La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Annick Billon, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Lors du scrutin n° 9 sur l’amendement n° 2 rectifié quinquies visant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, mon collègue Hervé Maurey souhaitait voter pour.
Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive, présentée par Mme Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Philippe Folliot applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce matin, nous avons inauguré la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts. C’est dans la chapelle de ce château royal que François Ier a signé, en août 1539, la célèbre ordonnance instituant le français comme langue administrative du royaume.
Ce n’est donc pas un hasard si le Président de la République a choisi le département de l’Aisne, berceau de la langue française, terre d’écrivains mondialement connus comme La Fontaine, Dumas ou Racine, pour y installer cette grande cité dédiée à l’histoire de notre langue et à la place centrale qu’elle occupe dans la construction de notre lien social.
C’est précisément ce lien social que les partisans de l’écriture inclusive ont décidé de fragiliser en cherchant, depuis plusieurs années, à déconstruire la langue française.
Réclamée soi-disant pour introduire dans l’écriture un équilibre entre l’usage du masculin et du féminin, l’écriture inclusive ne résulte de rien d’autre que d’une volonté d’affaiblir encore davantage la langue française en la rendant illisible, imprononçable et impossible à enseigner. L’Académie française ne s’y est d’ailleurs pas trompée en y voyant un « péril mortel » pour l’avenir de la langue française.
Nul ne peut contester les difficultés de lecture qu’entraîne une telle graphie, qui nous fait buter sur les mots, nous contraint au bégaiement et finit par nous faire oublier le sens de la phrase. En fragmentant les mots et les accords, l’écriture inclusive rend la marche d’un texte chaotique et exige d’être expert en déchiffrage pour en comprendre le sens. C’est une véritable régression de l’acte de lire.
Plus grave, cette écriture vient battre en brèche la mission première de notre système éducatif : apprendre à lire. Elle entrave gravement les efforts des élèves présentant des troubles d’apprentissage comme la dyslexie, la dyspraxie ou la dysphasie. Elle pénalise les enfants en situation de handicap, autistes ou malvoyants, qui dépendent de logiciels d’aide à la lecture incapables de reconnaître l’écriture inclusive et donc de restituer le texte lu.
Alors même qu’elle est censée inclure le plus grand nombre, cette écriture contribue à exclure une partie de nos concitoyens.
Bien sûr, notre langue est le résultat d’une longue histoire, faite d’enrichissements progressifs et d’apports successifs. L’écriture inclusive est non pas le fruit d’une telle évolution spontanée, mais bien le résultat d’une démarche militante qui cherche à imposer ses vues à tous. Dictée par la nouvelle doxa du temps présent, elle apparaît d’abord comme le domaine réservé d’une élite et n’est rien d’autre, rappelons-le, qu’un nom de domaine déposé en 2016 par une agence de communication.
Mme Mathilde Ollivier et M. Thomas Dossus s ’ en amusent.
Ses défenseurs voudraient nous faire croire qu’en France, les femmes sont infériorisées, voire violentées en raison d’une structure viciée de la langue. C’est méconnaître les règles du genre grammatical, où le masculin et le féminin ne correspondent pas systématiquement à des catégories sexuées. Les mots n’ont pas de sexe et encore moins de sexualité.
Ainsi, on dit « une échelle », mais « un escabeau ». Le livre n’est pas plus mâle que la page n’est femelle. Dans l’armée, on dit « une sentinelle », « une ordonnance » ou « une estafette », un marqueur féminin désignant ici des fonctions historiquement masculines. « Une grenouille » peut être un papa grenouille.
Sourires.
Si certains ne supportent pas d’entendre que le masculin l’emporte sur le féminin, il leur suffit d’énoncer qu’au pluriel le mot s’accorde au masculin, lequel, dans la langue française, fait office de neutre.
Tenir la langue responsable des discriminations que les femmes subiraient revient à nier la diversité des systèmes linguistiques, et surtout à établir une corrélation discutable entre la langue et l’organisation sociale : le persan n’a pas de catégorie de genre, mais les femmes n’en sont pas moins discriminées en Iran.
Ne nous trompons pas de combat. Pour lutter réellement contre les discriminations sexistes, concentrons plutôt nos efforts sur les violences conjugales, sur les disparités salariales ou sur les phénomènes de harcèlement.
En abîmant la langue française, l’écriture inclusive pourrait également signer le déclin du français parlé dans le monde. Ses partisans font le choix assumé d’accroître considérablement les difficultés préexistantes de notre langue par une excroissance artificielle des mots. La langue anglaise, qui n’accorde pas ses adjectifs, et quasiment pas ses verbes, en sortirait bien évidemment gagnante.
Pour toutes ces raisons, le temps est venu de mettre définitivement fin aux dérives de l’écriture inclusive.
Si son utilisation a déjà été interdite pour les services de l’État par la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française, dite circulaire Philippe, puis à l’école par la circulaire de Jean-Michel Blanquer du 5 mai 2021 sur les règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les pratiques d’enseignement, ces mesures apparaissent aujourd’hui clairement insuffisantes pour endiguer la propagation du phénomène : d’une part, parce qu’elles ne traitent qu’une partie du sujet ; d’autre part, parce qu’elles pourraient facilement être remises en cause.
Certains syndicats et enseignants affichent d’ailleurs publiquement leur résistance et leur détermination à en poursuivre la diffusion dans les classes. L’écriture inclusive devient la norme dans certains journaux ; on ne s’en étonne plus dans la communication des entreprises ni dans les publicités de marques grand public. On la retrouve même gravée sur des plaques commémoratives apposées dans l’enceinte de l’Hôtel de Ville de Paris.
Son usage s’est répandu rapidement à l’université. Certains professeurs encouragent cette pratique en rédigeant des énoncés d’examen en écriture inclusive et en proposant à leurs étudiants d’y répondre de la même manière. D’autres ont déclaré qu’ils risquaient de perdre leur charge d’enseignement s’ils refusaient d’utiliser ce type d’écriture.
Devant une telle situation, une seule réponse est possible : la loi, qui doit se prononcer avec clarté et fermeté sur ce sujet pour que chacun puisse s’y référer en toutes circonstances.
La proposition de loi que je défends aujourd’hui énonce un principe clair : l’interdiction du recours à l’écriture inclusive dans tous les cas où le droit exige un document rédigé en français. Elle complète ainsi utilement la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, qui énonce déjà que la langue française est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ».
L’interdiction de l’écriture inclusive s’appliquera à toute la sphère publique, comme les documents administratifs ou l’enseignement, mais aussi à une large partie du domaine privé, comme les documents commerciaux, la publicité ou les notices d’utilisation, tout en laissant bien évidemment un délai aux fabricants et distributeurs pour s’adapter au dispositif.
Ce texte vise également le monde du travail, puisque plusieurs dispositions du code du travail imposent l’usage du français dans le contrat de travail, le règlement intérieur, les documents comportant des obligations pour le salarié ou dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail, les conventions et accords collectifs.
Cette énumération n’est pas exhaustive : la disposition a vocation à s’appliquer de façon systématique dès lors que l’usage du français est exigé. Cela permettra d’appliquer les sanctions prévues par ces textes en cas de document rédigé en écriture inclusive : nullité de l’acte, sanction de l’agent public ou de l’enseignant.
Je remercie notre rapporteur Cédric Vial pour la qualité du travail qu’il a accompli au sein de la commission afin d’enrichir le texte, par exemple en incluant dans le dispositif les mots grammaticaux constituant des néologismes comme les pronoms de type « iel ».
Je salue également l’intégration de la proposition de loi déposée par notre collègue Étienne Blanc, qui prévoit que tout acte juridique qui contreviendrait à l’interdiction d’usage de l’écriture inclusive soit nul de plein droit.
Mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas un combat d’arrière-garde.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.
Elle ne vise d’autre objectif que celui de protéger la langue française de tous ceux qui veulent l’abîmer. Elle n’a d’autre ambition que de réaffirmer le droit de chacun au français, en plaidant pour une lisibilité démocratique de l’écrit.
J’attends du Président de la République qu’il soutienne activement cette initiative pour réaffirmer son attachement à notre langue.
Il a commencé à le faire ce matin, à Villers-Cotterêts, en appelant à « ne pas céder aux airs du temps », affirmant qu’il n’y a « pas besoin d’ajouter des points ou des tirets au milieu des mots pour rendre notre langue visible ». Je compte aussi sur vous, madame la ministre, pour mener ce combat à nos côtés.
« La langue française, d’ailleurs, est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler », écrivait Maupassant.
Inspirons-nous de ses mots pour combattre une idéologie qui met en péril la clarté et la distinction de notre langue.
Parce que le français est notre destinée commune et qu’il s’est montré essentiel pour souder la Nation et assurer sa pérennité, parce que nous sommes les dépositaires temporaires des mots et des voix qui ont sculpté la langue française par le passé, parce qu’il est de notre devoir de transmettre à nos enfants une langue compréhensible qui n’exclut pas les plus fragiles d’entre nous, je vous invite à vous prononcer avec conviction et détermination en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « La langue de la République est le français », dispose notre Constitution dès son article 2.
« La langue française garantit l’unité de la Nation, elle est une langue de liberté et d’universalisme », déclarait ce matin même le Président de la République lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts.
« La langue française est une femme », déclarait Anatole France pour dire son amour de cette langue.
Pourtant, pour les partisans de l’écriture dite inclusive, la langue française serait sexiste ; selon eux, elle serait le reflet de plusieurs siècles de domination masculine, amalgamant ainsi le genre grammatical avec le sexe de la personne – cette « personne » dont le genre grammatical est féminin, mais qui peut indifféremment désigner quelqu’un de sexe masculin ou féminin.
En revanche, convenons-en, la langue française est en situation de fragilité : triomphe de l’anglais et du franglais, baisse du niveau des élèves, recul de l’apprentissage du français dans le monde.
Madame la ministre de la culture, l’écriture dite inclusive pose aujourd’hui une question supplémentaire : faudra-t-il bientôt considérer la littérature française des siècles passés comme dépassée, car reflet d’une époque intrinsèquement sexiste ?
Mais finalement, de quoi parle-t-on ? C’est une question intéressante qu’il convient de se poser, car il n’existe pas de définition claire et inscrite dans le marbre de l’écriture dite inclusive ; il n’existe pas d’Académie de l’écriture inclusive.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons non pas d’interdire l’écriture inclusive, mais de « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive ». Il s’agit non pas d’interdire certaines pratiques rédactionnelles, tout à fait conventionnelles, bien qu’assimilées à cette écriture dite inclusive, mais de se garantir de certains abus et de protéger notre langue de certaines dérives.
Quelles sont ces pratiques ?
La féminisation des noms de métiers et fonctions ne pose évidemment aucune difficulté. Elle est acceptée aujourd’hui par tous, y compris, depuis 2019, par l’Académie française. Elle doit être promue.
L’usage de termes épicènes, identiques au féminin et au masculin – comme « les parlementaires » ou « les gens » –, ne pose pas non plus de difficulté.
La double flexion – mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs – ne pose pas davantage de difficulté, dès lors qu’il en est fait un usage approprié et non systématique, ayant pour finalité d’effacer tout emploi d’un masculin générique.
L’usage du point médian ou de tout autre signe de ponctuation, utilisé, par exemple, dans une forme plurielle dans laquelle le genre masculin devient générique ou pour se substituer à une double flexion, pose en revanche un problème et soulève des difficultés.
Les néologismes de formes neutres ou non binaires tels que « iel », « ul », « als », « toustes », « toux » ou « celleux », qui se développent de manière entropique, posent problème et soulèvent des difficultés.
Soyez-en sûrs, la créativité des partisans de l’écriture dite inclusive ne s’arrêtera pas là.
Sont parfois également préconisées des modifications des règles grammaticales, comme l’accord de proximité. On parlera ainsi « d’hommes et de femmes radieuses », l’accord se faisant avec le terme le plus proche.
L’écriture dite inclusive est loin d’être marginale. Je ne partage pas le point de vue selon lequel la question serait anecdotique et ne mériterait pas que nous en débattions : l’écriture dite inclusive se répand rapidement, particulièrement dans la sphère publique, notamment sous l’influence du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui en fait la promotion.
Le HCE, organisme placé auprès de la Première ministre, a publié un guide pratique qui sert de référence. Il recommande l’usage du point médian, et tend donc à en diffuser l’emploi, à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la circulaire de 2017 du Premier ministre Édouard Philippe.
À l’université, l’écriture dite inclusive est couramment répandue. On s’y rallie de plus ou moins bon gré, afin d’éviter d’être classé « réactionnaire » ou « rétrograde », pour utiliser la sémantique qui se veut culpabilisatrice de mon collègue de la Nup·e·s, Yan Chantrel. (
Les correspondances privées ne sont pas les seules à être concernées : des statuts d’université ont été ainsi rédigés ; un sujet d’examen en écriture inclusive non binaire a été récemment proposé à des étudiants de l’université Lyon II.
L’écriture non genrée est déjà très employée outre-Atlantique, ses promoteurs considérant l’écriture inclusive binaire comme rétrograde !
C’est toute la question de l’universalité du langage qui est ici posée, de sa capacité à représenter un monde commun, plutôt que de vouloir rendre visibles toutes nos différences.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
À quelles difficultés sommes-nous confrontés ? En premier lieu, l’écriture dite inclusive représente une menace pour l’intelligibilité et l’accessibilité de la langue.
Si nous parlons d’écriture dite inclusive, c’est que je réfute l’expression « écriture inclusive », laquelle ne possède, dans les faits, aucun des ingrédients de l’inclusion ; elle en vient même à produire l’inverse !
Alors que 11 % des jeunes participant à la Journée défense et citoyenneté (JDC) rencontrent des difficultés dans le domaine de la lecture, et que beaucoup de linguistes soulignent l’écart grandissant entre le français oral et le français écrit, l’écriture dite inclusive ne fait qu’aggraver ce constat.
Elle est en fait profondément excluante pour les 2, 5 millions de personnes considérées en situation d’illettrisme, pour les 6 % à 8 % de la population concernés par des troubles « dys », notamment la dyslexie, ou encore pour le million de personnes considérées comme aveugles ou malvoyantes. Pour toutes ces personnes, il n’y a pas de combat pour ou contre l’écriture dite inclusive, mais des difficultés supplémentaires et pratiques à résoudre. Pour eux, cette écriture est excluante.
Rappelons que l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi sont des objectifs de valeur constitutionnelle. À cet égard, l’écriture dite inclusive va à l’encontre de toutes les démarches de simplification administrative. Elle est en contradiction complète avec la démarche dite du Falc, le français facile à lire et à comprendre, méthode qui vise à rendre les publications plus simples et plus accessibles en les rédigeant dans un langage compréhensible par tous.
