La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Depuis le début de cette soirée, nous avons exprimé nos réticences quant à l'obligation, inscrite par le Gouvernement dans le présent projet de loi, de justifier d'un certain niveau de langue pour se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle.
Ce niveau de langue exigé – je n'ai pas bien compris s'il serait fixé par la loi ou par le décret… – pourrait être le niveau A2.
Nous avons demandé à disposer d'une évaluation de la formation linguistique dispensée dans le pays ou d'une étude d'impact, ce qui nous a été refusé. C'est pourquoi nous craignons toujours que cet examen de langue ne soit un facteur d'exclusion, plutôt que d'intégration.
Que les cours de langue soient gratuits est bien entendu un élément positif, auquel nous ne pouvons que souscrire. Mais cela n'enlève rien aux craintes exprimées jusqu'à présent au sujet du niveau de langue A2, qui nous paraît très difficile à atteindre.
Le maintien d'une carte de séjour temporaire rejetterait alors dans la précarité, une fois encore, des hommes et des femmes qui ne demandent rien d'autre que de s'intégrer grâce à une carte de séjour pluriannuelle et d'avoir accès à de véritables moyens d'apprendre cette belle langue qu'est le français.
M. le ministre a expliqué – j'ai été attentif, d'autant qu'il est nécessaire de rester concentré assez longtemps sur ses explications – que la langue était le Graal, l'élément qui permettait d'être intégré dans la communauté nationale. Il en résulte l'obligation de justifier d'un niveau de langue, que nous contestons aujourd'hui.
Par ailleurs, M. le ministre affirme être tout de même attentif à nos propos et rechercher le consensus. Il ne peut donc qu'être d'accord sur un point : il est impossible de fixer une obligation de niveau si l'État ne fournit pas le pont permettant d'atteindre ce Graal ! Sinon, cela reviendrait à créer de nouveaux fossés, de nouvelles difficultés, un parcours du combattant qui empêcherait d'accéder aux titres de séjour, même si M. le ministre déclare, la main sur le cœur, qu'une formation gratuite sera dispensée à tous ceux qui le souhaitent.
Pourtant, lorsque nous proposons de garantir aussi le chemin vers la formation, nous ne recevons aucune garantie.
Monsieur le ministre, soyez clair, sans quoi vos propos pourraient être pris pour une forme d'habileté, même si c'est là un procès d'intention que je ne vous ferai jamais.
L'obligation de moyens doit être garantie. La nécessité de passer un examen ne peut être posée sans une obligation de moyens pour l'État. La nouvelle formulation que vous proposez ne fait donc pas tomber l'amendement n° 234, me semble-t-il.
Par conséquent, pouvez-vous préciser que l'obligation d'apprendre la langue et de passer l'examen, d'une part, et celle pour l'État de fournir une formation gratuite, d'autre part, forment bien, à vos yeux, un paquet commun ?
Tout d'abord, même si nous connaissons tous la procédure législative, je rappelle qu'il s'agit de ce que nous appelons dans notre jargon un amendement de repli, sur un projet de loi qui est le vôtre, monsieur le ministre, mais aussi celui de la majorité des membres de la commission des lois.
Cet amendement tend à illustrer notre volonté de toujours chercher l'efficacité, au service de celles et de ceux pour lesquels nous nous battons quotidiennement.
Oui, nous pensons que la maîtrise de la langue est un vecteur fondamental de l'intégration.
Sans revenir sur mes propos ou sur ceux qui ont été tenus par mes collègues depuis lundi, l'apprentissage et la maîtrise de la langue française sont des conditions indispensables à l'émancipation de ces femmes et de ces hommes, parfois enfermés dans une forme de repli ou de communautarisme qui les contraignent et les empêchent de s'intégrer et de faire République – nous avons d'ailleurs eu l'occasion de montrer, à l'occasion d'autres débats menés sur d'autres textes, combien le langage était important à cet égard.
Nous avons souhaité prévoir, et cela ne relève pas seulement d'une symbolique des mots, un accès à des cours gratuits dans chaque département. En effet, nous devons être à la fois ambitieux et offensifs, pour réellement permettre cette intégration.
Nous voterons donc l'amendement ainsi sous-amendé par le Gouvernement.
