Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa Lettre ouverte sur l ’ écriture inclusive, publiée le 7 mai 2021, l’immortelle Hélène Carrère d’Encausse écrivait : « Une langue procède d’une combinaison séculaire de l’histoire et de la pratique, ce que Lévi-Strauss et Dumézil définissaient comme “un équilibre subtil né de l’usage”. En prônant une réforme immédiate et totalisante de la graphie, les promoteurs de l’écriture inclusive violentent les rythmes d’évolution du langage selon une injonction brutale, arbitraire et non concertée, qui méconnaît l’écologie du verbe. »
Je pourrais arrêter ici mon intervention puisque tout est dit !
Oui, l’écriture dite inclusive menace la langue française, celle que Maurice Druon comparait à une horlogerie suisse qui marque toujours l’heure exacte : « une horlogerie de la pensée » avait-il écrit.
L’écriture inclusive trouve ses racines dans une politique plus générale de reconnaissance de la primauté des identités. C’est une idéologie mortifère, imposée par les campus américains ou ceux d’Europe du Nord. Sous prétexte d’égalité des sexes, elle vise à détruire le français en s’inscrivant dans une culture woke, une culture qui vise plus largement à contester notre modèle de civilisation.
Un exemple : pour les tenants du wokisme, la fonction neutre du masculin participe à l’occultation des femmes. Notre langue française serait donc sexiste ; par conséquent, il faut la détruire.
Pourtant, sur cette question de la neutralité du masculin, Georges Dumezil et Claude Levi-Strauss rappelaient dès 1984 qu’il n’existait dans la langue française « aucun rapport d’équivalence entre le genre grammatical et le genre naturel ».
Par effet de convention, l’usage du masculin générique correspond au neutre, et simplement au neutre, sans qu’aucune volonté de domination d’un sexe sur un autre ne découle de ce choix.
L’Académie française rappelle utilement que l’usage du masculin neutre – et il en serait de même si le féminin avait été neutre – permet de souligner qu’il y a du commun entre les deux sexes et que les hommes et les femmes ne sont pas deux espèces à jamais séparées. Elle rappelle également : « La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’induit [l’écriture inclusive] aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. »
Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé dans son discours, ce lundi 30 octobre à Villers-Cotterêts, sitôt contredit par Mme Rousseau, qui s’offusque de ce qui est pourtant une évidence.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 était courte : deux simples articles liaient la vie publique de la France avec l’usage scrupuleux du français.
L’article 110 prévoyait : « Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence des [arrêts de justice], nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ni lieu à demander interprétation. »
L’article suivant indiquait : […] nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, […], soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement. »
Voilà un modèle de clarté qui devrait inspirer et plus encore contraindre les législateurs que nous sommes, si enclins à sombrer dans un charabia juridique et un bavardage devenus aussi incompréhensibles qu’inutiles.
C’est pour cette raison que j’avais déposé une proposition de loi très courte, constituée d’un article unique de trois lignes, qui visait à déclarer nul tout acte juridique comportant l’usage de l’écriture inclusive.
Monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu reprendre ma proposition de sanction de nullité et je vous en remercie. Vous avez, par votre travail, complété utilement le texte de Mme Gruny, en précisant à l’extrême ce qu’est l’écriture inclusive, pour aboutir à un texte absolument remarquable.
Cette nullité apporte à la proposition de loi de Mme Gruny une redoutable efficacité.