Par ailleurs, cette variation de notre langue ne répond pas à une demande et ne résulte pas d’une évolution spontanée du langage oral. C’est une nouvelle grammaire et une nouvelle syntaxe imposées de façon brutale par les militants de cette cause. Ce n’est donc pas une forme de langage neutre d’un point de vue politique : c’est une écriture militante.
Lors de nos auditions, il nous a été rappelé qu’il s’agissait d’un combat pour la cause féministe ou pour la cause LGBT. Dans tout combat, il y a des combattants…
… – c’est ainsi que s’imaginent ces militants – et des combattus – c’est ainsi que doivent être considérés tous les autres.
Il faut choisir son camp : celui des progressistes ou des conservateurs.
Beaucoup se rallient dès lors moins par conviction que pour ne pas être classés parmi les réactionnaires, madame Rossignol.
Cette remise en cause de la neutralité du langage n’est pas critiquable dans les correspondances privées, mais elle l’est dans les services publics, où les agents sont tenus à une obligation de neutralité religieuse et politique.
La langue, aidée de la liberté d’expression, est là pour permettre d’exprimer toutes les opinions, mais la langue elle-même n’est pas une opinion !
J’en viens maintenant aux deux propositions de loi. Le droit applicable est aujourd’hui constitué de deux circulaires : l’une, de 2017, ne concerne que les textes publiés au Journal officiel ; l’autre, rédigée en 2021, traite de l’enseignement.
Avec ces deux textes, le Gouvernement nous dit que le droit et l’enseignement sont des affaires trop sérieuses pour y laisser libre cours aux expérimentations linguistiques, soit, mais ce qui vaut pour les actes publiés au Journal officiel doit valoir pour tout acte juridique. Et ce qui est pertinent dans l’enseignement primaire et secondaire doit aussi l’être dans le supérieur.
Le texte de notre collègue Pascale Gruny présente le grand intérêt de s’inscrire dans un cadre juridique existant, celui de la loi Toubon, qui avait défini un certain nombre de textes et de documents dont l’accessibilité nécessitait leur rédaction en français. Ce texte, après son adoption, avait fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel.
Pour définir ce qu’il convient de bannir de l’écriture dite inclusive, c’est la définition donnée en 2017 par la circulaire du Premier ministre qui est ici reprise.
La commission a introduit trois types de modifications.
Premièrement, elle souhaite limiter certaines innovations d’ordre grammatical : sont visés les pronoms, prépositions, déterminants ou conjonctions de coordination constitués de néologismes dits neutres, tels que « iel », « als », « toustes » ou « celleux ».
Deuxièmement, elle a étendu l’interdiction aux publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public. C’est une question de neutralité et d’accessibilité, comme je l’ai déjà souligné.
Troisièmement, la commission a prévu, à compter de la promulgation de la loi, la nullité de plein droit de tout acte juridique non conforme, reprenant ainsi la proposition de notre collègue Étienne Blanc.
Mes chers collègues, je vous propose d’adopter ce texte dans sa rédaction issue des travaux de la commission.
Continuons, ainsi, de débattre et d’exprimer nos différences par la langue plutôt que dans la langue. Continuons de protéger la langue française, qui est notre bien commun. Continuons, enfin, de faire progresser l’égalité femmes-hommes là où elle est vraiment menacée.
Je souhaiterais conclure mon propos par la citation d’un ancien collègue, sénateur de la Seine et écrivain de talent : Victor Hugo, qui a siégé sur ces travées…
À gauche, oui. Vous faites bien de le rappeler !
Selon Victor Hugo, qui fut un grand défenseur des libertés et un promoteur acharné d’une langue vivante, sachant évoluer dans son époque, « Les langues meurent quand la logique de la langue s’altère, les analogies s’effacent, les étymologies cessent de transparaître sous les mots, une orthographe vicieuse attaque les racines irrévocables, de mauvais usages malmènent ce qui reste du bon vieux fonds de l’idiome. »
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Marie-Claude Lermytte et Annick Billon applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, cher Laurent Lafon, monsieur le rapporteur, cher Cédric Vial, madame le sénateur – puisque c’est votre souhait –, chère Pascale Gruny, nous voici réunis pour débattre de notre langue commune le jour de l’inauguration, par le Président de la République, de la Cité internationale de la langue française, premier lieu au monde dédié à la langue française, à Villers-Cotterêts, en Picardie, où François Ier a signé, en 1539, l’ordonnance qui a fait du français la langue des décisions de justice et des actes administratifs, afin de les rendre accessibles et intelligibles au plus grand nombre.
Le véritable enjeu était alors bien celui de l’égalité ; cette ordonnance marquait aussi la création de l’état civil.
Près de cinq siècles plus tard, nous voici rassemblés autour d’un sujet qui illustre une fois encore cette passion française autour de la langue. En tant que ministre de la culture, je ne peux que m’en réjouir : plus notre langue suscite des débats, des échanges, plus son importance est affirmée.
La langue française est à la fois la langue de l’unité, de la cohésion, celle qui fédère, qui rassemble, et la langue de la diversité, nourrie d’influences multiples, d’accents différents, d’une relation constante à nos langues régionales et aux autres langues du monde – une langue qui nous relie à 321 millions de francophones à travers le monde.
Légiférer sur notre langue, c’est toucher à notre bien commun le plus précieux. Les autres pays francophones regardent de près vos travaux ; c’est donc toujours un moment d’histoire, ce qui invite à la précaution et à la sagesse.
Que veut dire l’écriture dite inclusive ? Objet de polémiques depuis quelques années, elle recouvre différents procédés graphiques, syntaxiques, lexicaux et rédactionnels, visant initialement à assurer une égalité de représentation du genre féminin et masculin dans la langue.
Mais venons-en à la teneur de la proposition de loi qui nous occupe. La loi dite Toubon, que vous proposez ici de compléter, et dont nous célébrerons l’an prochain le trentième anniversaire, est le socle légal qui permet de garantir l’emploi de la langue française dans les principales circonstances de la vie quotidienne, conformément à l’article 2 de la Constitution, selon lequel, vous l’avez tous rappelé, la langue de la République est le français.
Elle garantit un droit au français pour nos concitoyens, dans l’enseignement, au travail, dans l’accès aux savoirs et à la culture, dans leurs rapports avec les services publics ou dans leurs pratiques de consommation. C’est une loi fondamentale, qui crée des obligations concernant l’emploi de la langue, mais non son contenu ou sa forme. Elle n’a pas vocation à imposer un usage correct ni standardisé du français, comme l’a reconnu lui-même Jacques Toubon, que vous avez récemment auditionné.
Votre proposition de loi vise à interdire l’écriture inclusive dans tous les documents dont le droit exige qu’ils soient rédigés en français, ce qui concerne le point médian, mais aussi les néologismes, sur lesquels je reviendrai.
Nous connaissons tous les difficultés attachées à l’emploi du point médian : la fragmentation des mots et des accords qu’induit cet usage rend la lecture plus difficile. La complexification de la graphie et l’impossibilité de la transcrire à l’oral constituent un véritable obstacle à l’apprentissage de la langue. Cette graphie suscite des incompréhensions chez nombre de nos concitoyens et peut mettre en difficulté les publics les plus fragiles, ceux que l’on considère en situation d’insécurité linguistique, mais également les plus âgés et les personnes dyslexiques ou malvoyantes.
C’est pourquoi le Gouvernement, quelques mois seulement après le début du précédent quinquennat, a posé des règles précises : la circulaire du Premier ministre Édouard Philippe du 21 novembre 2017 prohibe le recours au point médian dans les actes administratifs, tout en encourageant la généralisation de la féminisation des métiers et des fonctions.
Cette circulaire a été complétée dans le champ de l’enseignement par celle du 5 mai 2021 relative aux règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’éducation nationale et des pratiques d’enseignement. Le Gouvernement a donc, depuis longtemps, une position ferme et équilibrée sur le sujet : clarté et intelligibilité de la langue dans l’intérêt de nos concitoyens.
Ces deux circulaires ont posé les limites nécessaires sur un sujet complexe. Elles ont permis de concilier les enjeux de féminisation, d’inclusion et d’intelligibilité des messages pour les administrations de l’État et dans les pratiques d’enseignement.
Votre proposition de loi se distingue des circulaires précédentes en étendant l’interdiction à l’ensemble des personnes publiques, y compris les collectivités territoriales. Nous sommes favorables à cette partie de la proposition de loi, sous réserve de sa compatibilité avec la libre administration des collectivités territoriales.
Dans sa rédaction issue des travaux de commission, le texte prévoit d’étendre l’interdiction de l’écriture inclusive à tout contrat privé sous peine de nullité de plein droit. Le Gouvernement est très réservé sur cette disposition, qui concerne aussi bien les cas où il existe une obligation d’emploi du français imposée par la loi ou le règlement – les contrats de travail, par exemple – que ceux où il n’est aucune obligation juridique sur le plan linguistique. Cela reviendrait, par exemple, à interdire l’usage d’une graphie particulière dans des documents régissant des relations entre deux particuliers, comme un contrat de bail. Cette mesure nous semble excessive.
Rappelons aussi que le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a été saisi sur plusieurs articles de la loi de 1994, a opéré une distinction entre les personnes publiques ou chargées d’une mission de service public, auxquelles il est possible d’imposer l’usage d’une terminologie officielle, et les personnes privées, auxquelles une telle obligation ne peut être imposée en vertu de la liberté d’expression et de communication.
Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé, dans sa décision du 29 juillet 1994, que l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen implique « le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ; que la langue française évolue, comme toute langue vivante, en intégrant dans le vocabulaire usuel des termes de diverses sources, qu’il s’agisse d’expressions issues de langues régionales, de vocables dits populaires, ou de mots étrangers ».
L’interdiction du recours à des graphies inclusives ou à des néologismes grammaticaux par les personnes privées se heurterait ainsi au principe de liberté de pensée et d’expression protégé par notre Constitution.
Venons-en au sujet des néologismes, que vous souhaitez aussi exclure. Il me semble que nous dépassons ici la question de l’intelligibilité du langage pour aborder celle de ses évolutions.
Comme l’a rappelé le Président de la République ce matin, la langue française est mouvante, car elle est infiniment vivante. C’est une langue d’innovation, de création, en dialogue avec les évolutions du monde et de son époque. Sa force, sa vitalité, ce sont précisément ses mutations.
Une langue vivante évolue, c’est dans son essence même, et ces innovations peuvent donner place à une féminisation du langage à laquelle je suis favorable.
Je lisais cet après-midi, sur l’un des murs des salles de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, une citation de Victor Hugo : « la langue française n’est pas fixée, et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas. L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui. »
Je pense que l’on peut avoir confiance en l’inventivité de notre langue, étant précisé que des garde-fous nous protègent de la tentation des extravagances. La commission d’enrichissement de la langue française et l’Académie française travaillent ensemble pour approuver les termes nouveaux, veiller à leur cohérence et à leur harmonisation dans le temps long.
Notre langue, grâce à son inventivité, nous offre la possibilité d’inclure le genre féminin de mille manières.
En conclusion, oui à la préservation de la lisibilité et de la facilité de compréhension de notre langue, de son intelligibilité ; non au point médian, à toutes les complexités graphiques qui rendent la langue illisible.
Oui à la féminisation des noms de métiers, aux doubles flexions – sénateur, sénatrice ; auteur, autrice –, aux mots épicènes, qui permettent d’inclure tout le monde – hommes, femmes et ceux qui ne se sentent ni homme ni femme –, mais non à l’enfermement de la langue.
Mon rôle, en tant que ministre, votre rôle, en tant que parlementaires, n’est pas de contraindre l’évolution de la langue ni de nous ériger en police de la langue. Nous sommes garants de l’égalité devant la langue, et c’est là notre plus belle mission.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette proposition de loi.
M. Pierre Ouzoulias applaudit. – Marques d ’ ironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les « ingénieur·e·s » et les « ouvrier·e·s » « spécialisé·e·s » des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. »
Nul ne peut imaginer que le Général de Gaulle eût pu rassembler et gagner la guerre avec un discours si peu intelligible.
Outre le fait que l’écriture inclusive soit avant tout un acte de militantisme qui, sur le fond comme sur la forme, peut se révéler préjudiciable à la cause – le féminisme, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – qu’il veut défendre, son utilisation, en particulier l’emploi du point médian, entraîne une complexification inutile de la langue. Elle constitue un frein important à son apprentissage et à sa maîtrise. Elle rend impossible l’oralisation des textes, empêche la lecture à voix haute – vous venez de le constater – et la prononciation et a des conséquences néfastes sur les processus d’apprentissage, alors même que tous les enseignants s’accordent à dire que la baisse du niveau en français s’accentue.
Par ailleurs, est-il nécessaire de rappeler, comme l’indique l’Académie française, que les règles de l’écriture dite inclusive excluent certains groupes, notamment les personnes souffrant de handicaps cognitifs, et qu’elles restreignent le débat sur des questions linguistiques. En outre, n’étant universellement ni reconnues ni comprises, elles favorisent l’anglais comme langue dominante dans la francophonie.
Pour ces seules raisons, nous pourrions souhaiter que s’applique la proposition de loi déposée par Mme le sénateur Pascale Gruny visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive.
Toutefois, deux circulaires encadrent déjà le sujet.
L’une, du 21 novembre 2017 du Premier ministre Édouard Philippe, relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française, indique que : « Les textes qui désignent la personne titulaire de la fonction en cause doivent être accordés au genre de cette personne. Lorsqu’un arrêté est signé par une femme, l’auteure doit être désignée, dans l’intitulé du texte et dans l’article d’exécution, comme “la ministre”, “la secrétaire générale” ou “la directrice”. »
Il y est par ailleurs rappelé que l’intitulé des fonctions occupées par une femme doit être systématiquement féminisé et qu’il convient, dans les actes de recrutement, de « recourir à des formules telles que “le candidat ou la candidate” ».
Enfin, cette circulaire invite à proscrire l’écriture inclusive et l’emploi d’une graphie faisant apparaître une forme féminine en sus de la forme masculine.
L’autre, du 5 mai 2021 du ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, réaffirme que la conformité aux règles grammaticales et syntaxiques est de rigueur et qu’elle s’impose dans le cadre de l’enseignement, tout en confortant la féminisation des noms de métiers et de fonctions.
Si nous nous associons à la volonté de notre collègue, la sénatrice Gruny, …
Sourires.
Mêmes mouvements.
Il nous semble plus pertinent d’envisager l’élargissement du périmètre de ces deux circulaires que d’adopter une nouvelle loi spécifique sur l’écriture inclusive, d’autant que l’application de ce texte aux personnes privées risque de s’avérer inconstitutionnelle.