Le niveau A2, dont l'obtention deviendrait obligatoire pour accéder à un titre de long séjour, est déjà une obligation pour nos collégiens et nos collégiennes, bien sûr dans une langue vivante étrangère, afin d'obtenir le brevet des collèges.
Or quels sont les moyens – gratuits – déployés par l'éducation nationale pour cela ? Ce sont quatre années d'apprentissage – la sixième, la cinquième, la quatrième et la troisième –, à raison de trois heures hebdomadaires d'enseignement pour la première langue vivante étrangère.
Si l'on fait le calcul – trois heures hebdomadaires sur trente-six semaines pendant quatre ans –, cela correspond à 432 heures. Il s'agit donc non pas simplement de gratuité, mais d'intensité et d'efficacité.
Notre pays brille par ses capacités en matière d'apprentissage des langues étrangères, on le sait… Il faudra donc redoubler d'efforts.
Monsieur le ministre, je n'ai vu aucune mauvaise foi dans votre première réponse tout à l'heure, mais nous nous sommes peut-être mal compris.
Par conséquent, je le répète, l'objectif de maîtrise de la langue pour vivre et s'intégrer est partagé par tout le monde ici. Ce qui pose problème, c'est le niveau demandé au regard des moyens mis en face.
Sur la question des moyens, la difficulté est de les objectiver. En effet, notre collègue Bernard Jomier expliquait cette après-midi que ce n'était pas forcément aux parlementaires de dresser la liste des maladies chroniques, douloureuses ou que sais-je encore, qui relèveraient de l'aide médicale désormais d'urgence. De la même façon, à une ou deux exceptions près – j'ignore le pedigree de tous nos collègues –, nous ne sommes pas des linguistes ou des pédagogues spécialistes de l'enseignement des langues. Il est donc normal que nous nous interrogions sur ce niveau.
Pourquoi avons-nous, un peu au doigt mouillé, ces discussions qui se réfèrent uniquement à l'étude d'impact du Conseil d'État, qui n'est pas davantage composé de linguistes ou de spécialistes de la pédagogie ? Parce que nous ne disposons pas en France, à la différence de ce qui existe dans d'autres pays ou dans d'autres domaines, comme l'intégration, l'égalité femmes-hommes, les lieux de privation de liberté ou encore les droits, d'un office de la langue qui aborderait ces sujets de manière transversale et qui les objectiverait.
Monsieur le ministre, nous ne tomberons peut-être pas d'accord sur le niveau exigé et le temps imparti, mais un certain nombre d'entre nous seraient prêts à ne pas voter contre votre sous-amendement si vous acceptiez d'y ajouter l'accessibilité effective aux cours, en plus de la gratuité. Il me semble en effet normal de garantir également ce point.
Ce ne serait pas grand-chose, et cela permettrait peut-être l'adoption de votre proposition, dans laquelle je ne veux voir ni habileté ni malice.
Notre groupe votera ce sous-amendement.
J'ajouterai une remarque plus générale : on parle de quatre ans pour apprendre le français, mais, en immersion, c'est bien plus facile. Lorsque vous séjournez à l'étranger ou lorsque vous envoyez des enfants vivre à l'étranger, l'apprentissage de la langue est beaucoup plus rapide.
Les étrangers en situation régulière, qui sont chez nous, parlent le français tous les jours. Ce qu'il faut, ce sont des moyens supplémentaires pour corriger leur langue.
Quatre années d'apprentissage ne me semblent donc pas forcément nécessaires pour des personnes qui sont en immersion complète pendant au moins une année.
Je vous assure que je commence à douter !
J'ai bien entendu les explications de M. le ministre : il s'est montré parfaitement clair et je crois que tout le monde l'a compris. Le but est que chacun puisse apprendre le français le plus facilement possible, pour être accueilli en France dans les meilleures conditions, ce qui me semble extrêmement pertinent et salutaire. Nous serons tous d'accord pour saluer cet état d'esprit.
J'ai également compris les explications de Mme Cukierman ; c'est ensuite que j'ai été un peu perdue…
Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
J'avais retenu que nos collègues de gauche, très soucieux de l'intégration, voulaient déployer des moyens dignes de ce nom en faveur de celle-ci. Or le choix de la gratuité représente, à ce titre, un effort assez extraordinaire.
