Mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, on peut avoir l'impression que nous traitons de sujets quelque peu secondaires. Or l'article 2, malheureusement, supprimé par votre commission des lois, est extrêmement important.
À la suite des précédents orateurs, que je tiens à remercier de leurs propos, je vous invite, moi aussi, à rétablir cet article.
Un salarié étranger suivant un parcours d'intégration doit disposer, pendant ses heures de travail, du temps nécessaire pour suivre des cours de français. C'est indispensable pour qu'il puisse s'intégrer et faire siennes les valeurs de la République.
Il s'agit avant tout d'une mesure de justice.
Ces étrangers en cours d'intégration appartiennent souvent aux classes ouvrières ou populaires. Ce sont par exemple les femmes de ménage, évoquées par M. Brossat, qui assurent l'entretien des bureaux de La Défense pour que les cadres puissent y travailler dans de bonnes conditions.
Ces personnes ont souvent une heure et demie de transports tôt le matin, une heure et demie de transports tard le soir. Elles ne peuvent pas suivre des cours de français à d'autres moments de la journée – pour ma part, je suis sensible à cet argument. Elles doivent élever leurs enfants, malgré le manque de moyens. Elles font souvent face à un certain nombre de difficultés personnelles, si bien qu'elles ne peuvent pas suivre de cours de français l'après-midi, même si ces derniers sont gratuits : elles n'en ont tout simplement pas le temps.
Bien sûr, nous devons écouter les demandes de main-d'œuvre exprimées par le patronat. Mais, de leur côté, les entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale.
Le « 1 % logement », qui aujourd'hui fait florès, a vu le jour dans ma région. Par ce biais, les patrons contribuent au logement de leurs employés.
À la responsabilité patronale environnementale, qui peut prendre diverses formes, à la nécessité de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes, doit s'ajouter cette responsabilité patronale que constitue l'intégration des salariés de l'entreprise.
Un tel effort est d'autant plus juste que ces salariés ne passent pas tout leur temps dans les locaux de leur entreprise : ils vivent dans notre société au sens large. Or nous avons à « subir » la mauvaise intégration de certaines personnes que nous avons fait venir, indépendamment du fait que les entreprises qui les salarient ne leur ont pas permis de s'élever socialement, alors que c'est aussi le but du travail et le rôle de l'entreprise : celle-ci ne saurait être mue par la seule recherche du profit.
Nous en appelons dès lors au patriotisme des entreprises.
Contrairement à d'autres gouvernements, nous avons refusé de leur imposer une taxe pour financer l'intégration. Ce choix aurait été si facile ! Mais nous avons préféré faire le pari social de l'entreprise : quand un patron embauche un étranger en difficulté ou au début de son intégration, des cours de français doivent être proposés pendant les heures de travail.
J'ajoute une remarque à l'intention des travées de la droite, où l'on a sans doute été sensible à un certain nombre d'arguments énoncés hors de cette assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, si vous voulez être cohérents avec nos positions communes, qu'il s'agisse de l'article 3 ou de tout autre article, vous devez reconnaître qu'un salarié en cours d'intégration est évidemment moins compétitif qu'un Français ou qu'un étranger parfaitement intégré. Toutefois, en dédiant une partie de ses 35 heures de travail hebdomadaire à l'apprentissage du français, à ce parcours d'intégration, au prix d'une moindre compétitivité sur le moment, ce qui peut certes nuire à l'embauche de cet étranger, parfois d'ailleurs au profit d'un étranger en situation irrégulière qui ne s'engage pas dans ce parcours, nous lui permettons, à terme, de travailler plus efficacement.
La suppression de cet article en commission a été, je le sais, votée sur votre initiative. Je ne veux pas croire que la position exprimée alors est celle d'un grand parti gaulliste, pour qui le travail a toujours été un vecteur d'émancipation et non une simple source de profit.
Je comprends que ces dispositions gênent un certain nombre de directions d'entreprise – pas toutes, d'ailleurs : beaucoup de patrons m'ont fait savoir qu'indépendamment des organisations professionnelles ils s'efforçaient d'améliorer les conditions sociales de leurs ouvriers et de leurs employés –, mais je ne saurais accepter sans rien dire la suppression de l'article 2.
Je m'efforce donc de vous en convaincre : les dispositions dont il s'agit sont éminemment sociales et patriotiques. Nous demandons au patronat, non pas d'acquitter une taxe, mais d'apporter une petite contribution – on pourrait parler du « 1 % langue », du « 1 % intégration », du « 1 % patriotisme » – en faveur d'une main-d'œuvre que nos entreprises font venir sur le territoire national, notamment parce qu'elle leur coûte moins cher.
Ne considérez pas le seul profit tiré de cette main-d'œuvre : ce sera l'honneur de cette assemblée. Les précédents orateurs l'ont très bien rappelé – je relève d'ailleurs que le premier d'entre eux n'appartient pas à la majorité gouvernementale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rétablir l'article 2, qui ferait l'honneur de notre capitalisme à visage humain !