Pour toutes ces raisons, notre groupe, dans sa grande majorité, s’abstiendra sur cette proposition de loi.
Marques d ’ ironie sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
M. Yan Chantrel. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, chères collègues, chers collègues, alors que nos compatriotes subissent hausse du coût de la vie, crise du logement et difficultés d’accès aux soins, que la guerre sévit aux portes de l’Europe et que le conflit israélo-palestinien menace d’embraser le monde, la droite sénatoriale n’a pas trouvé mieux que de légiférer sur des marques de ponctuation !
M. Francis Szpiner applaudit et ironise.
Faute de pouvoir répondre aux préoccupations des Françaises et des Français, la droite sénatoriale nous inflige ses lubies rétrogrades et réactionnaires
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Attardons-nous sur l’enjeu de ce débat : pourquoi le langage non sexiste, ou langage égalitaire, a-t-il émergé et pourquoi est-il nécessaire ?
En 2023, la France se situe seulement au quarantième rang du classement des pays en matière d’égalité des sexes effectué par le Forum économique mondial. Pis, elle se classe au quatre-vingt-deuxième rang dans la catégorie spécifique concernant l’écart des revenus entre sexes.
Trois fois plus nombreuses que les hommes à être embauchées à temps partiel, les femmes ne perçoivent toujours que 75 % en moyenne du salaire de leurs homologues masculins.
Malgré les lois votées ces vingt dernières années, qu’il s’agisse de la loi Génisson relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; de la loi Copé-Zimmerman relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle ou de la loi Rixain visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, les comités exécutifs des 120 plus grosses sociétés françaises ne comptent toujours que 26 % de femmes. Seules trois entreprises du CAC 40 sont dirigées par une femme.
De même, dans notre assemblée, nous ne comptons que 126 sénatrices pour 348 élus, soit 36 %.
Ce taux ne progresse plus, puisqu’il était de 35 % avant le renouvellement sénatorial de 2023.
Comment s’explique ce plafond de verre ? Si nos politiques publiques n’ont qu’une efficacité limitée, c’est parce qu’elles sont mal appliquées et pas suffisamment accompagnées de sanctions, mais c’est aussi parce que les représentations et les stéréotypes sexistes, qui sont autant d’obstacles à l’égalité entre les femmes et les hommes, perdurent dans notre société. Or ces représentations passent par notre langue et par l’usage que nous en faisons.
C’est pourquoi il est important d’adopter un langage non sexiste, un langage inclusif, c’est-à-dire un « ensemble d’attentions lexicales, syntaxiques et graphiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes », conformément à la définition du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
C’est cette aspiration à l’égalité que prévoit d’interdire le présent texte. Interdire, prohiber, bannir, éliminer, annuler : revoilà donc les apôtres de la cancel culture.
Au-delà des considérations techniques que contient ce texte, sur lesquelles nous reviendrons au cours du débat, il faut bien avoir en tête le fond de la pensée de M. Blanc et de Mme Gruny pour comprendre les intentions que traduisent leurs propositions de loi respectives, que le rapporteur a fusionnées en un seul texte.
Dans son exposé des motifs, M. Blanc écrit : « Notre pays est la proie de revendications diversitaires et victimaires toujours plus véhémentes. L’exigence d’une langue “féminisée” est l’une de ces revendications. Il est de notre devoir de nous y opposer. » C’est écrit noir sur blanc : la cible de ce texte, c’est la féminisation de la langue et de la société. Dans la langue, comme ailleurs, il faudrait pour M. Blanc que le masculin continue de l’emporter sur le féminin.
Ah ! sur les travées du groupe LR.
Ce texte, s’il était adopté, conduirait à interdire non seulement le point médian et le pronom « iel », mais également toutes les ponctuations médianes, comme les parenthèses que l’on trouve sur les cartes d’identité, qui seraient rendues caduques, …
… ainsi que « les pratiques rédactionnelles (…) visant à substituer à l’emploi du masculin (…) une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine », ce qui inclut les doubles flexions, comme « les sénatrices et les sénateurs ».
Ce que rejette la droite sénatoriale, c’est non seulement l’usage de formes féminines, mais leur existence même. Cachez ce féminin que je ne saurais voir !
Chers collègues, l’usage précède la norme et non l’inverse. Vous aurez beau dresser toutes les barrières et mettre toutes les œillères qu’il vous plaira, la langue française appartient non pas aux législateurs et aux législatrices que nous sommes, mais aux locuteurs et aux locutrices francophones qui la font vivre !
J’étais présent ce matin à l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts. Dans ce magnifique écrin, on célèbre la vitalité d’une langue française en perpétuelle évolution depuis des siècles, une langue parfaitement équipée pour le féminin, comme le prouve l’existence des mots « autrice », « mairesse » ou « commandante » depuis le Moyen Âge ; une langue qui n’a jamais eu peur des abréviations comme en attestent tous nos pluriels en « x » ; une langue qui s’enrichit depuis toujours de ses néologismes.
Je conclurai sur ces mots de Victor Hugo, dans la préface de Cromwell, que vous avez cité, madame la ministre : « Les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent ».
Nous voterons contre cette proposition de loi rétrograde, car vouloir figer la langue française, c’est la faire mourir.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa Lettre ouverte sur l ’ écriture inclusive, publiée le 7 mai 2021, l’immortelle Hélène Carrère d’Encausse écrivait : « Une langue procède d’une combinaison séculaire de l’histoire et de la pratique, ce que Lévi-Strauss et Dumézil définissaient comme “un équilibre subtil né de l’usage”. En prônant une réforme immédiate et totalisante de la graphie, les promoteurs de l’écriture inclusive violentent les rythmes d’évolution du langage selon une injonction brutale, arbitraire et non concertée, qui méconnaît l’écologie du verbe. »
Je pourrais arrêter ici mon intervention puisque tout est dit !
Oui, l’écriture dite inclusive menace la langue française, celle que Maurice Druon comparait à une horlogerie suisse qui marque toujours l’heure exacte : « une horlogerie de la pensée » avait-il écrit.
L’écriture inclusive trouve ses racines dans une politique plus générale de reconnaissance de la primauté des identités. C’est une idéologie mortifère, imposée par les campus américains ou ceux d’Europe du Nord. Sous prétexte d’égalité des sexes, elle vise à détruire le français en s’inscrivant dans une culture woke, une culture qui vise plus largement à contester notre modèle de civilisation.
Un exemple : pour les tenants du wokisme, la fonction neutre du masculin participe à l’occultation des femmes. Notre langue française serait donc sexiste ; par conséquent, il faut la détruire.
Pourtant, sur cette question de la neutralité du masculin, Georges Dumezil et Claude Levi-Strauss rappelaient dès 1984 qu’il n’existait dans la langue française « aucun rapport d’équivalence entre le genre grammatical et le genre naturel ».
Par effet de convention, l’usage du masculin générique correspond au neutre, et simplement au neutre, sans qu’aucune volonté de domination d’un sexe sur un autre ne découle de ce choix.
L’Académie française rappelle utilement que l’usage du masculin neutre – et il en serait de même si le féminin avait été neutre – permet de souligner qu’il y a du commun entre les deux sexes et que les hommes et les femmes ne sont pas deux espèces à jamais séparées. Elle rappelle également : « La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’induit [l’écriture inclusive] aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. »
Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé dans son discours, ce lundi 30 octobre à Villers-Cotterêts, sitôt contredit par Mme Rousseau, qui s’offusque de ce qui est pourtant une évidence.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 était courte : deux simples articles liaient la vie publique de la France avec l’usage scrupuleux du français.
L’article 110 prévoyait : « Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence des [arrêts de justice], nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ni lieu à demander interprétation. »
L’article suivant indiquait : […] nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, […], soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement. »
Voilà un modèle de clarté qui devrait inspirer et plus encore contraindre les législateurs que nous sommes, si enclins à sombrer dans un charabia juridique et un bavardage devenus aussi incompréhensibles qu’inutiles.
C’est pour cette raison que j’avais déposé une proposition de loi très courte, constituée d’un article unique de trois lignes, qui visait à déclarer nul tout acte juridique comportant l’usage de l’écriture inclusive.
Monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu reprendre ma proposition de sanction de nullité et je vous en remercie. Vous avez, par votre travail, complété utilement le texte de Mme Gruny, en précisant à l’extrême ce qu’est l’écriture inclusive, pour aboutir à un texte absolument remarquable.
Cette nullité apporte à la proposition de loi de Mme Gruny une redoutable efficacité.
Il sera loisible à tout citoyen de saisir le juge pour obtenir la nullité d’un acte civil, commercial ou administratif. Il n’est pas de sanction plus redoutable en droit que la nullité.
Ce faisant, nous parviendrons à chasser l’écriture inclusive de notre patrimoine commun qu’est la langue française, ce bien si précieux hérité de notre longue histoire.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis nuitamment pour l’examen d’une proposition de loi qui aurait fait sourire il y a encore dix ans, mais qui, du fait de l’accélération de l’histoire et de l’amplification des phénomènes de déconstruction de notre société, apparaît aujourd’hui nécessaire.
Cette discussion générale vient néanmoins à point nommé puisque, aujourd’hui même, le Président de la République en personne a déclaré dans un discours, à l’occasion de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts – ville excellemment bien gérée par un maire du Rassemblement national –, qu’il ne fallait pas « céder aux airs du temps » et qu’il convenait de « garder aussi les fondements [de la langue française], les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe ».
Certes, l’on peut parfois douter de la sincérité des convictions de l’intéressé, mais il faut aussi se féliciter quand celles-ci vont dans le bon sens.
C’est d’ailleurs au nom de ce bon sens que l’Académie française, garante de notre langue, émettait en 2017, à l’unanimité, une solennelle mise en garde face à la diffusion virale de cette écriture prétendument inclusive. Ainsi écrivait-elle : « La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques que cette écriture induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs. » L’ancien professeur que je suis ne peut qu’approuver un tel constat.
Mais ne nous y trompons pas, les fondements de l’écriture inclusive ne relèvent pas, comme voudraient nous le faire croire ses partisans les plus habiles, d’une entreprise de modernisation, d’évolution, d’adaptation de la langue française aux temps actuels. Ils sont une démarche idéologique, une entreprise politique, concertée et méthodique, de déconstruction de la langue française.
Cette entreprise repose sur un confusionnisme linguistique, fondé sur la croyance naïve que le langage doit refléter ce qu’il désigne, sur une vision dévoyée de l’égalité entre les hommes et les femmes, sur un communautarisme rampant ou clairement proclamé qui ramène chacun à sa communauté d’appartenance au lieu de viser le sentiment d’appartenance à une humanité commune. En ce sens, l’écriture prétendument inclusive est un défi aux universaux de la République française.
Elle est aussi un défi au rayonnement de notre langue, et par là de notre pays, dont nous ne sommes que les héritiers et les légataires et que nous avons pour mission sacrée de protéger et de transmettre aux générations futures et aux 300 millions de francophones de par le monde.
À l’heure de la mondialisation, où l’uniformisation semble être l’horizon délétère, quel serait l’avenir d’une langue qui s’empêcherait elle-même par ce redoublement de complexité, face à un « globish » si puissant et simple à utiliser, lequel gagne déjà notre jeunesse ?
C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national avait déposé une proposition de loi similaire à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines. En commission, les sénateurs du groupe Les Républicains avaient voté pour cette proposition de loi, mais aucun d’entre eux n’avait eu le courage d’être présent en séance ni même de participer à la discussion générale. Résultat : notre proposition de loi a été rejetée par le groupe Renaissance, allié à la Nupes.
Nous, nous ne faillirons pas, et nous apporterons notre soutien à cette proposition de loi, au nom du bien commun et de l’intérêt supérieur de notre pays.
MM. Christopher Szczurek et Joshua Hochart applaudissent.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France excelle toujours dans ce genre de polémique inutile, mais essentielle, car lancée par une minorité de militants décidés à enflammer le débat public et à semer la division quand notre belle langue devrait nous rassembler.
Si l’écriture dite inclusive semble partir d’un bon sentiment, elle est en réalité contre-productive. Elle n’est évidemment pas à la hauteur des enjeux liés à la nécessaire égalité entre les femmes et les hommes, laquelle ne se limite pas à un « e » final séparé par un point.
De plus, cette écriture s’accompagne d’un saccage de la grammaire française, construite au fil du temps et patinée par les usages. Elle constitue pour beaucoup un obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit.
Le texte que nous étudions aujourd’hui vise à préserver la lisibilité, la compréhension et la richesse de notre langue.
Comme cela a été rappelé, nombre de jeunes ne savent ni lire ni écrire à leur entrée en classe de sixième. Interrogez aussi quelques enseignants à l’université et ils vous diront de quelle situation dramatique ils héritent.
Nous sommes conscients que notre langue est malmenée depuis des décennies par des méthodes d’apprentissage sur lesquelles le ministre de l’éducation nationale est revenu, non sans un certain courage. Mais il faudra quelques générations pour que nos enfants maîtrisent à nouveau leur langue maternelle.
Si le partage d’une langue est un facteur essentiel d’union, il ne doit pas être un facteur d’exclusion. N’en rajoutons pas !
Avant d’introduire dans notre langue, au nom d’une idéologie, les artifices du langage inclusif, donnons la priorité à l’apprentissage des bases de l’orthographe et de la grammaire et transmettons modestement le goût tout simple de la lecture.
Qu’une élite souhaite partager ce langage, fort bien. Il ne s’agit pas d’interdire son usage : nous ne sommes pas des censeurs. En revanche, précisons, comme le prévoit ce texte, que les représentants du secteur public ne sont pas autorisés à utiliser l’écriture inclusive.
J’en profite pour vous demander, madame la ministre, le bilan de la circulaire du 21 novembre 2017 du Premier ministre Édouard Philippe relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française, laquelle déconseillait l’usage de l’écriture inclusive, et de celle de Jean-Michel Blanquer du 5 mai 2021.
Aujourd’hui, le Président de la République était à Villers-Cotterêts, dans mes chers Hauts-de-France, à l’occasion de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française. Il a déclaré, à propos de la langue française, qu’il fallait « garder la force de sa syntaxe » et « ne pas céder aux airs du temps ». Si je ne peux que souscrire à ses propos, je m’interroge sur l’efficacité de ces deux circulaires, puisque six ans plus tard, le développement de l’écriture inclusive inquiète le Président de la République.
