Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il me revient d'exposer la position du groupe socialiste concernant les aspects de politique linguistique, ainsi que les éléments relatifs à la politique de délivrance des visas dans le texte issu des travaux de la commission.
Nous louons l'objectif théorique des dispositions relatives à l'exigence d'un niveau de français, mais nous ne pouvons que regretter les conclusions qu'en a tirées la commission.
Je m'explique.
D'autres pays dans le monde ont adopté un même type d'exigence, bien légitime. Mentionnons le Québec : son gouvernement actuel a récemment relevé le niveau de français exigé, en même temps qu'il a augmenté le nombre d'immigrés à accueillir. Qui peut les en blâmer ? Car, dans leur cas, l'alternative n'offre comme autre malheureuse possibilité au nouvel arrivant que de devenir anglophone, mettant à mal la cohésion nationale.
En France, espérons-le pour encore longtemps, il n'y a qu'une seule langue commune et aucune autre n'est capable de s'imposer à elle. La question du niveau de français des immigrés tient donc moins à la vivacité de notre langue face à celles de chacun d'eux qu'à leur propre capacité à travailler, vivre, avoir des interactions sociales et suivre la scolarité de leurs enfants.
En plus de l'intégration à la québécoise en français, c'est l'idée de l'intégration par le français. C'est donc non pas la langue qui est menacée, mais la facilité pour les immigrés à l'utiliser à des fins d'intégration indispensable.
Or ce qui nous est présenté au moyen de ce texte, c'est-à-dire exiger demain pour un titre de séjour annuel ce que nous exigeons aujourd'hui pour un titre de séjour pluriannuel, ne semble pas tendre vers cet objectif, confondant le but, à savoir parler français, et l'outil, c'est-à-dire le français considéré alors comme critère de tri préalable entre étrangers.
Car cet outil qu'est la langue à la manière d'un outil primaire se forge, se polit, et voit affûter le tranchant de sa lame avec le temps. Il faut donc donner le temps et les moyens d'y parvenir. Que voulons-nous pour les nouveaux immigrés, et notamment pour les travailleuses dont vous avez parlé, monsieur le ministre : un examen de bachotage au bout d'un an, ou une vraie maîtrise de la langue sur le temps long ?
Relever le niveau de langue exigé sans s'en donner les moyens concrets ne mène nulle part. C'est ce que nous défendrons au travers de nos différents amendements.
Le deuxième point de mon propos porte sur la disposition introduite en commission consistant à offrir un nouveau motif légal de refus de visa de long séjour, notamment aux ressortissants d'un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires. Disons-le clairement, il n'est pas tenable que des États sabotent la mise en œuvre de décisions de la justice française en organisant de manière systémique leur incapacité supposée à reconnaître leurs nationaux.
Mais nous, socialistes, considérons que l'introduction dans la loi de cette politique de rétorsion ne permettra pas d'atteindre l'objectif annoncé, que, je le redis, nous partageons en grande partie.
Il arrive que la diplomatie réclame un peu de finesse, et que cette finesse échappe à la pensée la plus complexe de nos plus hauts dirigeants. Déjà en froid avec nos voisins méditerranéens et avec les opinions africaines, nous enverrions là un signal public bien dommageable.
Si les États, à commencer par le nôtre, ont non seulement des valeurs, mais aussi des intérêts, le travail des chancelleries vaut parfois mieux pour les faire respecter qu'une démonstration de virilité législative contre-productive. Le Gouvernement a d'ailleurs expérimenté cette méthode à compter du printemps 2021 avec les pays du Maghreb, pour constater son échec et y renoncer dès 2022. Eh oui ! la diplomatie, comme la préfectorale d'ailleurs, c'est un métier !
(À suivre)