Cet article 8 met en place le revenu de solidarité active, ce dispositif de revenu minimum, promu par l'Agence nouvelle des solidarités actives.
L'objectif clair de ce mécanisme est de réduire d'au moins un tiers en cinq ans le nombre de travailleurs pauvres en France afin d'éradiquer totalement la pauvreté d'ici à 2020.
En 2005, le rapport de la commission présidée par M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté proposait déjà un tel dispositif. Cependant, à l'époque, M. Hirsch était plus ambitieux et prônait un champ d'application beaucoup plus large.
En effet, ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est de limiter le bénéfice de cette mesure aux seuls allocataires du RMI et de l'API sous forme d'une expérimentation. Globalement, ce dispositif concerne 1, 4 million de personnes, mais, comme il n'est mis en oeuvre que dans quelques départements, il n'y aura que 90 000 allocataires : 50 000 RMIstes et 40 000 APIstes.
Pourtant, la catégorie des travailleurs pauvres est beaucoup plus vaste. On dénombre en effet 7 millions de travailleurs pauvres. Pour ma part, je considère que 15 millions de personnes se trouvent dans de réelles difficultés, mais je ne vais pas développer ce point pour le moment.
Qu'en sera-t-il de ces femmes à qui l'on impose un temps partiel, les plongeant directement dans la précarité ? Qu'en sera-t-il des moins de vingt-cinq ans ?
En outre, en France, les pauvres ne sont pas tous en capacité de travailler. Parfois, ils sont retraités, soit ex-travailleurs pauvres, ou simplement inaptes au travail pour des raisons physiques. Et je pourrais citer des exemples précis ! Qu'en sera-t-il d'eux ?
Je crains que votre dispositif, monsieur le haut-commissaire, n'ait pas l'effet escompté, même si je souhaite me tromper. Pis, il stigmatisera un peu plus encore les plus démunis en créant plusieurs catégories de pauvres et en opposant encore un peu plus « ceux qui se lèvent tôt » et les prétendus « assistés », qui, bien évidemment, profiteraient du système. Cette vision populiste et profondément injuste pour tous ceux qui connaissent la précarité a largement alimenté la campagne du candidat Sarkozy.
L'objectif du Gouvernement correspond à terme à une réforme générale du système des allocations sociales. Nous espérons donc que ce nouveau dispositif n'est pas le prélude à la suppression pure et simple du RMI. Nous le savons, le problème de l'existence des minima sociaux est posé. Plusieurs textes en témoignent. Valérie Létard a beaucoup travaillé sur cette question et deux de nos plus honorables collègues, Michel Mercier et Henri de Raincourt, ont rédigé des rapports lumineux en la matière.
De plus, selon le rapport de M. Vasselle, seuls 50 000 personnes pourraient expérimenter un tel dispositif. Nous sommes donc loin des objectifs du Gouvernement !
Si le coût du dispositif ne nous donne pas d'indication sur l'efficacité d'une telle mesure, le chiffre annoncé de 25 millions d'euros semble assez dérisoire en comparaison des 3, 7 milliards d'euros consacrés au nouveau régime des heures supplémentaires - pour cette année seulement ! -, au 1, 9 milliard d'euros de crédit d'impôt, aux 950 millions d'euros pour la suppression des droits de succession et aux 810 millions d'euros du bouclier fiscal, dont 583 millions d'euros seront directement remboursés aux 12 784 foyers dont le patrimoine est supérieur à 7, 14 millions d'euros.
Telles sont les priorités du gouvernement Fillon, sous les ordres du Président Sarkozy.
La démagogie de ce gouvernement est sans borne : d'un côté, toutes les politiques mises en oeuvre conduisent à une précarisation accrue des individus ; de l'autre, on accorde quelques miettes aux plus démunis sans leur proposer pour autant des solutions pérennes d'insertion.
Il s'agit là d'une spirale du déclin. Vous accompagnez simplement les méfaits du libéralisme sans essayer, loin s'en faut, de créer une autre conception du développement partagé.
Ce dispositif aura l'effet pervers de favoriser les emplois faiblement rémunérés alors même que, dans votre rapport de 2005, monsieur le haut-commissaire, vous indiquiez que « la mise en oeuvre du RSA devait s'inscrire dans une politique de l'emploi dynamisée et sécurisée contre le temps partiel contraint, le travail précaire ou discontinu ».
Nous sommes d'accord avec vos propos, mais nous constatons que les choses évoluent. À l'époque, vous n'étiez pas partie prenante de ce gouvernement.
Nous estimons que seule une politique ambitieuse du travail pourra répondre à l'objectif d'éradication du nombre de travailleurs pauvres, voire de la pauvreté. Pour cela, la première mesure est la recherche du plein-emploi.