Madame la ministre, je sais que l’on nous apprenait que le masculin l’emporte sur le féminin, mais permettez-moi, en conclusion, de reprendre à mon compte la formule d’un sénateur honoraire, qui se reconnaîtra, prononcée lors d’un débat sur le thème de l’écriture inclusive organisé sur l’initiative du groupe Les Indépendants en 2021 : « Je n’ai pas oublié […] que les valeurs qui nous animent sont les principes de la République, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, quatre féminins dont [personne] ne revendique la masculinisation ! »
Au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, j’accueille donc favorablement ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2024, la loi Toubon aura 30 ans. Ce texte, et avant lui l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, mise à l’honneur aujourd’hui, garantit à nos concitoyens un « droit au français ». Hasard du calendrier, le président Emmanuel Macron inaugurait ce jour la Cité internationale de la langue française.
Nous examinons la proposition de loi de notre collègue Pascale Gruny visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive. Ce sujet fait débat et est source de divergences, vous l’aurez compris. Ce débat est non pas linguistique, mais idéologique et sociétal.
Les défenseurs de l’écriture inclusive affirment que la langue et la pensée sont liées. En modifiant la langue, en la rendant plus inclusive, on favoriserait l’égalité entre les femmes et les hommes. Une société qui inclurait les femmes dans son langage les inclurait dans son fonctionnement. Permettez-moi d’en douter !
Est-ce à dire que les pays qui ont recourt au pronom neutre sont plus égalitaires et inclusifs à l’égard des femmes que les pays francophones ? Les femmes ne sont pas mieux considérées chez nos amis anglophones, et ce malgré une langue on ne peut plus inclusive, puisque non genrée. Le chinois et le turc sont également des langues qui n’appliquent pas l’accord masculin-féminin. Pour autant, la Chine et la Turquie ne sont ni connues ni reconnues pour être des modèles d’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans la langue française, le recours au masculin n’a pas vocation à occulter le féminin. Je me dois de rappeler qu’en français le masculin est le genre non marqué qui peut jouer le rôle d’un neutre. Comme dans bien d’autres langues, le masculin a valeur générique et peut être utilisé quand le sexe de la personne n’est pas à prendre plus en considération que ses autres particularités individuelles. Au contraire, ajouter un suffixe féminin à la fin du nom masculin, c’est ne présenter les femmes qu’à moitié, comme accessoires.
La condition des femmes n’est pas une histoire d’orthographe. Nous ne devons pas la réduire à cela. La condition des femmes évoluera grâce non pas à un point médian, mais à des programmes de lutte contre les violences conjugales, à des cours d’éducation à la vie affective et sexuelle adaptés, à une prise en charge qualitative de leur santé, à la recherche de l’égalité salariale et à la protection de leurs droits fondamentaux.
C’est tout l’intérêt du travail que j’ai mené pendant mes six années en tant que présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. J’ai la conviction que l’écriture inclusive n’aurait pas fait avancer les combats que la délégation a menés, qu’il s’agisse de lutter contre les violences sexuelles et sexistes, d’en finir avec les zones blanches de l’égalité, de défendre la place des femmes dans l’entreprise et dans la fonction publique, d’améliorer la santé des femmes au travail ou de dénoncer les dangers de l’industrie pornographique.
Nos travaux ont permis de donner la parole aux femmes, de plonger au cœur des discriminations et d’aller chercher les maux à la source afin de mieux les soigner.
Nos travaux ont abouti à des mesures concrètes. Je pense, par exemple, à la récente adoption de la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, que j’ai présentée avec Martine Filleul et Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes.
Enfin, je tiens à alerter sur les conséquences de l’utilisation de l’écriture inclusive. Selon une étude du ministère de l’éducation nationale publiée en juin dernier, un jeune français sur neuf a des difficultés de lecture et près de la moitié d’entre eux sont en situation d’illettrisme.
Souhaitons-nous vraiment aggraver ces chiffres ? L’écriture dite inclusive est en réalité une langue d’exclusion pour plusieurs millions de personnes en France – environ 10 % de la population sont concernés. L’écriture inclusive est compliquée à appréhender et à manier, surtout pour nos concitoyens présentant des difficultés ou des handicaps tels que la dyslexie.
D’autant que l’écriture inclusive n’est pas la seule forme d’écriture alternative. Si nous normalisons le recours à l’écriture inclusive, nous ouvrons la porte à l’écriture non binaire et aux autres formes qui pourraient émerger. Il ne serait alors plus question de suivre l’évolution de la langue, mais, au contraire, de la réécrire complètement.
Mes chers collègues, le français est un trésor national que nous devons préserver. C’est notre patrimoine.
Selon le linguiste et cofondateur du dictionnaire Le Petit Robert, Alain Rey, l’écriture inclusive est inutile, parce qu’elle ne peut se représenter à l’oral. Un texte en écriture inclusive qui ne peut se parler, quelle aberration !
En conclusion, je tiens à saluer le travail du rapporteur Cédric Vial, qui a permis de préciser le texte par l’adoption de deux amendements en commission.
Le groupe Union Centriste entend donc mettre non pas un point médian, mais un point final à ce débat en votant cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Karine Daniel applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce soir, nous examinons une proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive, un texte qui n’est pas sans rappeler la proposition de loi du Rassemblement national débattue dans le cadre de sa niche parlementaire à l’Assemblée nationale, le 12 octobre dernier.
On m’avait dit qu’au Sénat on respectait et on privilégiait le travail de fond. Or la première proposition de loi sur laquelle je dois me pencher est un texte démagogique…
… ayant pour objet d’interdire l’usage de l’écriture inclusive.
À l’heure où nous sommes frappés par les urgences et les crises d’ampleur internationale, nous sommes en droit de nous interroger sur votre sens des priorités. Selon toute vraisemblance, vous êtes davantage préoccupés de réaliser au Sénat ce que l’extrême droite fait à l’Assemblée nationale.
Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.
… intéressons-nous réellement à cette écriture qui déchaîne les passions de la droite et de l’extrême droite.
L’écriture inclusive est un outil de féminisation et d’inclusivité de la langue. La question du point médian monopolise souvent les débats.
Pourtant, il est important de rappeler ici qu’il n’est qu’une composante de l’écriture inclusive. Celle-ci est riche de ses pratiques multiples
Mme Françoise Gatel s ’ amuse
Au cours des derniers siècles, la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin s’est progressivement imposée dans l’écriture de notre langue. Voilà trois siècles, Nicolas Beauzée, ancien professeur et académicien, justifiait ainsi cette domination : « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »
Marques d ’ ironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
J’y insiste : « à cause de la supériorité du mâle sur la femelle » ! Voilà le type de discours qui a contribué, il y a quelques siècles, à imposer cette règle de grammaire.
Ainsi, j’ai décidé de faire de ce discours une ode à l’égalité. §Oui, parler d’écriture inclusive, c’est en réalité évoquer ce chemin vers l’égalité femmes-hommes.
Et lorsque des linguistes, des féministes, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, la Belgique ou encore le Canada préconisent l’utilisation de l’écriture inclusive en français, que faites-vous ? À rebours de l’histoire, vous souhaitez l’interdire.
L’écriture inclusive n’est pas une obligation. Mais lorsque les femmes se révèlent moins enclines à répondre à une annonce de recrutement qui utilise le masculin générique
Mme Pauline Martin le conteste
Nous, écologistes, progressistes, féministes, sommes favorables à l’usage de l’écriture inclusive, non pas par dogmatisme, mais parce que cette pratique est un levier indispensable pour la visibilité des femmes et des minorités de genre dans notre langue.
Entendez bien là, mes chers collègues : ni menace ni révolution. L’écriture inclusive invite simplement à prendre le chemin de l’inclusivité. Elle vient bousculer la domination masculine présente dans notre écriture depuis des siècles. Il est temps de ne plus apprendre aux petites filles et aux petits garçons « que le masculin l’emporte sur le féminin ». Il est temps que, sur les premiers actes administratifs, les bébés filles ne soient plus « né(e)s ».
La langue transcrit le réel. Elle n’est pas immuable, elle est constamment en mouvement, elle évolue avec son temps et reflète les progrès de notre société. Elle transmet une culture, une histoire. L’histoire française de ces derniers siècles est marquée par le patriarcat. L’écriture inclusive fait partie de la solution pour le combattre.
Vous vous battez contre l’utilisation d’un point ; nous nous battons pour avancer vers une société plus égalitaire et plus inclusive.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
M. Pierre Ouzoulias . Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, mes chers collègues, en préambule, je dois évoquer le paradoxe qui consiste à débattre de formes typographiques et grammaticales qui ne s’entendent pas et qui ne seront pas transcrites dans les comptes rendus de notre séance.
Sourires.
Personnellement, je ne sais ni lire ni écrire l’écriture dite inclusive et, collectivement, les collègues de mon groupe estiment qu’il n’est point besoin d’ajouter de la complexité à une langue écrite qui est de moins en moins maîtrisée par les élèves.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.
(Sourires.) de ces événements pour nous interroger sur son application et sur la lente régression de l’usage du français.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Toutefois, le jour de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, et bientôt trente ans après le vote de la loi relative à l’emploi de la langue française, il eût été de bonne politique que nous profitassions §
Reconnaissons-le, mes chers collègues, notre langue est de plus en plus corrompue par des anglicismes et des barbarismes.
Jusque dans notre hémicycle et au sommet de l’État sévit une forme de volapük qui compromet l’intelligibilité du discours public.
Le dessein politique de l’ordonnance de Villers-Cotterêts était de laïciser la langue française en proscrivant le latin. Historiens et juristes débattent toujours pour déterminer si le « langage maternel français » de l’ordonnance désigne le français ou les langues écrites en France. Il est fort probable que l’usage imposé du français s’inscrive plutôt dans la volonté révolutionnaire de rompre avec l’Ancien Régime.
Je note ainsi, cum grano salis, que la présente proposition de loi n’est pas sans rappeler le décret du 2 thermidor an II
Sourires.
La Constitution de la Ve République est plus sage quand elle déclare, depuis la réforme constitutionnelle de 1992, que « la langue de la République est le français ». Cela ne veut pas dire que le français est la langue de toute la France et il ne faudrait pas qu’une entreprise de normalisation poussée du français puisse ébranler le statut toujours fragile des langues régionales.
Par sa décision du 29 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a clairement établi que l’État et ses administrations publiques pouvaient se prescrire des normes typographiques et lexicographiques. En revanche, il a censuré la loi Toubon en considérant que le législateur ne pouvait imposer « à des personnes privées […] l’obligation d’user […] de certains mots ou expressions définis par voie réglementaire ». En conséquence, je doute fort que l’article 2 de la présente proposition de loi respecte cette jurisprudence constitutionnelle.
De façon plus générale, appartient-il au seul législateur français d’édicter des normes pour une langue utilisée par 300 millions de personnes, dont une majorité d’Africains ? La francophonie mérite mieux que cette petite querelle française sur une extravagance typographique, tout à fait évanescente, et son prétendu radicalisme.
Refusant de trancher cette question inepte, nous ne participerons pas au vote. En revanche, madame la ministre, nous souhaitons vivement la tenue d’un grand débat sur l’application de la loi Toubon et sur la place du français dans le monde.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDPI, ainsi que sur des travées des groupe SER et RDSE. – Mme Françoise Gatel et M. Marc Laménie applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Michel Canévet applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la langue française pourrait offrir un terrain d’entente aux hommes et aux femmes politiques. Ce fut le cas lors du vote unanime de la loi dite Bas-Lauriol, en 1975. Ce le fut bien moins lors du vote confus et querelleur de la loi Toubon, en 1994, qui provoquait déjà la polémique.
Il est nécessaire de rappeler que l’examen de ce texte s’inscrit d’abord dans un débat sociétal qui, au-delà de l’inclusivité de notre langue, a plus globalement trait au combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’à la reconnaissance des identités de genre.
Il est alors légitime de se demander si notre langue doit être le reflet de nos évolutions sociales. Par définition, le français est une langue vivante. À quoi l’écriture inclusive répond-elle ? À une demande de la population ? À une évolution spontanée de notre langage oral ? N’ayons garde de faire de la langue française un instrument de propagande politique et militante, un outil clivant au service d’une idéologie.
Si l’écriture inclusive peut revêtir plusieurs formes, il faut objectivement reconnaître qu’elle devient, dans la plus sophistiquée d’entre elles, source de multiples et nouvelles inégalités.
Nous devons opposer à la nécessaire féminisation de notre langue au travers de la double flexion, du recours à des termes dits épicènes et de l’accord des métiers, titres, grades ou fonctions avec le genre de la personne concernée, la menace que l’écriture inclusive représente pour l’intelligibilité et l’accessibilité de notre langue par l’usage du point médian ou de néologismes à la sémantique perfectible et source supplémentaire d’exclusion scolaire et de stigmatisation.
La loi n’a pas pour mission de régir la langue, ni son usage, ni sa qualité, ni son contenu. Elle fixe les règles nécessaires à son emploi collectif. Jacques Toubon l’a rappelé : il n’y a pas lieu de légiférer sur une variante du français.
Le français est la langue de la République. Si la République a l’obligation d’écrire un français intelligible, l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen interdit au législateur d’imposer l’usage obligatoire d’une terminologie officielle aux personnes privées.
Nous nous interrogeons sur le véhicule législatif employé. En la matière, le Gouvernement doit faire face à ses responsabilités, s’assurer de la bonne application du droit en vigueur et apporter les modifications nécessaires. Je pense ici aux dérives extrêmes de l’écriture inclusive dans les laboratoires que sont nos universités – ces dérives doivent être encadrées par de nouvelles circulaires.
Le débat sur l’inclusivité de la langue française doit contribuer à une prise de conscience d’une large partie de l’opinion, ce qui est, après tout, le meilleur service que l’État puisse lui rendre.
Si nous voulons conserver au français sa vocation universelle, celui-ci doit exprimer toutes les réalités, toutes les notions nouvelles. L’usage gouverne la langue. La langue évolue, s’enrichit de termes nouveaux empruntés aux langues étrangères, aux langues régionales, à l’argot ou à l’invention linguistique. À nous d’imposer à la sphère publique les arbitrages jugés nécessaires, justes et proportionnés.
Le groupe RDSE estime qu’il est possible de défendre la langue française en tant que langue vivante, qui évolue, sans pour autant être qualifié de conservateur. Nous ne souhaitons pas entrer dans un débat où prises de position partisanes, critiques systématiques et absence de toute forme de nuance font foi.
Certains membres de notre groupe sont fermement opposés aux excès de l’écriture inclusive ; pour d’autres, la forme que ce combat revêt au travers du texte semble disproportionnée. Aussi nos suffrages se répartiront-ils entre abstention et vote pour.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un texte important, qui va bien au-delà de simples sujets économiques, sociaux ou budgétaires.
La manière dont nous parlons, la manière dont nous écrivons est bien plus qu’un code normatif : c’est un code humain, civilisationnel, qui en dit long sur ce que nous sommes.
