Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 7 novembre 2023 à 14h30
Immigration et intégration — Article 1er

Gérald Darmanin  :

Je constate en effet que, si votre amendement était adopté, nous exclurions du dispositif une part de la main-d'œuvre arrivée sur le territoire national qui se destine à des métiers n'exigeant pas un niveau de français plus élevé que le niveau moyen de maîtrise de la langue atteint par les étrangers en France aujourd'hui – je rappelle que 30 % des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent mal le français –, et qui risquerait de ne pas obtenir de titre de long séjour si un examen de langue plus exigeant était mis en œuvre.

Toutefois, sachez que les employés et les ouvriers – c'est ce que j'essaie d'expliquer à certains patrons – ne se contentent pas de travailler dans les usines et les entreprises. Ces personnes vivent dans notre société, fréquentent un club de sport, se promènent dans la rue, s'intéressent à la vie de leur cité, fréquentent un culte, rencontrent des amis, etc.

J'ai parfois le sentiment, lorsque je rencontre certains responsables patronaux – ce n'est pas toujours le cas, et ce n'est pas le cas de tous – qu'ils voient les étrangers uniquement comme une main-d'œuvre, et jamais comme des citoyens que nous aurons ensuite collectivement à gérer.

Tous ces étrangers quitteront d'ailleurs peut-être un jour ces usines et ces entreprises. Simplement, comme ils disposent d'un titre de long séjour, ils resteront sur le territoire national et continueront de fréquenter les espaces publics, tout comme les autres étrangers en situation régulière et les Français.

C'est pourquoi je suis peu sensible aux arguments d'une partie du patronat – je ne dis pas cela pour vous, monsieur le sénateur Reichardt, mais pour que chacun comprenne bien.

Je ne veux pas distinguer entre les différents niveaux de français : je préfère que l'on s'intéresse au niveau de français requis de tout étranger souhaitant acquérir un titre de long séjour, plutôt qu'au niveau de français exigé selon le métier qu'il exerce, car un étranger peut tout à fait changer de profession ou suivre une nouvelle formation. On ne peut pas le réduire à son métier.

Tout cela me conduit à vous dire, monsieur le sénateur, que votre proposition tend à amoindrir sensiblement la disposition du Gouvernement.

Comme je suis très attaché – c'est une conviction très profonde – à l'idée qu'un étranger doit parler, apprendre et comprendre correctement notre langue s'il veut durablement s'installer sur le territoire de la République, je considère qu'il ne faut pas conditionner cette exigence à l'exercice de tel ou tel métier, même si je puis comprendre le principe que vous défendez, peut-être selon un point de davantage capitaliste que patriotique.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

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