Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 27 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 7, amendement 87

Christine Lagarde, ministre :

Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements, j'apporterai quelques précisions sur l'article 7.

Je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur le premier alinéa et le quatrième alinéa.

Le Gouvernement a tenu à préciser que les éléments de rémunération, les indemnités, les avantages qui sont consentis à des mandataires sociaux doivent l'être en rapport avec leurs performances, appréciées à l'aune des réalisations de la société.

Une telle disposition n'existait nulle part auparavant, ni dans le droit des sociétés, ni dans le droit du commerce.

Le Gouvernement innove donc et ajoute, par le biais de cet article 7, une contrainte particulière, qui lui paraît doublement justifiée : d'une part, par le nombre d'abus constatés, dont, mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes fait l'écho, et qui ne réjouissent personne, ni à droite, ni à gauche ; d'autre part, parce que les stakeholders ont, comme vous l'avez indiqué, monsieur Marc, une exigence de responsabilité sociale, d'éthique, de moralité de plus en plus grande.

Certains prétendent que cet article 7 est vide, qu'il ne s'agit que d'un écran de fumée. Je leur objecterai que le paragraphe I débute par les mots « Sont interdits » et que, dans le quatrième alinéa du même paragraphe, est prévue une nullité de plein droit : « Tout versement effectué en méconnaissance des dispositions du présent alinéa est nul de plein droit.. » Ce sont là deux dispositions juridiquement très contraignantes, qui donnent un signal fort aux conseils d'administration ou aux conseils de surveillance.

Les chefs d'entreprise établis à l'étranger auxquels est adressée, à longueur de discours et de délibérations, l'invitation de venir en France investir, entreprendre et développer de l'activité, répondent tous la même chose : ils veulent de la liberté, de l'espace, et moins d'« impôt-papiers ».

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement va donner un avis défavorable sur tous ceux des amendements qui visent à restreindre la liberté de l'entreprise. C'est au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, non au comité d'entreprise, de fixer les règles du jeu au détail près, selon les résultats d'exploitation, les performances réalisées en matière de recherche et de développement.

Ces amendements, bien que présentant un intérêt, ne se justifient pas aux yeux du Gouvernement, qui souhaite introduire un principe de moralité, d'éthique, de bonne gouvernance, mais n'entend certainement pas substituer le législateur à l'organe qui règle la vie d'une société et, en particulier, apprécie les performances de ses dirigeants.

Le Gouvernement n'est, bien sûr, pas favorable à l'amendement n° 87, qui vise à supprimer l'article.

L'amendement n° 88 vise à intégrer les revenus dans la négociation salariale. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'appréciation de la rémunération est de la compétence du conseil d'administration, non du comité d'entreprise ou des organisations syndicales représentatives des salariés. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

Les amendements n° 232, 185, 180, 179 et 178 ont tous pour objet de définir de manière très précise dans le projet de loi les conditions de performance et les critères de bonne gestion, qu'il s'agisse d'amendements rédactionnels ou d'amendements de fond.

Pour les raisons que j'ai invoquées dans mon introduction, ils sont excessifs au regard du principe de liberté que nous souhaitons voir respecter, en laissant au conseil d'administration ou au conseil de surveillance le soin de se prononcer sur la définition de ces conditions et critères.

L'amendement n° 181 appréhende la notion d'avantages au sens large. Il ne paraît pas particulièrement justifié au regard de la jurisprudence et, toujours au nom de la liberté de l'appréciation, par le conseil d'administration, de la performance des dirigeants de la société, le Gouvernement y est défavorable.

L'amendement n° 157 vise à aligner les rémunérations des mandataires sur celles des cadres dirigeants : le Gouvernement y est défavorable pour la même raison. De surcroît, il souhaite, contrairement aux auteurs de cet amendement, tirer les indemnités vers le haut, et non pas vers le bas.

Sur l'amendement n° 219, qui vise à préciser la notion de performance, vous attendez, monsieur le rapporteur général, l'avis du Gouvernement : toujours en vertu du principe consistant à privilégier la liberté d'appréciation et de détermination des critères de performance par le conseil d'administration, le Gouvernement ne souhaite pas que la clarification de la performance intervienne ainsi dans le texte de loi.

Le Gouvernement est également défavorable aux amendements n° 176 et 177, qui tendent à faire intervenir toutes les parties prenantes et, au premier chef, le comité d'entreprise et les représentants des salariés.

L'intervention du comité d'entreprise est inutile puisque des représentants des salariés participant déjà aux réunions du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, ils sont informés des décisions qui sont prises au sein de ces organes, et que, par ailleurs, en vertu de l'article L. 432-4 du code du travail, un bilan annuel des activités de l'entreprise est soumis au comité d'entreprise.

Les amendements n° 182 et 175 visent à ce que la convention sur la rémunération du président du directoire fasse l'objet, chaque année, et après toute modification, d'une publication adressée à tous les actionnaires et à l'Autorité des marchés financiers.

Ainsi que l'a souligné M. le rapporteur général, en vertu de l'article L. 225-102-1 du code de commerce, ces dispositions doivent déjà obligatoirement figurer dans le rapport annuel. Il est donc inutile d'adresser un document supplémentaire aux actionnaires ou d'en soumettre un autre à l'AMF.

Votre amendement n° 262 rectifié, monsieur le rapporteur général, paraît tout à fait justifié au Gouvernement, qui émet un avis favorable.

Vous visez, en vertu de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les régimes de retraite applicables à des catégories de salariés. Il serait parfaitement illégitime, vous avez raison, d'exiger d'une catégorie entière de salariés qu'elle se conforme aux obligations ou aux critères de performance qui sont mis en oeuvre pour un ou deux mandataires sociaux.

Sur l'amendement n° 218, qui reprend l'amendement déposé par M. Jean-Charles Taugourdeau à l'Assemblée nationale, le Gouvernement émet un avis défavorable.

S'il est effectivement souhaitable que les critères déterminant la performance du mandataire social soient établis le plus tôt possible après qu'il a pris la direction de la société, il peut arriver que, au cours de son mandat, le mandataire social devienne éligible à des rémunérations particulières, à des clauses exceptionnelles, liées soit à des facteurs conjoncturels, soit à l'amélioration de la situation de la société.

Encore une fois au nom de la liberté du conseil d'administration et du conseil de surveillance, et tout simplement parce que la situation de la société peut évoluer, le Gouvernement n'estime pas souhaitable de fixer impérativement le moment auquel doivent être établis les critères de performance. Nous pensons, au contraire, qu'il convient de laisser jouer une certaine flexibilité à cet égard.

Je tiens cependant à préciser que, pour le Gouvernement, il convient que de tels engagements soient pris bien en amont de la décision de cessation de fonctions, laquelle peut donner lieu, on y a fait allusion tout à l'heure, à des négociations un peu difficiles.

Les amendements n° 188, 174, 189, 187, 183 et 184 visent à transposer les mêmes dispositions aux sociétés dotées d'un conseil de surveillance. Par conséquent, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés à propos des sociétés dotées d'un conseil d'administration, le Gouvernement y est défavorable.

Enfin, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement rédactionnel n° 261, relatif à Mayotte.

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