Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 6 novembre 2023 à 16h00
Immigration et intégration — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Gérald Darmanin :

Par conséquent, cet étranger qui serait déjà arrivé depuis plus d’un an et demi sur le territoire national attendrait encore neuf mois que le tribunal administratif, par exemple de Lille, le déboute, car, dans 70 % des cas, le jugement va dans ce sens.

Que ferait enfin cet individu ? Il saisirait le Conseil d’État, un recours encore suspensif.

Voilà comment quelqu’un qui se serait vu opposer un refus quatre fois, à qui on aurait imposé un arrêté de reconduite à la frontière, pour qui on aurait sans doute négocié un laissez-passer consulaire avec tel ou tel pays, pourrait rester deux à trois ans sur le territoire national sans que nous puissions l’expulser.

Pendant ce temps-là, cette personne aurait peut-être été embauchée par un patron voyou, parce qu’il faut bien qu’elle vive. Elle aurait peut-être eu l’occasion d’avoir accès au logement, ce dont nous reparlerons. Elle aurait peut-être eu accès à la santé, ce dont nous reparlerons aussi. Elle aurait peut-être fait des enfants sur le territoire national. Si tel avait été le cas et que cette personne s’était mariée, alors le ministre de l’intérieur ne pourrait pas l’expulser, puisque cet individu entrerait dans les réserves d’ordre public qui empêchent d’agir !

Je vous demande que l’on puisse répondre à quelqu’un rapidement, par l’affirmative ou par la négative. Pour la première fois, le Gouvernement ne vient pas devant vous pour changer la liste des pays qui sont sûrs ou qui ne le sont pas, ou pour changer les critères de l’asile. Il vous assure que nous avons globalement de bons critères, des agents courageux à l’Ofpra, des juges qui, en général, écoutent la demande du ministère de l’intérieur, mais qui sont aussi sensibles à la misère de telle ou telle personne.

En moyenne, nous répondons par la négative à 70 % des personnes qui se présentent chez nous, mais au bout de trois ans. Si finalement la réponse devait être positive au terme de cette période, pensez-vous que leur vie pendant ce temps serait digne de la France ? Quelques centaines d’euros sont octroyés à ces personnes au titre de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) ou de l’aide sociale. Forcément, elles sont prises dans la spirale soit du travail illégal soit, pire, de la difficulté et de la délinquance.

Inspirés par le rapport Buffet, nous vous demandons la rapidité. Notre droit compte aujourd’hui douze procédures différentes pour contester les décisions relatives au séjour des étrangers. Il n’est pas de contentieux plus complexe ! Nous proposons de passer à trois ou quatre procédures seulement – c’est en débat avec la commission –, par souci d’accélérer la prise de décision.

La simplification passe également par l’extension du recours à la vidéo-audience.

Elle passe aussi, en matière de réforme de l’asile, par la territorialisation de l’Ofpra. Il s’agit de permettre à la justice administrative, y compris à la CNDA, d’offrir des réponses de proximité pour aller plus vite.

Nous voulons simplifier aussi le travail des policiers, qui ne peuvent aujourd’hui procéder à une prise d’empreintes par coercition. Nous proposons de rendre cela possible.

De même, ceux de nos policiers qui sont à nos frontières ne peuvent inspecter une voiture transportant des bouées ou un moteur de bateau hors réquisition du procureur de la République. Ce projet de loi prévoit bien évidemment de simplifier leur travail en leur donnant les moyens d’agir.

Nous appelons à la simplification, toujours, pour agir à l’encontre de tous ceux qui abusent de notre droit au séjour, notamment dans le cadre de la demande d’asile. Les Français doivent savoir que le ministre de l’intérieur ne peut retirer la carte de résident d’un Tchétchène, par exemple, ayant le statut de réfugié politique en France et qui retournerait passer l’été en Tchétchénie, pays – dictature ! – dont il a pourtant demandé à être protégé ! §Je vous demande de corriger cette imperfection, comme les autres, demande qui me paraît frappée au coin du bon sens.

Simplification, enfin, en ce qui concerne les titres de séjour, qui sont bien trop nombreux, comme vous le soulignez souvent, madame la rapporteure. Nous proposons de faire un premier pas en supprimant dix titres de séjour liés au passeport talent. Simplification, simplification, simplification !

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est ferme, mais non dépourvu d’humanité. Pour la première fois, le Gouvernement de la République va proposer que les enfants de moins de 16 ans ne soient plus placés dans les centres de rétention administrative. En pratique, c’est ce que nous faisons déjà depuis un an. À l’exception de Mayotte, où sont mises en œuvre des dispositions particulières et pour le bien du service public et pour celui de nos compatriotes mahorais, le Gouvernement propose au Parlement d’inscrire cette pratique dans la loi.

Ce texte est ferme, mais il respecte les outre-mer. Pour la première fois, un texte régalien va traduire directement les dispositions de l’article 73 de la Constitution : les outre-mer méritent mieux qu’une habilitation à légiférer par ordonnance.

Nous resterons extrêmement ouverts aux dispositions nouvelles, notamment pour ce qui concerne la Guyane et Mayotte, mais aussi pour tout territoire ultramarin qui souhaiterait voir s’appliquer son droit particulier. Qui peut penser qu’il est loisible de gérer la Guyane et Mayotte comme la Corrèze ou le nord de la France ? Le Gouvernement sera bien évidemment très sensible aux dispositions que proposeront les parlementaires ultramarins – et les autres.

Ce texte est ferme, mais il n’est pas fermé. Le Gouvernement est à l’écoute de la Haute Assemblée pour en modifier les articles, pour adopter les amendements, d’où qu’ils viennent, …

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