Attenter au vocabulaire ou à sa syntaxe, c’est déconstruire notre langue et, au-delà, les relations humaines. Une langue n’est pas un caprice arbitraire, c’est un pacte qui permet aux hommes et aux femmes de vivre ensemble, un pacte qui suppose des règles objectives qui doivent être respectées.
Depuis quelques années, nous assistons à la prolifération de ces usages qui entendent adapter notre graphie. Sous prétexte de féminisation, ils visent à remplacer l’emploi du masculin par une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine. Au nom de cette prétendue modernité apparaissent des expressions lourdes et sans beauté.
L’écriture inclusive présuppose une lecture idéologique de l’évolution de la langue. Au cours de l’évolution qui a conduit à la langue française telle que nous la connaissons aujourd’hui, le genre neutre a été absorbé par le genre masculin : ce n’est pas une histoire de misogynie. La circulaire du 21 novembre 2017 reconnaissait d’ailleurs que « le masculin est une forme neutre ».
Il existe certainement d’autres manières d’affirmer l’égalité entre les hommes et les femmes que de détricoter notre belle langue. On ne résout pas une problématique professionnelle par un faux débat.
Non, l’écriture inclusive n’est pas une évolution normale de la langue française. Ce n’est pas une démarche similaire au passage du latin aux langues vernaculaires ou de l’ancien français au français actuel avec l’apparition d’une forme écrite. Ce n’est pas même une évolution tout court ; c’est une démarche militante alimentée par l’idéologie et imposée brutalement.
L’écriture inclusive est non pas une demande de ceux qui écrivent, mais un choix imposé par des cénacles restreints au nom d’une conception dévoyée de la modernité. C’est un mauvais signe envoyé à tous ceux qui apprennent le français ou qui veulent devenir Français. Pour les jeunes qui ont parfois des difficultés à apprendre et à maîtriser notre langue, ce sera non pas une écriture inclusive, mais une écriture exclusive, qui ne leur donnera certainement pas le goût de la lecture. Cela risque même de renforcer l’anglais.
Contre ce choix arbitraire et idéologique, nous ne pouvons que déplorer une certaine impuissance publique.
Les circulaires de 2017 et de 2021 n’ont pas eu les effets escomptés, peut-être parce qu’elles n’étaient pas les textes idoines au regard de notre hiérarchie des normes. À un certain moment, c’est au législateur qu’il appartient de prendre ses responsabilités.
Voilà quelques mois, à l’occasion d’un contentieux concernant une collectivité locale, le juge administratif s’était retranché derrière le silence de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, qui dispose que la langue française est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ». Il fallait donc remédier à cette anomalie en rappelant que les textes qui imposent la langue française excluent l’usage de cette graphie dénaturante.
Pour cette raison, la présente proposition de loi dispose que les documents qui doivent être rédigés en français, en application de la loi de 1994 ou d’une autre disposition législative ou réglementaire, ne sont pas réputés répondre à cette exigence en cas de recours à l’écriture inclusive. Cela méritait d’être inscrit dans la loi, qui s’impose au juge et à l’administration. Je m’en réjouis d’autant plus que ce texte est le fruit d’une démarche sénatoriale lancée par mes collègues Pascale Gruny et Étienne Blanc, que je salue.
La décision du Conseil constitutionnel du 21 mai 2021 sur la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion avait censuré, au nom de la Constitution, l’usage de signes diacritiques dans la transcription des actes de l’état civil. Pour le Conseil constitutionnel, cela conduirait à reconnaître à des particuliers « l’usage d’une langue autre que le français » dans leurs relations avec les administrations et les services publics.
Le Conseil constitutionnel s’était donc prononcé sur le français, tel qu’il est sérieusement pratiqué. Il est donc possible de défendre cet usage normal du français et d’exclure ces pratiques qui n’ont rien à voir avec notre langue. Le législateur ne doit pas se laver les mains, au risque de voir la priva lex – pardonnez-moi ce latinisme – l’emporter.
En raison de l’importance de l’enjeu, nous voterons le texte dans sa rédaction issue des travaux de commission. En cette journée d’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, ne nous trompons pas de débat.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Claude Lermytte et M. Michel Laugier applaudissent également.
La discussion générale est close. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
I. – Après l’article 19 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19 -1. – I. – Les documents qui, en application de la présente loi ou d’une autre disposition législative ou réglementaire, doivent être rédigés en français ne remplissent pas cette condition lorsqu’il y est fait usage de l’écriture dite inclusive, entendue comme désignant les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes ou à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine.
« II
« III
II. – La seconde phrase du premier alinéa du II de l’article L. 121-3 du code de l’éducation est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « L’usage de l’écriture dite inclusive, au sens de l’article 19-1 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dans les documents qui s’y rapportent, est interdit. Des exceptions à l’usage du français peuvent être justifiées : ».
Je voudrais partager ma perplexité d’avoir à examiner cette proposition de loi comme premier texte relatif à la culture, en cette rentrée où l’édifice de nos valeurs et de notre école républicaine semble plus que jamais vacillant.
Pointer ce décalage ne remet pas en cause l’importance de la langue ; car oui, la façon dont nous nous exprimons contribue à façonner notre représentation du monde.
Ludwig Wittgenstein le résumait ainsi : « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde ».
Faisons tomber ces limites. Parcourons ensemble le chemin d’une langue plus égalitaire pour ouvrir à toutes les femmes le champ des possibles.
Quelle meilleure illustration que nos débats récents sur la forme à donner à la version féminine du mot « questeur » lors de la nomination de la première femme à ce poste ? Voilà quelques décennies, la question ne se serait pas même posée. Or les auteurs du présent texte semblent vouloir nous renvoyer tout droit vers ce passé.
Parler d’écriture inclusive nécessite de rappeler, loin de toute caricature, que les outils disponibles pour s’exprimer de façon plus égalitaire sont variés – féminisation des termes, mots épicènes, utilisation des formes féminines et masculines pour évoquer un public mixte – et que la préoccupation d’être compris par le plus grand nombre est très largement partagée.
C’est d’ailleurs pour cela que les préconisations défendues par des instances comme le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes évoluent, dans un souci constant de concilier clarté de l’expression et meilleure visibilité des femmes.
Cette démarche est à l’image de la langue française dans son ensemble, toujours en mouvement. Ne cherchons pas à l’enfermer dans des carcans coercitifs, car là est le vrai péril mortel.
Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.
Ainsi donc, il y a urgence à légiférer pour interdire l’utilisation de l’écriture inclusive.
Nous étions saisis de pas moins de deux propositions de loi de la droite sénatoriale – elles ont fusionné – sur ce sujet. Et, voilà quelques jours, le Rassemblement national proposait le même type d’interdiction dans le cadre de sa niche parlementaire à l’Assemblée nationale.
Voilà enfin le sujet majeur, l’outil qui résoudra toutes les difficultés de la vie quotidienne de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Il serait urgent, primordial, impératif, absolument nécessaire d’interdire toutes les dimensions de l’écriture inclusive, comme le proposent les auteurs de la proposition de loi. Il ne serait alors même plus possible de dire, au début d’une intervention : « Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs ».
Protestations sur les travées des groupe Les Républicains et UC. – M. Joshua Hochart proteste.
Il serait nécessaire, absolument impératif et primordial d’éviter que les offres d’emploi ne soient exclusivement rédigées en intégrant la référence aux deux genres, alors qu’il est statistiquement prouvé que les candidatures de femmes sont plus nombreuses quand tel est le cas.
Nous aurions pu débattre du point médian, outil le plus décrié de l’écriture inclusive. Mais est-il réellement nécessaire de légiférer sur ce sujet ? Ne peut-on considérer qu’une langue est un objet vivant, qu’elle évolue par la force de ceux qui la parlent et qui la font vivre et qu’elle est, comme le reste du monde, le réceptacle de combats, notamment contre l’invisibilisation des femmes ? Et c’est un beau mot que celui de combattante.
En vérité, il est question ce soir non pas de la langue française, mais d’une vision rétrograde §et passéiste de la société. Pendant que le Sénat débat de la nécessité impérieuse, urgente et primordiale d’encadrer la langue par la loi – quand il ne peut encadrer les avancées de la société –, les combats féministes et pour l’égalité des droits, eux, continuent.
C’est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs socialistes voteront contre cette proposition de loi !
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Ghislaine Senée applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, chères collègues et chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir m’interpelle, tant elle me semble être en complet décalage avec les urgences et les priorités actuelles de notre Nation.
Son article 1er, qui constitue le cœur du dispositif, révèle une forme de confusion, d’analogie trompeuse, de déni et d’ambivalence.
Confusion, tout d’abord, parce que vous réduisez et confondez volontairement l’usage du point médian avec l’écriture inclusive. Or les mots épicènes ou la double flexion sont d’autres aspects de l’écriture inclusive. Au sujet de la double flexion, vous la qualifiez, me semble-t-il, de « bégaiement inclusif », alors que l’un des premiers hommes politiques à l’avoir popularisée est le général de Gaulle avec son célèbre « Françaises, Français, aidez-moi ! »
Analogie trompeuse, ensuite, lorsque vous convoquez 1984, l’œuvre de George Orwell, pour légitimer vos propos. Dans cet ouvrage, c’est en effet l’État qui impose aux citoyens l’usage d’une langue appauvrie, qui empêche de penser le monde et ses évolutions.
L’écriture inclusive n’est en rien comparable : elle est le fait de citoyens qui désirent se doter d’outils pour comprendre et appréhender notre société en visant l’inclusivité la plus large.
Déni, encore, car la langue française est une langue vivante, comme certaines et certains l’ont évoqué, qui a connu de nombreuses réformes et évolutions au cours des 500 dernières années. Cet enrichissement permanent a préservé sa vivacité et sa pertinence au travers des siècles.
Ambivalence, enfin, car cette proposition de loi soutient bien évidemment des positions conservatrices concernant la langue française.
Oui, de prime abord, le point médian n’est pas forcément évident à lire. Toutefois, comme certains l’ont souhaité, simplifier la langue, c’est aussi parfois exclure.
C’est ce à quoi se sont employés les grammairiens à partir du XVIIe siècle, comme l’abbé Bouhours, en 1675, selon lequel « lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte », ou comme Nicolas Beauzée, pour qui « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. »
À l’aune de ces exemples, ce n’est donc pas céder « aux airs du temps » que de vouloir poursuivre le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier par la langue. Il s’agit d’un enjeu politique majeur.
Cette proposition de loi contient une contradiction et un paradoxe profond, qui vise à graver le français dans le marbre, …
M. Adel Ziane. … notre langue qui n’a eu de cesse de se transformer et de s’enrichir à travers le temps. Rien n’est gravé dans le marbre !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
J’évoquerai deux points techniques.
Le premier a trait au troisième alinéa de l’article 1er par lequel les auteurs de la proposition de loi souhaitent interdire l’écriture inclusive dans les publications désignées à l’article 7 de la loi Toubon. Or ledit article mentionne spécifiquement les publications en langue étrangère, afin de les obliger à publier un résumé en français. Ce troisième alinéa de l’article 1er me semble donc sans objet, mes chers collègues.
J’en viens au second point. En 2022, sur les 2 357 thèses soutenues, 36 % l’ont été en anglais. Dans certaines disciplines, comme les mathématiques, l’informatique, la physique ou l’économie, l’emploi de l’anglais est devenu majoritaire et celui du français sera bientôt tout à fait marginal.
Pour les articles scientifiques, sans avoir réalisé personnellement le décompte, le bilan est pire. Les scientifiques français publient aujourd’hui majoritairement en anglais.
Mes chers collègues, ce soir, la question que nous devons nous poser n’est pas d’ordre typographique ; il s’agit de savoir si le français continuera d’être une langue scientifique.
MM. Jean Hingray et Michel Laugier applaudissent.
Je souhaite revenir sur deux points.
Tout d’abord, nombreux ici sont ceux qui évoquent les difficultés des personnes dyslexiques à lire l’écriture inclusive. Or il n’existe aujourd’hui aucune étude sur le sujet. Par conséquent, j’ignore quelles sont leurs sources…
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Le second point a trait à la lisibilité de la langue. Il existe une étude, en revanche, selon laquelle les personnes s’habituent à cette écriture et retrouvent, après une première lecture plus lente, leur vitesse de lecture normale.
Comme toujours, la France avance à reculons – et le Sénat de manière encore plus visible
Mme Françoise Gatel proteste.
Dans l’article 1er, les auteurs de la proposition de loi définissent ce que serait l’écriture dite inclusive, « entendue comme désignant les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes ».
Par ce biais, il s’agit d’interdire l’utilisation de mots tels que « iel » ou « celleux », qui constitueraient une dérive importante. Mais qui définirait les néologismes concernés ? Quand un mot est-il considéré comme un néologisme et à quel moment ne l’est-il plus ?
Le mot « iel », par exemple, est entré dans le dictionnaire Le Robert, mais pas encore dans le Larousse. La prochaine proposition de loi aura-t-elle pour objet de déterminer quel dictionnaire doit être suivi ? Débattrons-nous du caractère militant ou non du dictionnaire Le Robert ?
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Pascale Gruny s ’ exclame.
À la page 15 de son projet, Gérard Larcher écrit : « Je vous propose pour les trois années à venir une véritable cure d’austérité normative ». Pensez-vous que ce soit vraiment le moment de légiférer sur l’écriture inclusive ?
Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.
Sourires.
Nous avons déjà eu ce débat ; je crois que nous n’allons pas arriver à nous convaincre les uns les autres.
Selon vous, l’écriture inclusive serait militante. Oui, bien évidemment ! Ce caractère militant se comprend aisément : en dépit de l’inscription dans la loi ces cinquante dernières années de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’égalité salariale, de l’égalité d’accès à toutes les formations, les choses n’avancent pas.
Nous nous sommes alors demandé si les véritables raisons ne résidaient pas ailleurs que dans l’application de la loi. Et quel est cet « ailleurs » ? C’est l’ensemble des représentations qui font que les petites filles – croyez-moi, en la matière, des enquêtes sérieuses existent –, dès l’âge de 5 ou 6 ans, considèrent qu’elles n’ont pas les mêmes compétences que les garçons.
Elles pensent déjà qu’elles sont moins douées pour les mathématiques et même pour les sciences en général. C’est un ensemble de représentations qu’il nous faut combattre.
Tout le travail que nous menons consiste à enlever de la tête des petites filles l’idée selon laquelle elles seraient moins performantes que les garçons. Mais reconnaissons-le : quand, à longueur de scolarité, on dit et on répète que « le masculin l’emporte sur le féminin », il faut que les enseignants soient redoutablement outillés pour expliquer aux enfants que cette règle se limite à la grammaire et que, dans la société, tout le monde est égal.
J’ai entendu le Président de la République affirmer que, dans la langue française, le neutre est masculin : certes – c’est une réalité factuelle. Mais, si le neutre est masculin, le masculin, lui, est loin d’être neutre.