On nous a expliqué tout à l'heure que, dans la mesure où nous ne sommes pas l'Académie de médecine, il ne nous revenait pas de dresser la liste des maladies susceptibles d'être prises en charge. Mais, à présent, nous devrions énumérer l'ensemble des moyens nécessaires à cette politique !
Mes chers collègues de gauche, j'ai beaucoup de respect pour vous. Je pense que vous n'avez pas plus de malice que les autres ; mais vos pas de côtés ressemblent tout de même un peu à des digressions et, dans vos interventions, je crois déceler un soupçon de mauvaise foi.
Mme Françoise Gatel. À l'évidence, vous ne voulez pas vous rallier, de manière républicaine, au sous-amendement de M. le ministre, qui a pourtant salué l'amendement de nos collègues communistes !
Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.
J'ai bien compris dans quel état d'esprit les membres du groupe communiste ont invité le Sénat à adopter leur amendement ainsi sous-amendé ; ce n'est évidemment pas un blanc-seing pour le vote du présent texte ou même de l'article 1er.
Madame Cukierman, je tiens à vous remercier de votre honnêteté intellectuelle. Nous sommes parvenus à trouver un compromis sur ce sujet, dans un esprit républicain.
À l'instar de Mme Gatel, je n'ai pas compris toutes les interventions qui ont suivi la vôtre. Je déduis simplement de ces circonvolutions que certains cherchent toutes les raisons de ne pas voter ces dispositions.
Je regrette ce manque d'ouverture, d'autant plus que, pour ce qui concerne l'apprentissage de la langue française, nous nous apprêtons à examiner l'article 2, que le Sénat va, je l'espère, rétablir. Cet article permet aux travailleurs étrangers de suivre des cours de français pendant leurs heures de travail, ce qu'aucun gouvernement n'a jamais fait – nous en parlerons dans quelques instants.
(Marques d'approbation sur des travées des groupes CRCE-K et Les Républicains.) Nous avons fixé un objectif très noble – pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, il faut passer un examen de français – et prévu des moyens qui le sont tout autant, à savoir la gratuité des cours. La République s'en trouvera grandie.
Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC.
Quoi qu'il en soit, il me semble que nous avons passé suffisamment de temps sur l'article 1er. §
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'amendement n° 234 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 263 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par cinq paragraphes ainsi rédigés :
…. – Il est constitué une délégation parlementaire à l'immigration et à l'intégration, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Elle exerce le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière d'immigration et d'intégration et évalue les politiques publiques en ce domaine. À cette fin, elle est destinataire des informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Lui sont notamment communiqués :
1° Tous les éléments d'information statistiques relatifs à l'immigration et à l'intégration ;
2° Un rapport annuel de synthèse exhaustif des crédits consacrés à l'immigration et à l'intégration ;
3° Des éléments d'appréciation relatifs à l'activité générale et à l'organisation des services de l'État dédiés à l'immigration et à l'intégration ;
En outre, la délégation peut solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports des inspections ministériels ainsi que des rapports des services d'inspection générale des ministères portant sur l'immigration et l'intégration ;
…. – La délégation parlementaire à l'immigration et à l'intégration est composée de quatre députés et de quatre sénateurs. Les présidents des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement de l'immigration et de l'intégration sont membres de droit de la délégation parlementaire à l'immigration et de l'intégration. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.
Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. Les deux députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les deux sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
…. – La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents, ainsi que les directeurs compétents en matière d'immigration et d'intégration. Les directeurs de ces services peuvent se faire accompagner des collaborateurs de leur choix en fonction de l'ordre du jour de la délégation. La délégation peut également entendre les directeurs des autres administrations centrales ayant à connaître des enjeux relatifs à l'immigration et à l'intégration.
…. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité.
Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au Président de chaque assemblée.
…. – La délégation parlementaire à l'immigration et à l'intégration établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l'approbation du Bureau de chaque assemblée.
Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mes chers collègues, cet amendement vise à renforcer les moyens de contrôle dont dispose le Parlement pour ce qui concerne les questions d'immigration.
Ces sujets étant particulièrement importants pour notre pays, nous vous proposons de créer une délégation parlementaire commune aux deux assemblées. Cette instance disposerait de moyens accrus de contrôle et d'évaluation, qu'il s'agisse des politiques publiques menées ou de l'action du Gouvernement en matière d'immigration.
