S'agissant de l'amendement n° 93, je souhaite apporter quelques explications ; un débat de fond s'impose, car un certain nombre d'observations que je ne peux pas laisser sans réponse ont été formulées.
Monsieur Fischer, vous avez soulevé trois questions.
Premièrement, le RSA peut-il contribuer à réduire la pauvreté ou va-t-il aggraver la situation ?
Deuxièmement, l'article 8 va-t-il dans le bon sens ou nous éloigne-t-il de l'objectif fixé ?
Troisièmement, les dispositions contenues dans cet article sont-elles suffisantes ou faut-il prévoir d'autres mesures ?
Sur le premier point, je rappellerai que le revenu de solidarité active est né d'une réflexion collective à laquelle ont été associés l'ensemble des partenaires sociaux, des associations, ainsi que toutes celles et tous ceux qui, dans les collectivités locales, concourent à la lutte contre la pauvreté.
Il est faux de dire que le revenu de solidarité active stigmatiserait certaines catégories de la population ou irait à l'encontre de la lutte contre la pauvreté et l'extrême pauvreté. Toutes les réflexions de la commission ont été guidées par l'objectif strictement inverse. Il serait donc paradoxal aujourd'hui de défendre une position différente !
Après ma nomination au Gouvernement, j'ai réuni de nouveau l'ensemble des partenaires et je leur ai demandé s'ils se considéraient toujours solidaires des conclusions que nous avions tirées en 2005, des propositions que nous avions faites et du souhait que nous avions déjà émis, alors, de pouvoir procéder par expérimentations. La réponse a été affirmative, si bien que, quand ces dispositions ont été soumises à l'avis de la CNAF, dans laquelle tous les partenaires sociaux sont représentés, elles ont été adoptées avec dix-sept voix pour et quelques abstentions.
On ne peut lutter contre la pauvreté que sur la base d'un certain consensus entre les partenaires afin, justement, de ne pas dresser les uns contre les autres.
Donc, pour cette raison, le RSA peut contribuer à réduire la pauvreté.
Deuxième point, l'article 8 nous éloigne-t-il de cet objectif ?
Était-il concevable que, tout d'un coup, nous « jetions à la poubelle » les quatre cinquièmes du rapport pour n'en conserver qu'un fragment en ne nous intéressant qu'à une catégorie ? À l'évidence, la réponse est non.
D'abord, il est faux de dire que l'article 8 ne concernerait pas les travailleurs pauvres. Vous dites qu'il ne faut pas stigmatiser les RMIstes ; je rappellerai que, parmi ces derniers, au moins 15 % ou 20 % de personnes travaillent, qu'elles sont donc des travailleurs pauvres et qu'elles seront concernées par ces dispositions. Par conséquent, ne simplifiez pas à outrance, en escamotant un certain nombre de gens qui sont travailleurs pauvres et allocataires du RMI. Cet article s'inscrit bien dans l'objectif de réduction de la pauvreté.
Vous avez exprimé le regret qu'un certain nombre de personnes ne bénéficient pas de cette expérimentation, me laissant ainsi penser que vous lui prêtez quelque vertu, ce qui nous rapproche. Nous avançons avec prudence, afin de ne pas créer d'effets pervers par rapport à ce que nous croyons être une bonne mesure.
C'est la raison pour laquelle nous commençons par des échantillons réduits, des catégories limitées, en nous réservant la possibilité d'étendre le dispositif si les effets pervers peuvent être restreints, ce dont je suis persuadé, et s'ils sont beaucoup moins importants que ce que certains laissent entendre. Mais, effectivement, il faut se donner le temps d'étudier la situation et, lorsque nous aurons la preuve que l'expérimentation fonctionne bien, nous viendrons vous en rendre compte.
Enfin, dernière question, ces dispositions sont-elles cohérentes avec les mesures déjà existantes ?
Je souligne que, pour la première fois, le Président de la République et le Premier ministre ont cosigné une lettre de mission dans laquelle a été fixé un objectif de réduction de 30 % de la pauvreté pendant le quinquennat. Nous sommes là pour mettre en oeuvre les indicateurs et définir les moyens d'atteindre cet objectif. Nous pourrons désormais, devant la représentation nationale, indiquer où nous en sommes de sa réalisation. Par le passé, cela n'a jamais été possible, car les chiffres dont nous disposions ne prenaient pas en compte les mesures arrêtées pendant les trois dernières années. Ces nouvelles dispositions constituent donc un gage extraordinaire de changement dans les politiques.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, bien entendu, défavorable à l'amendement n° 93, qui tend à la suppression de l'article 8.
Il est en revanche, comme vous l'avez compris tout à l'heure, favorable à l'amendement n° 17 de M. Vasselle, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 269.
Enfin, il est très favorable à l'amendement n° 194 rectifié ter, soutenu par Mme Hermange et par le président du comité interministériel de lutte contre l'exclusion, M. Seillier.
Cet amendement, qui vise à associer les personnes pour lesquelles on travaille au dispositif que l'on construit, est extrêmement important. Je peux vous assurer - - le Premier ministre en a, d'ailleurs, été récemment témoin, lorsque nous avons travaillé avec un groupe d'allocataires du RMI - que cela change tout. Cela garantit qu'on ne fait pas des usines à gaz. C'est un garde-fou qui empêche que puissent être supprimés par erreur des droits connexes. C'est également l'assurance que l'on oriente ces activités vers le retour au travail.
Lorsque, dans les départements, nous discutons avec des groupes d'allocataires du RMI, ils nous parlent, non pas du maintien dans l'assistance, mais de l'accès au travail, des conditions dans lesquelles ils peuvent retourner vers l'emploi et sortir de la pauvreté par le travail. Il est donc extrêmement important de développer ce type de démarche.
D'ailleurs, au comité d'évaluation, outre des présidents de conseils généraux, des économistes, des représentants des administrations, siège également une personnalité qualifiée parce qu'en tant qu'allocataire du RMI elle a créé à Angers un comité des usagers. Son aide nous sera utile, car nous voulons développer cette démarche dans chaque département le plus largement possible.