Intervention de Georges Patient

Réunion du 6 novembre 2023 à 16h00
Immigration et intégration — Discussion générale

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'immigration est aussi une problématique de premier ordre dans les outre-mer.

La réalité des outre-mer, en matière d'immigration, impose d'être humbles face à l'immensité géographique. La réalité, pour la Guyane, ce sont 500 kilomètres de frontière fluviale dans la forêt amazonienne avec le Suriname, dont le PIB par habitant est dix fois inférieur à celui de la France, et 700 kilomètres de frontière avec le Brésil. La réalité, pour les Antilles, c'est d'avoir pour seule frontière la mer des Caraïbes, où le tourisme de masse jouxte la grande délinquance et la misère d'États insulaires en déliquescence. La réalité, c'est dans l'océan Indien une étendue maritime de 102 kilomètres, qui ancre Mayotte à son destin français.

Les ordres de grandeur dans les outre-mer sont donc loin d'être les mêmes que dans l'Hexagone. Il faut le savoir : les deux territoires français les plus touchés par l'immigration sont Mayotte et la Guyane, où, respectivement, plus de la moitié et du tiers de la population est étrangère.

Ainsi, un bon nombre de mes collègues et moi-même estimons indispensable la tenue d'un débat au Parlement au sujet des adaptations à apporter en matière de gestion de l'immigration dans les outre-mer. C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé – un amendement identique a été déposé par des collègues siégeant sur d'autres travées –, qui vise à supprimer l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.

D'ailleurs, monsieur le ministre, j'ai le sentiment que le Gouvernement n'est pas complètement opposé à cette démarche, puisque certains amendements spécifiques aux outre-mer déposés par mes collègues de Mayotte, ou par ma collègue de Guyane et moi-même, ont été travaillés avec votre cabinet.

Je pense notamment à l'amendement ayant pour objet de répondre au défi que représente la filière d'immigration par laquelle des visas humanitaires accordés par le Brésil sont utilisés pour entrer en Guyane, avec l'Hexagone pour destination finale. En attendant son adoption, Cayenne et sa maire doivent faire face à un afflux de migrants qui, en raison du manque de place d'hébergements, occupent l'espace public et cristallisent les mécontentements.

Pour autant, le texte déposé par le Gouvernement au Sénat début de février était relativement équilibré. Il apportait des réponses pragmatiques et courageuses, notamment en ce qui concerne le travail des étrangers. Ainsi les articles 3 et 4 sont-ils essentiels, car ils améliorent l'accès au travail des migrants ou des réfugiés, alors que le travail est le premier facteur d'intégration.

De plus, il faut cesser de faire croire aux Français que nous pourrions nous passer des immigrés. La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) révélait dans une étude de juillet 2021 que 22 % des emplois en Île-de-France étaient occupés par des immigrés. Les métiers dans lesquels ils sont surreprésentés sont ceux où les conditions de travail sont les plus pénibles et les difficultés de recrutement les plus fortes.

À ce jour, tout un pan de notre économie tourne grâce à une foule de travailleurs sans-papiers qui viennent pallier le déficit de main-d'œuvre. Ce projet de loi va enfin permettre à ces personnes et à leurs employeurs de rentrer dans la légalité, toute la société bénéficiant de retombées positives.

Ce projet de loi comporte également d'autres mesures qui auront un impact positif important dans les outre-mer, comme la création, à l'article 7, d'une nouvelle carte de séjour pour les médecins provenant de pays en dehors de l'Union européenne. Cette nouvelle carte de séjour devrait permettre d'améliorer le recrutement des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), indispensables à nos établissements de santé. Malheureusement, la commission des lois a supprimé une partie du dispositif ; j'espère que les débats permettront de revenir à sa version d'origine.

Dans le même ordre d'idées, j'ai déposé un amendement visant à autoriser en Guyane le recrutement d'infirmières provenant de pays en dehors de l'Union européenne, comme cela se fait déjà à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Vous l'aurez compris, ce texte comporte des évolutions positives, et même indispensables. Cependant, l'actualité récente a tendu les esprits et durci les positions. J'espère que nous parviendrons à tenir un débat serein sur ces questions, et que le bon sens l'emportera. La nécessité d'adapter en permanence la loi aux évolutions de l'immigration justifie ce projet de loi. La posture et l'affichage de fermeté de certains ne doivent pas nous empêcher d'apporter une réponse plus humaine et plus efficace.

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