Vous vous souvenez peut-être qu'au terme d'un travail mené il y a quelques années le Sénat a conclu à la nécessité de ne plus créer de nouvelles délégations parlementaires.
En pratique, d'énièmes instances ne renforcent pas les moyens du Parlement : elles ne font qu'en ôter aux commissions permanentes.
Au demeurant, les commissions des lois des deux assemblées peuvent déjà exercer un tel contrôle : il entre pleinement dans leurs prérogatives.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
L'amendement n° 627, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 433 -1 -1. – Par dérogation à l'article L. 433-1, il ne peut être procédé à plus de trois renouvellements consécutifs d'une carte de séjour temporaire portant une mention identique. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mes chers collègues, en vertu des dispositions que nous venons de voter, il faudra, pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, répondre à un certain nombre de conditions, dont l'obtention d'un résultat suffisant à un examen de français.
Or, en cumulant les titres de séjour annuel, il est aujourd'hui possible d'aller au-delà des quatre années que couvre la carte de séjour pluriannuelle.
Par cohérence, on ne saurait donc dépasser trois renouvellements d'un titre annuel, sauf si son détenteur demande un titre différent. Si, après quatre années de présence sur le territoire national, l'étranger ne parvient pas à acquérir le niveau de français requis, il n'a pas de raison d'y rester. En adoptant une telle disposition, nous donnerons toute sa portée à l'obligation adoptée à l'instant.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 255 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier et Anglars, Mme Guidez, MM. Menonville et Frassa, Mmes Romagny et Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Pointereau et Paccaud, Mmes Petrus, Lavarde et Bellurot, M. Chasseing, Mme P. Martin, M. Wattebled, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Herzog, Micouleau et Belrhiti, M. Genet, Mmes Canayer et Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° L'article 21-28 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « 21-2, », est insérée la référence : « 21-7, » ;
b) Les deux derniers alinéas sont ainsi rédigés :
« Les personnes à l'intention desquelles est organisée la cérémonie sont tenues d'y participer. Toutefois, en cas de motif légitime les en empêchant, leur participation est reportée à la cérémonie suivante.
« Au cours de la cérémonie d'accueil, la charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l'article 21-24 et le texte de La Marseillaise sont remis aux personnes ayant acquis la nationalité française mentionnées au premier alinéa du présent article. Il est procédé au chant d'au moins un couplet, suivi du refrain, de l'hymne national, auquel ces personnes sont tenues de participer. » ;
2° L'article 21-29 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « susceptibles de » sont remplacés par les mots : « appelées à » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette communication est faite au moins trente jours avant la date de la cérémonie. » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « demande », sont insérés les mots : «, dans un délai de huit jours » ;
3° Après l'article 21-29, sont insérés deux articles 21-30 et 21-31 ainsi rédigés :
« Art. 21 -30. – Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police convoque quinze jours au moins avant la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française les personnes à l'intention desquelles elle est organisée. Cette convocation précise la date et l'heure d'ouverture de la session, sa durée prévisible et le lieu où elle se tiendra. Elle rappelle l'obligation de répondre à cette convocation sous peine d'être condamné à l'amende prévue à l'article 21-31. Elle invite les personnes convoquées à renvoyer, par retour de courrier, le récépissé joint à la convocation, après l'avoir dûment signé. Lorsque le maire a été autorisé à organiser la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française en application du second alinéa de l'article 21-29, une copie de ce récépissé lui est transmise sans délai par l'autorité compétente.
« Art. 21 -31. – Le fait, sans motif légitime, de ne pas déférer à la convocation reçue en application de l'article 21-20 est puni de 7 500 euros d'amende. Le fait, sans excuse valable, de quitter la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française avant qu'elle soit achevée ou de refuser de participer au chant prévu au dernier alinéa de l'article 21-28 est puni de la même peine. »
II. – Au second alinéa de l'article 433-5-1 du code pénal, après le mot : « réunion », sont insérés les mots : « ou lors de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française prévue à l'article 21-28 du code civil ».
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Nous avons été nombreux à signer cet amendement de notre collègue Le Rudulier. Il a pour objet les décrets de naturalisation, que nous connaissons tous dans cet hémicycle.
