélo-palestinien restait une priorité pour emporter l’adhésion des populations.
En ne s’alignant pas sur les États-Unis, en 2003, lors de leur intervention en Irak, la France a prouvé son indépendance au Moyen-Orient. La France est un tiers de confiance naturel pour amorcer un nouveau dialogue et pour donner un nouvel horizon au processus de paix.
Notre pays a soutenu sans discontinuer, d’une part, le droit d’Israël à exister et à vivre en sécurité, d’autre part, la création d’un État palestinien délimité par des frontières sûres et reconnues. Il est vital pour tous d’abandonner la stratégie de la cécité volontaire et du déni de réalité à l’égard de la situation palestinienne.
Pour Israël, cela consistera à abandonner sa stratégie de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Pour la Palestine, cela signifie la fixation d’un calendrier démocratique avec des garanties de déroulement des scrutins en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est.
La France doit jouer un rôle d’aiguillon afin que l’Europe mette en place un nouveau dialogue entre Israël et la Palestine.
L’Union européenne a débloqué 200 millions d’euros d’aide aux Palestiniens avant le conflit. Elle doit désormais investir le volet politique en plus du volet humanitaire.
Je salue le rôle de l’Égypte, qui a autorisé le passage d’une aide humanitaire vers Gaza après de longues journées de fermeture du poste-frontière. Il faut en effet porter secours aux civils gazaouis, qui manquent de produits de première nécessité.
La décision d’une aide supplémentaire de 10 millions d’euros, portée par la France, mérite d’être soulignée.
Vendredi prochain, un vol spécial convoiera du fret médical. Une fois de plus, la France répond présente et les sénateurs centristes soutiennent cette initiative.
Être en empathie avec les personnes qui souffrent et provoquer la désescalade par la promotion de la paix, pour apporter l’espoir d’une vie dans la sécurité et la sérénité au Proche-Orient, telle est la démarche d’apaisement qui, je l’espère, sera portée avec succès par le Président de la République.