Le masculin est viril…
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
Le masculin est fondé sur des représentations de la différence des sexes qui induisent des comportements et des stéréotypes distincts. C’est précisément contre ces représentations que l’écriture inclusive permet de lutter.
Enfin, chers collègues de la majorité sénatoriale, pardonnez-moi de vous le dire : vous perdez votre temps.
Même si votre proposition de loi est adoptée, vous pensez vraiment que vous m’empêcherez d’écrire « mesdames et messieurs les élu·e·s » ?
Vous pensez vraiment m’empêcher d’écrire les statuts de mon association en employant le pluriel de majorité, …
Mme Laurence Rossignol. … ce d’autant plus qu’il s’agit d’une association féministe ? Jamais vous ne m’en empêcherez. Votre proposition de loi ne sert à rien !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Mes chers collègues, dans le droit fil des propos de Pierre Ouzoulias, je tiens à vous dire que je suis à la fois enthousiaste et navré du débat de ce soir.
Je suis enthousiaste, car – je le dis sans ironie aucune –, à mon sens, il est important que le politique puisse débattre de questions d’ordre linguistique. Si des propositions de loi traitent de ces sujets, nous devons les prendre telles qu’elles sont, sans mépris aucun…
Nous devons pouvoir en débattre.
Cela étant, je suis navré que ce sujet soit abordé sous un angle si étroit : je le dis sans aucun esprit polémique.
Tout d’abord – M. le rapporteur l’a relevé à très juste titre –, nous ne traitons pas de l’écriture inclusive, mais, en fait, du point médian.
Monsieur Vial, vous ajoutez qu’aujourd’hui la féminisation ne pose plus aucun problème ; elle a quand même donné lieu à des controverses comparables à celle de ce soir.
Les linguistes ne font pas la politique, de même que les politiques ne font pas la langue. J’observe toutefois que de très grands linguistes qui ont lutté pour la féminisation des noms sont, pour des raisons fondées sur la grammaire et la syntaxe, ou encore parce qu’ils la jugent impossible en pratique, contre l’utilisation systématique du point médian.
C’est aussi mon cas. Selon moi, il n’est pas possible d’écrire un texte de cinquante pages, un rapport ou que sais-je encore en utilisant systématiquement le point médian. Ce n’est pas tenable. Dès lors, il ne me semble même pas nécessaire de légiférer en ce sens : cet usage disparaîtra de lui-même.
Cela étant, il n’est pas interdit d’être intelligent. Quand on se présente devant une assemblée, quand on s’adresse à un groupe composé – et c’est bien normal – d’hommes et de femmes, on a le droit de dire « mesdames, messieurs », « chères et chers », comme le fait le Président de la République. On peut même, de manière vocative, utiliser le « cher·e·s ». Ce choix ne pose aucun problème dès lors qu’il est compris par tout le monde, qu’il n’est pas source de confusion.
En résumé, il me semble que nous sommes enfermés dans un piège : j’y reviendrai en explication de vote.
M. Patrick Kanner applaudit.
Mme Mélanie Vogel. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous dites et répétez que l’écriture inclusive est une invention militante. La réalité – vous devez l’assumer enfin –, c’est que vous-mêmes êtes les héritières et les héritiers de militants qui, au XVIIe siècle, ont eu pour projet politique de masculiniser la langue française. Nous vous avons rappelé à plusieurs reprises le raisonnement suivi par ces derniers : « Le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer toutes les fois où le masculin et le féminin se rencontrent. » Voilà une affirmation d’une neutralité absolue !
Sourires sur les travées du groupe GEST.
À la même époque, on a décidé de supprimer les termes « mairesse », « doctoresse » ou encore « poétesse ». En revanche, on a conservé « nourrice » et « servante », puis, plus tard, « caissière » et « femme de ménage ». Mais qui pourrait y voir l’expression d’un projet politique sexiste ? Franchement, qui ?
Sourires sur les mêmes travées.
C’est vrai, la langue est le véhicule de nos valeurs. Au fond, elle décrit le monde tel qu’on voudrait qu’il soit.
Oui, celles et ceux qui militent pour que le masculin l’emporte sur le féminin véhiculent l’image d’un monde qu’ils veulent sexiste ; oui, celles et ceux qui militent pour que l’écriture soit inclusive, pour que toutes les personnes dont on parle se sentent représentées, militent pour une société plus égalitaire et plus juste. Pour notre part, nous l’assumons pleinement !
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Patrice Joly et Mme Laurence Rossignol applaudissent également.
M. Max Brisson. Sur ce sujet, on sait ce que pensent les socialistes et les écologistes qui siègent dans cet hémicycle : ils nous l’ont dit et répété maintes et maintes fois…
Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.
Leur position est extrêmement claire : ils sont pour l’écriture inclusive, car ils sont de plus en plus favorables à toutes les théories de la déconstruction.
Madame la ministre, vous regardez ce combat entre la droite et la gauche ; mais vous, que pensez-vous ? Voilà la vraie interrogation.
Sourires sur les travées du groupe SER.
Votre attitude, je vous l’avoue, nous donne un peu le vertige.
À la suite du Président de la République, vous dénoncez les dérives d’une démarche militante : nous approuvons. Mais quand il est question d’agir, vous reculez ; et là, nous sommes désappointés.
Une fois de plus, nous sommes face au « en même temps » dans toute sa splendeur. Une fois de plus, vous procrastinez.
Vous nous dites que les garde-fous existants nous protègent, mais vous décrivez tous les dangers qu’entraîne la progression de l’écriture inclusive. C’est bien la preuve que ces garde-fous sont insuffisants. On le voit d’ores et déjà dans l’enseignement supérieur. On le vérifiera bientôt dans l’enseignement secondaire, puisque l’écriture inclusive progresse dès à présent dans les manuels scolaires.
Demain, la langue impossible à lire pourrait être enseignée dans les écoles malgré les circulaires, malgré les garde-fous actuels, malgré cet arsenal que vous prétendez suffisant et qui, à l’évidence, ne l’est pas.
Voilà pourquoi il faut légiférer. Voilà pourquoi il faut conserver l’article 1er, qui est bel et bien utile. Voilà pourquoi cette proposition de loi tout entière est utile.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, chères collègues sénatrices, chers collègues sénateurs, camarades, compagnons, compagnonnes et j’en passe…
Sourires.
Nouveaux sourires.
Monsieur Brisson, vous interpellez Mme la ministre en lui demandant ce qu’elle pense de cette question : elle pense comme le Président de la République. Pour un membre du Gouvernement, c’est bien normal. Elle ne peut que confirmer les propos tenus lors de l’inauguration de cette après-midi : dont acte. Si vous voulez approfondir la question, vous pourrez toujours l’interroger en privé, ce sera plus simple…
Chers collègues de la majorité sénatoriale, la langue française, comme n’importe quelle autre langue, est soumise aux évolutions de la société. Nous toutes et tous constatons les changements divers et variés de notre vocabulaire, qu’il s’agisse d’anglicismes ou d’apports régionaux. Qui d’entre nous peut dire qu’il échappe à ce type d’innovations ?
Nous ne pouvons légiférer sur une langue, qui, par définition, est une réalité vivante ; nous ne pouvons pas l’encadrer. C’est pourtant ce que tentent de faire les auteurs du présent texte. Dès lors, nous sommes conduits à nous pencher sur la langue administrative et à nous interroger sur la langue de la République.
Je tiens à vous le rappeler à mon tour : la langue française n’est pas inclusive. Depuis trop longtemps, elle traite les femmes et les hommes de deux manières différentes.
Personne n’entend imposer l’usage de l’écriture inclusive : pourquoi, de votre côté, voulez-vous absolument l’interdire ? On se demande quels sont vos buts réels.
Censurer l’écriture inclusive revient finalement à invisibiliser toutes les avancées que nous avons pu obtenir, collectivement, en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Patrick Kanner. Il y a encore beaucoup de progrès à accomplir en ce sens. Pour notre part, nous voterons contre la proposition de loi qui nous est soumise.
Applaudissements sur des travées du groupe SER.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, je trouve que vous avez une bien curieuse vision de la langue.
Une langue, c’est vivant ; une langue, cela ne se fige pas. La langue de Montaigne est très différente de celle de Maupassant. Fut un temps où l’on disait « ça pleut » ; puis l’on se mit à dire « il pleut ». Le français a connu mille et une autres évolutions.
J’entends vos arguments. Vous redoutez notamment la complexification de la langue.
Moi qui ai été enseignant, j’ai connu la réforme de 1990, qui visait précisément à simplifier l’orthographe française. Or ceux qui combattent aujourd’hui l’écriture inclusive sont ceux-là mêmes qui combattaient cette simplification.
La réforme de 1990 nous invitait à nous interroger sur l’évolution des mots : pourquoi chariot prend-il un « r » quand charrette en prend deux, alors que ces termes ont la même étymologie ? Le choix de la simplicité est bien d’opter pour deux « r » dans les deux cas.
Cette simplification, vous n’avez cessé de lutter contre elle, et aujourd’hui vous nous parlez de combattre la complexification : nous sommes face à un sérieux paradoxe.
Vous célébrez Villers-Cotterêts. Je vous le dis en tant que Breton : nous n’avons jamais salué cette ordonnance prise contre les langues régionales, qui entendit faire du francien, parlé par un vingtième des Français, la langue dominante du pays. S’imposant peu à peu à la France entière, ce dialecte a fini par tuer notre diversité linguistique. §C’est un vrai sujet.
Vos arguments reviennent, en définitive, à fossiliser la langue française ; mais je sais que, de ce côté de l’hémicycle, vous êtes et serez toujours partisans du fossile…
Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Mélanie Vogel rit.
Je suis absolument saisi, non seulement par la mauvaise foi de certains de nos collègues – nous venons d’en avoir une nouvelle preuve –, mais aussi par l’amalgame auquel se livrent un petit nombre d’entre eux.
D’une part, il y a la féminisation des mots, qui va d’ailleurs de pair avec la masculinisation, dont nous n’avons pas parlé. Cette évolution est évidemment admise, dans la mesure du possible. « Son Altesse » et « Sa Majesté » garderont probablement leur genre à jamais : c’est comme cela.
D’autre part, il y a ce hachage menu des mots qu’entraîne le point médian, lequel va de pair avec l’existence de pronoms totalement dépourvus de sens : c’est là qu’est, selon nous, le véritable problème.
Chers collègues, dans cette confusion, je vois tout simplement une forme de paresse. On nous reproche de ne pas utiliser le « mesdames, messieurs », alors que nous faisons tous des discours à tout bout de champ et que nous y avons systématiquement recours. Personne ici ne refuse ce genre de « doubles flexions », comme vous les appelez.
Enfin, madame la ministre, vous avez évoqué la nécessité de construire des garde-fous face à certaines évolutions qui menacent notre langue française. C’est précisément ce que nous offre cette proposition de loi : des garde-fous.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, à l’évidence, nous sommes face à un écueil : comment faire en sorte que ce débat passionnant ne tourne pas au débat passionnel ?
Dans une société qui connaît de moins en moins le sens de la mesure, nos discussions s’hystérisent inévitablement. Les uns et les autres se sentent poussés dans leurs retranchements, au point que leurs paroles peuvent dépasser leurs pensées respectives.
Non, la langue et la culture françaises ne sont pas en train de s’effondrer. Non, l’écriture inclusive n’est pas l’alpha et l’oméga de l’égalité entre les femmes et les hommes. En la matière – j’en demeure convaincue –, le véritable combat est celui de l’égalité salariale. Sur ce front, il y a encore beaucoup à faire.
La langue permet de communiquer et donc de faire société. Elle fait de l’homme cet « animal politique » dont parlait Aristote. En ce sens, elle constitue un sujet éminemment politique. Je ne saurais dire le contraire : ma mère, Catalane, a appris sa langue maternelle sous Franco, qui en avait interdit l’enseignement en Espagne.
L’histoire de France et, au-delà, les différentes histoires européennes nous rappellent ainsi tout le rôle politique de la langue.
Pour ma part, je tiens à insister sur la différence fondamentale entre la langue écrite et la langue orale. Si nous voulons réellement progresser vers l’égalité, il est impératif de conjuguer l’une et l’autre. Or le présent texte ne répond pas à ce défi-là.
Pour leur part, les membres de notre groupe ne prendront pas part aux votes, qu’il s’agisse des articles ou de la proposition de loi dans son ensemble.
L’amendement n° 1, présenté par M. Chantrel, Mme Monier, M. Kanner, Mmes Brossel et Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yan Chantrel.
Mes chers collègues, nous nous opposons à l’article 1er sur le fond : nous avons précisé pourquoi lors de la discussion générale. J’ajoute que nous nous y opposons sur la forme.
Je confirme que cette proposition de loi est un véhicule législatif inapproprié.
Les auteurs du présent texte entendent réformer la loi Toubon. Cette dernière protège le français face à l’immixtion de langues étrangères, mais elle n’a pas vocation à s’attaquer à des variantes de notre langue ou à ses évolutions internes. Elle n’a pas vocation à fixer la norme de la langue française.
Monsieur le rapporteur, Jacques Toubon lui-même l’a rappelé lors de son audition : cette loi protège le français, mais ne dicte pas ce qu’est le bon ou le mauvais français.
Avec cette proposition de loi, nous nous engageons sur une pente glissante : bientôt, on interdira les variantes régionales du français.
En outre, ce texte est très mal calibré. On peut débattre de l’usage du point médian, dont il faut rappeler qu’il n’est qu’une abréviation ; mais, contrairement à ce que vous dites, cette proposition de loi va beaucoup plus loin. Elle vise bel et bien à interdire l’écriture inclusive. Référez-vous à la définition qui figure dans l’exposé des motifs : c’est bien ce dont il est question.
Vous visez l’ensemble des ponctuations médianes, qui existent pourtant depuis très longtemps et figurent sur nombre d’actes et de documents administratifs. Regardez votre carte d’identité : vous y trouverez des parenthèses. C’est de l’écriture inclusive. L’adoption du présent texte rendra automatiquement ces documents caducs ; et je ne parle pas des déclarations d’impôts, qui contiennent elles aussi de nombreuses parenthèses.
Bref, votre proposition de loi est très mal rédigée. C’est un peu problématique, pour nous qui sommes chargés de faire la loi…
Enfin, de telles dispositions conduiraient à supprimer les doubles flexions, comme « mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs », ou tout simplement « mesdames, messieurs », formule par laquelle s’ouvre l’exposé des motifs de tout texte de loi. C’est ce que vous proposez d’interdire.
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur Chantrel, vous ressassez la question des parenthèses figurant sur les cartes d’identité, dans la mention « né(e) », qui a d’ailleurs disparu des nouveaux titres. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un masculin générique. Il n’y a donc pas lieu de supprimer la parenthèse.