Il s'agit plus précisément de rendre obligatoire la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française prévue à ce titre. Nous garantirons ainsi toute la solennité qu'exige la remise du décret de naturalisation.
Nous comprenons parfaitement la demande de M. Le Rudulier, car nous mesurons l'importance des cérémonies de naturalisation. Toutefois, le programme prévu est si lourd qu'il est difficilement envisageable. C'est pourquoi cet amendement, déjà rejeté à deux reprises en commission, a reçu un avis défavorable.
Mes chers collègues, je m'interroge sincèrement sur l'intérêt d'un tel amendement.
Si ces dispositions sont adoptées, il sera désormais obligatoire de chanter, lors des cérémonies de naturalisation, au moins un couplet de La Marseillaise suivi du refrain. Faudra-t-il également chanter juste ?
Marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains.
Allez-vous demander la création d'un délit de fausse note, justifiant le retrait du décret de naturalisation au terme de la cérémonie ?
On atteint des summums de ridicule !
Protestations sur les mêmes travées.
Ces moments de solennité devraient être empreints de fierté pour la communauté nationale tout entière. Pourquoi, dans ces circonstances, leur demander de démontrer une fois de plus qu'ils sont de « bons Français » ?
De telles propositions sont symptomatiques. Toutes les mesures que vous avez fait adopter depuis deux jours reflètent le même étant d'esprit et, pour ma part, je suis scandalisée du degré de ridicule et de caricature que nous atteignons avec cet amendement.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ma chère collègue, la commission a certes émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je ne crois pas qu'il soit totalement ridicule de demander à quelqu'un à qui l'on donne non seulement la citoyenneté, mais la nationalité française, de chanter La Marseillaise.
Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.
Mes chers collègues, je tiens simplement à témoigner des cérémonies de naturalisation auxquelles j'assiste, que ce soit à la préfecture de l'Hérault, à Montpellier, ou dans les sous-préfectures de Béziers et de Lodève. Nous y avons droit à la diffusion d'un message du Président de la République et à celle de La Marseillaise, que tout le monde chante en chœur.
Ces cérémonies sont à la main du préfet, qui, secondé par ses sous-préfets, les orchestre dans le plus pur esprit républicain. Sénateurs et députés du département y sont invités plusieurs semaines en amont, …
… à l'instar des maires des communes concernées. Pour la circonstance, on nous invite à revêtir notre écharpe tricolore.
Je puis vous l'assurer : tous les naturalisés conviés sont au rendez-vous. Tous se rendent à ces cérémonies, qui sont toujours empreintes d'émotion. Parfois, ils veulent d'ailleurs faire venir leur famille tout entière : le préfet et les sous-préfets doivent alors leur signaler qu'une seule personne peut les accompagner.
Les dispositions de cet amendement et le débat qu'elles suscitent me paraissent donc surréalistes : en pratique, les cérémonies de naturalisation ont déjà toute la solennité voulue. Si certains de nos collègues n'ont pas eu l'occasion d'y prendre part depuis quelque temps, je les encourage vivement à s'y rendre !
Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe SER.
Madame Narassiguin, je vous invite à lire attentivement l'amendement de M. Le Rudulier.
Je suis au regret de vous l'indiquer – je ne saurais croire que vous avez un problème de lecture –, …
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
… le point essentiel n'est pas de chanter, mais de participer à la cérémonie au terme de laquelle la nationalité française sera offerte, ce qui me paraît évident. La Marseillaise est effectivement évoquée, mais il n'est pas demandé de la chanter : lisez !
De manière plus fondamentale, j'observe que la République, c'est peut-être d'abord des symboles. C'est un drapeau, c'est Marianne, c'est une devise ; autant d'éléments qui nous rassemblent. Pour ma part, comme vous, je le suppose, je suis très fier de chanter La Marseillaise.
Monsieur Bourgi, j'ai moi aussi participé à un grand nombre de ces cérémonies, à la préfecture de Beauvais. Même si le chant de certains naturalisés est parfois un peu hésitant, notre hymne y est toujours entonné avec beaucoup de cœur !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, indépendamment de ce débat essentiel
Souriressur les travées du groupe RDPI.
