Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 7 novembre 2023 à 14h30
Immigration et intégration — Article 1er

Gérald Darmanin  :

Je ne suis pas membre de la commission des lois, madame de La Gontrie !

Cet article prévoit en effet de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, de sorte que les personnes qui prétendent obtenir un titre de long séjour sur le territoire national devront non seulement prendre des cours de français, mais aussi passer un examen de français, dont la réussite conditionnera l'obtention d'un titre de séjour pluriannuel.

Vous avez exprimé vos craintes, madame la sénatrice Linkenheld, et, d'une certaine manière, je ne puis qu'abonder dans votre sens, puisque, depuis que le même dispositif a été instauré pour les naturalisations, celui-ci étant renforcé par un entretien dit d'assimilation, nous observons une baisse de l'ordre de 30 % du nombre des naturalisations.

Cet article emportera donc sans doute un effet de restriction d'accès au territoire national, ce qui est cohérent avec le souhait du Gouvernement de ne pas accorder de titre de long séjour à des personnes qui n'ont pas un niveau de français suffisant.

Par ailleurs, vous m'avez interrogé sur le niveau de français qui sera exigé, sur les dispositifs comparables dans d'autres pays européens et sur le nombre de personnes concernées par ce dispositif, madame la sénatrice.

Environ 70 000 personnes sont concernées aujourd'hui – il s'agit d'un flux –, auxquelles s'ajoute un « stock » de 300 000 personnes, qui devront demander le renouvellement de leur titre de long séjour. La représentation nationale doit donc se prononcer sur un dispositif dont la portée est bien supérieure à celle du regroupement familial, qui ne concerne que 13 000 à 14 000 personnes.

Pour ce qui concerne les autres pays européens, sachez, madame la sénatrice, que nous faisons plutôt figure d'exception en Europe, puisque l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, Chypre, l'Italie, la Lituanie, le Portugal, la Croatie et l'Estonie notamment, conditionnent depuis longtemps leur droit de séjour, dès deux, trois ou cinq années de résidence, à la réussite d'un examen de langue de niveau A2 à B1.

Nous pouvons bien sûr discuter de la fixation du niveau de langue demandé, madame la sénatrice, mais celle-ci ne me paraît pas relever du domaine de la loi. Je souhaite pour ma part que ce niveau soit le plus élevé possible, sachant que tout niveau de langue qui pourra être exigé d'un étranger sera nécessairement assez bas.

J'en viens à l'accès aux cours de langues. Le Gouvernement s'est efforcé d'être cohérent, en prévoyant notamment à l'article 2, qui, hélas, a été supprimé par la commission des lois du Sénat, que les étrangers aient la possibilité de prendre des cours de français pendant leur temps de travail.

Je rappelle par ailleurs que les crédits alloués à l'intégration ont augmenté de 25 % et que nous avons prévu des moyens importants pour améliorer l'accès des associations et des préfectures à ces cours de français.

L'exigence de résultat qui conditionne l'obtention d'un titre de séjour pluriannuel est donc assortie des moyens nécessaires à la réussite de l'examen par les personnes concernées.

Je tiens à souligner que 60 % des personnes concernées sont des femmes, car, contrairement à une idée répandue, elles constituent le contingent d'immigration de travail le plus important.

L'une des difficultés majeures d'intégration que nous connaissons est précisément la situation de ces femmes qui, n'accédant pas à notre langue et à notre culture, subissent un enfermement d'autant moins acceptable qu'elles aspirent à jouir en France de la liberté dont elles étaient privées dans leur pays et qu'elles sont contraintes à une forme de communautarisation.

Je le rappelle, si la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, dite loi Sarkozy, conditionnait l'octroi d'un titre de séjour de dix ans à une connaissance suffisante du français, elle ne prévoyait pas d'examen permettant de sanctionner le niveau de langue des demandeurs. Il est de plus pertinent d'élargir le critère du niveau de langue aux titres de séjour d'une durée de validité plus courte que dix ans. Le Gouvernement propose donc d'appliquer ce critère à tous les titres de séjour pluriannuels.

Je le rappelle aussi, l'article 1er de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, dite loi Cazeneuve, prévoyait également des contraintes relatives au niveau de langue des étrangers en situation régulière. Ces derniers devaient ainsi justifier du niveau A1 au bout d'un an, et du niveau A2 au bout de cinq années de résidence en France.

Je rappelle enfin au groupe Les Républicains que, dans son programme présidentiel, Mme Pécresse conditionnait l'obtention d'un titre de séjour à la maîtrise du français, comme Bernard Cazeneuve l'avait lui-même imaginé lorsqu'il était Premier ministre.

J'en terminerai en précisant que la condition du niveau de langue ne s'applique ni aux étudiants, qui relèvent d'une autre disposition, dont nous débattrons ultérieurement, ni aux titulaires d'un passeport talent admis au séjour pour des raisons artistiques, sportives ou professionnelles, ni aux travailleurs saisonniers, qui ne séjournent que quelques mois sur le territoire national.

Pour s'intégrer durablement dans la République française, il faut au minimum en connaître la langue et – nous en débattrons – sans doute la culture. La quasi-intégralité de nos voisins européens en font autant ; cela me paraît de bon sens et je m'étonne que personne n'y ait pensé avant le gouvernement d'Emmanuel Macron.

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