Un signe de ponctuation, comme le point médian, n’est pas souhaitable quand il a vocation à remplacer un masculin générique. Toutefois – j’y insiste –, sur une carte d’identité, la mention « né(e) » est destinée soit à un homme, soit à une femme ; dès lors, la parenthèse reste tout à fait valable. Nous ne sommes pas dans le cas que vous retenez.
Peut-être voulez-vous faire croire que nous proscrivons tout signe de ponctuation, mais cette proposition de loi interdit uniquement les signes de ponctuation quand ils sont employés à la place d’un masculin générique.
Ce n’est pas la première fois que nous discutons de cette question. Nous ne sommes pas d’accord et nous sommes tous d’accord pour admettre que nous ne serons pas d’accord.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Madame Rossignol, je tiens à vous remercier d’avoir confirmé l’exactitude de nos propos : vous l’avez dit vous-même, l’écriture inclusive est un acte militant.
Madame Vogel, vous l’avez également rappelé en soulignant que la langue est un « véhicule » pour nos valeurs ; eh bien, nous ne ferons pas de covoiturage cette fois-ci.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur Brisson, il me semble avoir été assez claire : si le présent texte s’en tenait à graver dans le marbre de la loi les circulaires de 2017 et de 2021 interdisant le point médian et étendant cette interdiction à l’ensemble des actes des personnes publiques, le Gouvernement exprimerait un avis favorable.
J’ai émis des réserves sur deux points.
Le premier, c’est l’extension de cette interdiction aux contrats privés, qui nous expose à un risque d’inconstitutionnalité.
Le second, c’est l’interdiction des néologismes. À cet égard, le Gouvernement estime que l’on sort du champ de l’intelligibilité de la loi, de l’égalité d’accès à la langue, de la compréhension de celle-ci et de sa facilité d’apprentissage, pour légiférer sur l’évolution de la langue.
Sur ces deux sujets, nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec les auteurs de cette proposition de loi : c’est ce qui nous conduit, non pas à émettre un avis défavorable, mais à laisser le Sénat trancher, avant de poursuivre ce débat dont le grand intérêt se confirme.
Voilà pourquoi, sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mes chers collègues, je saisis cette occasion de poursuivre mon propos précédent.
Je parlais d’un piège dans lequel nous sommes tous pris, à gauche comme à droite.
La loi de 1994 relative à l’emploi de la langue française fut préparée par Catherine Tasca et présentée par Jacques Toubon au Parlement. Elle reçut alors l’appui d’éminents représentants de la majorité sénatoriale – je pense notamment à Jacques Legendre, qui en fut le rapporteur –, avant d’être déférée devant le Conseil constitutionnel par la gauche, ce qui fut une erreur partisane.
Aujourd’hui, la droite se précipite sur des hochets. Elle se rue sur des sujets de niche, comme celui qui nous occupe ce soir : je le dis avec tout le respect que j’éprouve pour ceux qui se préoccupent des questions linguistiques.
Ce constat a été rappelé à plusieurs reprises, notamment lors du colloque organisé pour les vingt ans de la loi Toubon, il y a presque une décennie de cela : la loi relative à l’emploi de la langue française traite la compréhension du français et le droit à cette langue de manière globale. À l’inverse, nous empruntons ce soir une porte d’entrée qui – je le dis très humblement – me semble assez étroite.
Madame la ministre, moi aussi, je suis curieux de savoir ce que vous pensez de ces questions.
Si nous sommes face à un piège, c’est parce que les circulaires en vigueur ne sont pas appliquées.
Il y a un mois et demi de cela, le préfet de mon département organise une conférence de presse avec les forces de l’ordre et les services déconcentrés de l’État. La réunion a pour objet les questions de sécurité dans les lieux publics. Il s’agit plus précisément de créer un label départemental intitulé Safe place. Le préfet, alors sur le départ, s’en amuse lui-même. Heureusement que le sénateur Vallet n’est pas là, déclare-t-il, sinon, qu’est-ce qu’on aurait pris…
Un courrier est fait au nouveau préfet – le pauvre, c’est tombé sur lui. Évidemment, un tel intitulé est illégal : ce label est donc immédiatement supprimé.
La loi Toubon contient un grand nombre de dispositifs nous permettant de faire respecter, non pas la pureté de la langue française – l’Académie elle-même n’en a pas le monopole –, mais le droit à la compréhension entre les citoyens, d’une part, entre les citoyens et leurs élites, de l’autre.
Sur ce sujet, j’ai une main à tendre vers l’ensemble des travées de cet hémicycle : j’y reviendrai lors des explications de vote sur l’ensemble. À ce stade, je vous pose simplement cette question : est-ce que vous faites appliquer la loi ?
MM. Patrick Kanner et Pierre Ouzoulias applaudissent.
Monsieur le rapporteur, vous me donnez crédit d’avoir une approche militante des questions de langue : bien sûr, puisque nous en avons une lecture féministe.
Nous dénonçons les stéréotypes et les représentations défavorables aux femmes que la langue véhicule. Mais, entre vous est moi, il y a une différence : je suis une militante et je le reconnais, tandis que vous êtes des militants et que vous ne le reconnaissez pas.
En prenant parti contre l’écriture inclusive, vous émettez à l’évidence un signal politique. Est-ce un pur hasard si, pour la seconde fois, vous portez cette affaire devant le Sénat ? Si vous tenez absolument à utiliser les mots d’« écriture inclusive » ? Si, la semaine dernière, les députés du Rassemblement national ont défendu une proposition de loi traitant du même sujet ?
J’ai du mal à croire que tous ces parlementaires de droite – vous, le RN et probablement les représentants des autres droites de ce pays – se passionnent subitement pour la pureté de la langue française. Non ! Votre sujet, ce n’est pas l’écriture inclusive. C’est la peur que vous inspire l’indifférenciation des sexes. C’est une peur anthropologique…
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Laurence Rossignol. Inutile de couvrir ma voix. Voilà quelques instants, vous avez désigné vous-mêmes ceux qui, en vous, provoquent cette peur : les féministes et les LGBT ; les deux bêtes noires de tous les conservateurs et réactionnaires de cette planète, …
Protestations sur les mêmes travées.
… de Bolsonaro à Trump en passant par Poutine. Les obsessions sont toujours les mêmes : les transgenres, les homosexuels et les féministes. Or l’écriture inclusive concentre tout cela dans votre esprit.
Mme Laurence Rossignol. De manière assez simple et militante – reconnaissez-le –, vous manifestez ici votre hostilité à certaines évolutions de la société. Je vous le concède, ces questions sont vertigineuses, mais vous n’y répondrez certainement pas par des interdictions.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le rapporteur, j’ai l’impression que vous n’assumez pas véritablement la finalité de votre texte.
À vous entendre, ses dispositions n’empêcheront pas les doubles flexions comme « sénatrices, sénateurs ».
Nous sommes tout de même dans un endroit sérieux, où l’on fait la loi : dans les textes que nous votons, chaque mot doit être maîtrisé. Or je vous renvoie à cette proposition de loi telle qu’elle est écrite : elle a pour objet « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à […] substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ».
Les doubles flexions sont bien des pratiques rédactionnelles qui remplacent un masculin générique. De même, « né(e) » est une graphie qui fait apparaître une forme féminine à la place d’un masculin générique…
En fait, vous ignorez la définition de ces pratiques rédactionnelles, qui, si votre texte est adopté, seront toutes interdites.
L’exposé des motifs nous permet d’ailleurs de connaître la philosophie suivie par notre collègue qui a écrit ce texte : c’est exactement ce que vous visez et c’est là qu’est le problème.
Comme l’a très bien dit Laurence Rossignol, vous êtes des militants. Vous êtes les seuls à vouloir légiférer sur ces sujets, en tombant dans les travers dont vous nous accusez à tort. Vous semblez croire que nous voulons rendre l’écriture inclusive obligatoire ; mais, nous, nous ne légiférons pas en ce sens.
Vous voudriez imposer une manière de penser et de normer la langue, alors que ce n’est pas le rôle du législateur.
J’y insiste, avec ce texte, vous vous engagez sur une pente dangereuse. Quelqu’un que vous respectez tout particulièrement, Jacques Toubon, vous l’a d’ailleurs dit lors de son audition : votre texte n’est pas bon. Il ne va pas dans le bon sens. Il ne correspond même pas à la philosophie de sa propre loi. La meilleure chose à faire, c’est de voter notre amendement pour mettre fin à ce spectacle.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Je salue avant tout le travail accompli par la commission et par l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Pascale Gruny.
Je ne souhaitais pas intervenir ce soir ; mais, à la suite de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je tiens à insister sur la nécessité de préserver les fondamentaux nécessaires à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
M. Chantrel a évoqué différents documents officiels, qu’il s’agisse des titres sécurisés, comme les cartes nationales d’identité, ou des déclarations d’impôt sur le revenu.
Je suis tout sauf un spécialiste de l’écriture inclusive ; je le reconnais volontiers. Je mesure l’importance de l’égalité entre les femmes et les hommes et je milite bien sûr en ce sens – je rappelle d’ailleurs, si besoin est, que notre assemblée compte beaucoup de sénatrices de grande qualité !
Sourires.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 3, présenté par M. C. Vial, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … - Le présent article est d’ordre public. »
II.- Alinéa 5, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette disposition est d’ordre public.
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
La présente loi est d’ordre public. Elle s’applique aux contrats et avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur.
Toutefois, l’article 19-1 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 précitée ne s’applique aux produits destinés à la vente qu’à compter du premier jour du septième mois suivant la publication de la présente loi.
L’amendement n° 2, présenté par M. Chantrel, Mme Monier, M. Kanner, Mmes Brossel et Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yan Chantrel.
En bonne logique, nous proposons également la suppression de l’article 2.
M. le rapporteur aime se référer à l’ordonnance de Villers-Cotterêts : peut-on imaginer meilleur jour pour citer ce texte ? Son article 110, qui reste en vigueur aujourd’hui, est rédigé en ces termes : « Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ne lieu à demander interprétation. »
C’est précisément au nom du principe de clarté de la norme que nous défendons l’écriture inclusive.
Monsieur le rapporteur, c’est bien le masculin générique, que vous tenez tant à défendre, qui est ambigu. Si je dis : « Les sénateurs se fichent pas mal de l’égalité femmes-hommes », est-ce que je parle des hommes de cette assemblée ou des hommes et des femmes qui la composent ? Ce n’est pas clair.
Contrairement au premier, le deuxième alinéa de l’article premier de la Constitution est écrit en langage inclusif : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
S’il avait été écrit avec un masculin générique, il aurait perdu tout son sens : « La loi favorise l’égal accès des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
Nous défendons donc bien la clarté de la loi, au contraire des apôtres du masculin générique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Sans surprise, il sera défavorable.
Monsieur Chantrel, vous évoquez le masculin générique. Laissez-moi toutefois vous rappeler que « il est né » n’en est pas un. C’est un masculin. De la même manière, « elle est née » indique bien un féminin et n’est pas non plus générique.
Si l’on dit « ils sont nés », ce qui signifie, si vous préférez, « ils et elles sont nés », c’est bien un masculin pluriel générique. Cela ne souffre d’aucune ambiguïté et ne laisse place à aucune interprétation, mais il n’est pire sourd ou sourde que celui ou celle qui ne veut pas entendre !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Comme précédemment, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
J’en termine avec la démonstration.
Nous ne tomberons pas d’accord sur ce sujet, mais nous sommes tous pris au piège, pour des raisons historiques et partisanes, d’un côté, pour des raisons d’étroitesse d’esprit, de l’autre.
Mes chers collègues, vous n’avez pas eu beaucoup à souffrir de mes interventions ce soir.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Le véritable problème, ou le plus criant, sur lequel nous pouvons légiférer de manière moins ambiguë, demeure celui de l’anglicisation croissante et du manque de compréhension par nos administrés de ce qui se passe dans notre pays.
Sur ce point, je tends la main à l’ensemble de mes collègues. La sagesse sénatoriale, au-delà de la sagesse ministérielle, devrait nous permettre de procéder comme nous l’avons déjà fait avec succès : non pas seulement en préparant des propositions de loi, qui peuvent avoir leur utilité, mais aussi, et surtout, en menant l’évaluation les politiques publiques.
La loi Toubon va avoir 30 ans. Dans un contexte politique nouveau, marqué par le numérique, l’intelligence artificielle et le comportement changeant des administrations d’État et des collectivités territoriales, elle mérite une évaluation approfondie, afin que le Sénat puisse œuvrer à son amélioration et à son ancrage dans les réalités contemporaines.
Je pose donc de nouveau la question, madame la ministre : comment la loi que nous prétendons modifier ce soir est-elle appliquée ? Le Président de la République a tenté de se raccrocher aux branches aujourd’hui, mais cela n’a pas convaincu grand monde. Comment vous-même souffrez-vous les « Choose France », « France Connect », « French Impact » ? Quid, dans des entreprises issues de grands monopoles publics, de « Orange Bank » ou de « My French Bank » à La Poste ? Quiconque lit cela devrait avoir le rouge au front !
Quant aux collectivités territoriales, je ne vais sans doute pas me faire d’amis ainsi, mais que dire de « Sarthe Me Up », « OnlyLyon », « Let’s Grau » – remarquable jeu de mots ! –, « MadeInJura », « My Loire Valley », etc. ?
J’en termine avec la carte nationale d’identité, pour laquelle le Gouvernement – Mme Schiappa était chargée de ce dossier –, n’a pas été fichu de faire autrement que d’imposer l’anglais comme deuxième langue, alors même que l’Union européenne autorise le plurilinguisme.
M. Mickaël Vallet. Que devons-nous faire à ce sujet, madame la ministre ?
Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et Les Républicains.
Je souhaite revenir sur le discours de notre collègue Lévrier, qui nous expliquait précédemment combien, en traduisant le discours du Général de Gaulle avec des points médians, celui-ci devenait illisible. Le point médian, rappelons-le, est une forme d’abréviation écrite. Ainsi, « Français·es » est l’abréviation de « Françaises et Français ». Il semblerait que pour certains d’entre nous, cela devienne alors extrêmement difficile à lire et à comprendre.
Pourtant, lorsque je regarde l’écran dans cet hémicycle, juste avant le nom de M. Chantrel, je vois « amdt n petit rond 2 ». Et, manifestement, vous n’avez aucun problème de lecture ou de compréhension !
Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Mme Mélanie Vogel. Quelle est la raison de cette différence ? Expliquez-moi pourquoi il est tellement compliqué pour vous de saisir que l’ajout d’un point médian entre un « s » et un « e » signifie « Françaises et Français », alors qu’il vous est parfaitement possible de comprendre que « amdt n petit rond 2 » veut dire « amendement numéro 2 » ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 4, présenté par M. C. Vial, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
est d’ordre public. Elle
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement est le corollaire de l’amendement de précision rédactionnelle proposé à l’article 1er.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 2 est adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
Notre groupe votera contre cette proposition de loi, car il ne s’agit pas d’un objet législatif sérieux, ainsi que nous l’avons démontré lors de ce débat.
En outre, ce texte est rétrograde : sa véritable cible est la féminisation de la société et de la langue, c’est-à-dire l’égalité entre les femmes et les hommes.
Il contrevient ainsi à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, laquelle impose de prendre en compte cette égalité dans toutes les politiques publiques, notamment en matière de communication ou de légistique, soit dans l’écriture même des textes législatifs.
Nous voterons contre, parce qu’il ne revient pas aux législateurs et législatrices que nous sommes de dicter la norme linguistique ou de définir ce qu’est le bon ou le mauvais français.
Il semble même que cette proposition de loi soit inconstitutionnelle, en ce qu’elle porte atteinte au principe de libre communication des pensées et des opinions consacré par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lequel avait déjà conduit à une censure partielle de la loi Toubon.
Applaudissements sur des travées du groupe SER.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, il est assez drôle de voir la gauche recourir à ses vieilles méthodes, au vocabulaire de l’excommunication. Nous voilà condamnés, non pas à la réaction, mais à bien pire encore : nous sommes assimilés à MM. Trump, Poutine ou Bolsonaro. Soit, c’est un combat…
Pour autant, à mon sens, vous vous trompez de cible.
J’apprécie que le clivage droite-gauche soit revigoré, mais pas à ce prix, car cette langue, cette écriture faussement inclusive, c’est véritablement l’écriture de l’exclusion, tant elle est imprononçable à l’oral et indéchiffrable à l’écrit.
Ce sera une écriture de l’entre-soi, de quelques-uns, favorisée dans des cercles militants, une écriture de « précieuses ridicules », aurait dit Molière.
On nous a reproché de déposer ce texte, mais nous avons eu raison de le faire, et je remercie le rapporteur et le président de la commission de leur travail.
Des circulaires existent, certes, mais elles ne sont pas appliquées, et les jurisprudences sont contradictoires. Comme législateurs, il nous revient de fixer la règle. Victor Hugo, souvent cité ce soir, disait : « Il faut faire entrer le droit dans la loi. »
Plus encore, nous avons eu raison, parce qu’ici, nous nous sentons tous Françaises et Français. Or derrière l’écriture inclusive, il y a bien plus qu’une question de syntaxe ou de vocabulaire.
Bien entendu !
Dans nulle autre nation, il n’existe un lien aussi étroit entre la Cité et la langue ; pourquoi, sinon, aurions-nous créé une Académie française, qui n’a d’équivalent chez aucun autre peuple, pour défendre notre langue ?
Le Président de la République a inauguré aujourd’hui la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Demain auront lieu les jeux Olympiques. Le français est leur langue officielle.
… son âme réside dans sa littérature et dans sa langue.
Demain, nous voulons que le français soit la langue de l’universalisme, et non celle du féminisme différentialiste.
M. Bruno Retailleau. Nous proclamons que, en France, nous devons faire preuve d’indifférence à la différence.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour conclure ce débat sur l’écriture dite inclusive, rappelons que l’évolution de la société ne saurait se résumer à cette question. On a voulu nous faire croire que cette technique permettrait de faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce n’est pas le cas.
Pour avancer sur ce terrain, il faut des moyens, des budgets, des lois qui soient appliquées. J’ai ainsi évoqué l’éducation à la sexualité et à la vie affective, dispensée dans moins de 10 % des établissements scolaires, alors que la loi prévoit trois séances par an et par niveau. Il faut également améliorer l’accès aux soins pour les femmes, assurer l’égalité salariale, renforcer la justice.
Nous ne nous divisons donc pas entre, d’un côté, les réactionnaires et, de l’autre, les féministes. Je suis moi-même élue depuis 2014, et je crois pouvoir affirmer que la majorité sénatoriale a porté de nombreux textes qui ont fait progresser l’égalité salariale ou la lutte contre les violences intrafamiliales. Si l’écriture inclusive suffisait à faire reculer le nombre de féminicides, nous l’aurions adoptée depuis longtemps !
La majorité sénatoriale aime la langue française, elle aime son patrimoine et elle entend les défendre. Le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de loi et souhaite mettre un point final, et non un point médian, à ce débat.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Je souhaite tout d’abord indiquer que je rejoins notre collègue Mickaël Vallet sur la nécessité de lutter contre l’invasion des anglicismes ; c’est l’un des rares points sur lesquels nous convergeons. Je me trouve à ses côtés dans ce combat.
Madame Vogel, le ridicule ne tue plus depuis l’époque des Précieuses ridicules. Votre argument consistant à assimiler l’abréviation du mot « amendement » à l’écriture inclusive, en affirmant que la plupart des Français n’en comprendraient pas le sens, est quelque peu léger. Il existe de nombreux termes que des Français utilisent au quotidien et que je ne maîtrise pas, car je n’exerce pas leurs métiers. Pourtant, des symboles comme celui de l’euro, qui peuvent paraître compliqués, sont compris de tous.
Chacun a le droit de déposer les propositions de loi de son choix, il s’agit là de notre prérogative. Il est regrettable que ce débat donne lieu à des leçons de morale où l’on qualifie ses opposants de fossiles, de dinosaures, de politiquement incorrects ne comprenant rien à l’évolution de la société.
Personne ici n’a affirmé que la langue ne devait pas évoluer ; nous avons indiqué qu’elle était notre bien commun et qu’elle devait rester accessible à tous.
Je rappelle aux féministes engagées dans ce débat que la République et la démocratie que nous avons en partage s’écrivent au féminin, que les principales valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité et la fraternité sont aussi des valeurs féminines. Je m’en réjouis et je les partage volontiers avec nos collègues masculins !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Il est sans doute difficile de faire entendre ce que je m’apprête à dire, parce que nous avons versé dans l’excès et que chacun a simplifié ses positions à outrance.
Non, la gauche n’est pas pour l’écriture inclusive. Certains militants de gauche le sont, d’autres ne le sont pas.
Je tiens donc à rétablir quelques vérités, au nom de mon seul groupe, car, ayant horreur que l’on parle pour moi, je me garde moi-même de parler pour les autres.
Un point est fondamental pour nous : la langue et le langage nous permettent de faire société. Nous devons combiner en permanence dans notre réflexion le double enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes et de l’égal accès au savoir et à la maîtrise du langage pour toutes et pour tous, quelles que soient nos différences liées aux conditions sociales ou territoriales.
C’est ce défi que nous devons d’abord relever ; or, en l’état, l’écriture inclusive n’y répond pas. Cela signifie-t-il que la langue française telle qu’elle est utilisée aujourd’hui est satisfaisante ? Nous n’irons pas jusque-là.
Pour autant, le français est une langue vivante et nous ne nous résignons pas à considérer qu’elle ne pourrait évoluer en rien. Cette langue devra toujours refléter la société à laquelle nous aspirons.
Je le dis en toute sincérité : le combat du féminisme pour la reconnaissance réelle des femmes dans la société vaut mieux que la lutte pour un « e » entre parenthèses.
Il est coutumier d’expliquer aux féministes sur quoi elles devraient se battre ou à quoi elles devraient renoncer, …
Ce travers est aussi vieux que le féminisme lui-même. Le problème est que le système dans lequel nous vivons et que nous essayons de bousculer pour parvenir à l’égalité est parfaitement cohérent.
Pourquoi tenons-nous tant à l’évolution de la langue ? Parce que le Président de la République affirme que nous n’avons pas besoin d’écriture inclusive, le neutre étant masculin. Or ce neutre masculin invisibilise les femmes ; c’est précisément ce contre quoi nous luttons. Le neutre masculin n’est pas perçu comme un neutre, mais bien comme un masculin.
Nous sommes tous bouleversés par les évolutions de la langue. Il y a un an, une affiche évoquait un « homme enceint ». Beaucoup de Français s’en sont émus ; moi-même, j’ai mis un certain temps à comprendre de quoi il était question.
Pour autant, en quoi l’expression « homme enceint » choquerait-elle davantage que « madame le sénateur » ? §Pour moi, c’est exactement la même chose : une contradiction entre deux termes.
Rappelez-vous que, autrefois, quand il y avait très peu de femmes dans cet hémicycle, on disait « les sénateurs », en les incluant. Elles étaient invisibles. C’est parce que leur nombre a augmenté que le mot « sénatrice » s’est imposé et que le vocabulaire a évolué pour imposer la féminisation des mots. Celle-ci rend les femmes visibles quand le neutre les rend invisibles.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Une certitude émerge de ce débat : notre groupe ne votera pas cette proposition de loi qui tend à interdire l’écriture inclusive. Quelle surprise !
La majorité sénatoriale a fait le choix de débattre de ce sujet ce soir. Quant à nous, nous ne vous demandons pas d’adopter cette écriture, de l’utiliser, mais seulement de laisser celles et ceux qui le souhaitent le faire librement.
L’écriture inclusive répond au besoin de diverses communautés…
Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
… désireuses de se voir représentées à travers elle.
Il nous paraît donc important de soutenir le développement de cette écriture et l’usage du point médian.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Mes chers collègues, vous vous fourvoyez en soutenant l’idée que le français serait immuable. La langue a toujours évolué. On peut, certes, aimer les musées et les vieilles pierres, mais même nos vieilles bâtisses, nos vieux châteaux, ont connu des transformations.
Nous assistons à une sorte de « stéphanebernisation » visant à tout figer, comme si nous avions connu un âge d’or.
Vous voudriez réécrire l’histoire, comme pour isoler un moment durant lequel la France aurait été parfaite, et dont il ne faudrait plus rien changer. On pourrait en sourire !
J’entends évoquer les anglicismes ; personne ne se plaint pourtant du fait que Guillaume le Conquérant ait apporté le français en Angleterre. Un tiers du vocabulaire anglais vient du français ! On réimporte le mot coach, mais il provient de « cocher ». Les exemples sont légion.
Vous entretenez une approche étriquée de cette question en vous intéressant à la domination française plus qu’au respect des langues. Vous vous opposez ainsi au point médian, mais aussi au tilde sur le prénom du petit Fañch. §Il s’agit simplement pour vous d’une question de suprématie.
Bruno Retailleau évoque les « précieuses ridicules », mais pourquoi associe-t-on « précieuses » et « ridicules » ? Pourquoi ces femmes, qui souhaitaient être savantes, ont-elles été ridiculisées ? Nous pourrions trouver ici même quelques précieux ridicules !
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Je tiens à remercier Pascale Gruny et Étienne Blanc de nous avoir offert la possibilité de ce débat.
Je rappelle à Mme Rossignol que c’est Mme Gruny, alors vice-présidente, …
… qui a fait en sorte qu’il y ait dans cette assemblée un questeur désigné parmi les sénatrices. Je l’en remercie, car cela fait litière des procès qui nous sont intentés.
Il y a longtemps que je n’avais pas été qualifié de réactionnaire et de conservateur. C’est finalement positif : cela nous rappelle que, sur certains sujets, les clivages perdurent.
Madame Rossignol, je suis désolé que vous ayez absolument cherché à ramener le débat vers la légitime lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
J’aurais aimé que l’on parle d’un autre combat nécessaire, celui de l’enseignement du français, et des classes dans lesquelles les maîtres essaient d’enseigner notre langue. Il s’agit d’un métier extrêmement difficile, dont nous n’avons absolument pas parlé ce soir. Or ceux qui, hier, militaient pour simplifier le français, parfois à l’excès, entendent aujourd’hui, par militantisme, le complexifier.
C’est en ayant à l’esprit les professeurs et les élèves que je voterai avec enthousiasme cette proposition de loi, qui, loin d’exclure, tend à rassembler !
M. Max Brisson. Si être réactionnaire c’est rassembler et unir, alors laissons les progressistes dans le camp de la division !
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Je souhaite également remercier nos collègues Pascale Gruny et Étienne Blanc de leurs initiatives. Comme l’a rappelé Max Brisson, ce débat important, qui a suscité des passions, était nécessaire pour notre société.
Je remercie également le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, pour la confiance qu’il m’a accordée en me confiant ce travail de fusion des deux textes, que j’ai mené avec grand plaisir.
Je tiens aussi à saluer les interventions nuancées de certains collègues de tous bords, notamment MM. Pierre Ouzoulias et Mickaël Vallet. Je partage une grande partie de leurs propos visant à élargir le débat et il me semble que nous devrions poursuivre ces échanges en commission, avec Mme la ministre.
Après ce débat, je suis plus que jamais convaincu que nous avons fait œuvre utile avec ce texte. Mes chers collègues, vous avez démontré, s’il en était besoin, que vous étiez dans une logique militante, de combat.
Cependant, la langue n’est pas une opinion, elle est ce qui permet de les exprimer ; elle garantit la liberté d’expression, un principe constitutionnel ; elle est un outil universel, qui doit nous rassembler.
Dès lors que certains usages permettent de classer les uns et les autres dans des camps différents, que la langue n’est plus neutre et qu’elle sape la neutralité des agents publics, un problème philosophique se pose, qui n’a rien à voir avec la féminisation, et nous avons besoin de le régler.
M. Cédric Vial, rapporteur. Vous êtes dans une logique combattante, et vous nous placez dans le camp des combattus.
Mme Mathilde Ollivier rit.
Nous formons le vœu, madame la ministre, après les ouvertures du Président de la République, que le texte qui sera voté par la majorité sénatoriale poursuivra son chemin avec le soutien du Gouvernement, afin de répondre à l’attente légitime de la majorité des Français.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :
Nombre de votants325Nombre de suffrages exprimés303Pour l’adoption221Contre 82Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 31 octobre 2023 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K
Proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives, présentée par Mmes Cathy Apourceau-Poly, Éliane Assassi, Laurence Cohen et plusieurs de leurs collègues (texte n° 926, 2022-2023) ;
Proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution, présentée par Mme Éliane Assassi, MM. Éric Bocquet, Pascal Savoldelli et plusieurs de leurs collègues (texte n° 732, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d ’ urgence pour lutter contre l ’ inflation concernant les produits de grande consommation a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Dominique Estrosi Sassone, Anne-Catherine Loisier, Anne Chain-Larché, MM. Olivier Rietmann, Franck Montaugé, Christian Redon-Sarrazy et Frédéric Buval ;
Suppléants : M. Pierre Cuypers, Mme Martine Berthet, MM. Franck Menonville, Jean-Jacques Michau, Mme Marianne Margaté, M. Vincent Louault et Mme Antoinette Guhl.