Cela ne signifie pas que ce sujet est dépourvu d'intérêt ; mais, en l'occurrence, il nous semble totalement cavalier, au sens législatif du terme, évidemment.
Nouveaux sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il fallait voter en chantant !
Sourires.
L'amendement n° 605, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre I du titre Ier du livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° L'intitulé est complété par les mots : « et des visas » ;
2° L'article L. 811-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 811 -2. – Les actes et décisions de justice étrangers relatifs à l'état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés au sens du II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. La présomption de validité des actes de l'état civil ainsi produits, telle que prévue à l'article 47 du code civil, et l'opposabilité des jugements étrangers dont la régularité n'a pas été préalablement vérifiée par l'autorité judiciaire française, sont subordonnées à l'accomplissement de cette formalité.
« Sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent, la vérification de tout acte de l'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. »
La parole est à M. le ministre.
Il s'agit d'imposer la légalisation des actes d'état civil étrangers afin de lutter contre la fraude.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
(Supprimé)
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 20 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.
L'amendement n° 388 rectifié ter est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l'article L. 6321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. » ;
2° L'article L. 6321-3 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 6321 -3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l'article L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l'employeur pendant leur réalisation. » ;
3° L'article L. 6323-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l'article L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l'autorisation d'absence est de droit dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié bis.
Mes chers collègues, j'ai bien noté, ce soir, dans notre assemblée, une forme d'unanimité pour reconnaître que la langue française est un merveilleux vecteur d'intégration, voire d'assimilation.
Pourtant, n'en déplaise à certains d'entre vous, les Français n'ont pas toujours parlé français ! Ma propre grand-mère – cela ne date pas d'hier ! – ne parlait pas français, bien que sa famille eût été française depuis de nombreuses générations.
À cet égard, l'école républicaine est sans doute l'un des meilleurs creusets d'intégration et de formation. Mais l'entreprise pourrait et, en tout cas, devrait l'être elle aussi. Je m'étonne donc que l'article 2 ait été rejeté par notre commission des lois.
Je le répète, nos entreprises sont autant de lieux propices à l'apprentissage de la langue française : elles sont à même de prendre en charge cet enseignement au titre de la formation continue.
Je l'observe notamment dans le territoire dont je suis l'élu : le fait de partager la même langue est source de réussite pour nos entreprises, dans la mesure où elle est source de cohésion sociale. C'est tout particulièrement vrai pour la société qui fabrique les plus grands et les plus beaux bateaux du monde.
Sourires.
Plus largement, je sais combien les chefs d'entreprise de mon territoire sont soucieux d'assurer la maîtrise de la langue française par tous leurs salariés.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous demandons le rétablissement de l'article 2.
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l'amendement n° 388 rectifié ter.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 564 est présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.
L'amendement n° 586 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l'article L. 6321-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. Par dérogation, pour les salariés visés à l'article L. 7221-1 du code du travail et ceux employés par les particuliers employeurs visés à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, les modalités d'application du précédent alinéa sont renvoyées à un décret. » ;
2° L'article L. 6321-3 est ainsi rétabli :
« Art. L. 6321 -3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l'article L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l'employeur pendant leur réalisation. » ;
3° À l'article L. 6321-6, les mots : « à l'article L. 6321-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 6321-2 et L. 6321-3 » ;
4° L'article L. 6323-17 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l'article L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l'autorisation d'absence est de droit dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'État.
« Par dérogation, pour les salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du présent code et ceux employés par les particuliers employeurs mentionnés à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, les modalités d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont renvoyées à un décret. »
La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l'amendement n° 564.
En tant que nouveau sénateur, je suis assez admiratif de la manière dont ce projet de loi chemine.
À l'origine, il y a une volonté politique forte du Gouvernement, non seulement de réguler les flux migratoires, mais aussi de mieux intégrer les étrangers en situation régulière.
Cette volonté a rencontré celle de la majorité sénatoriale, laquelle, en commission, a enrichi le présent texte. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître la nécessité de mieux réussir l'intégration des personnes étrangères. L'apprentissage de la langue française est évidemment au cœur de ce travail.
Pour relever un tel défi, il faudra la mobilisation de tous, à commencer par les personnes concernées : les étrangers en situation régulière doivent faire l'effort d'apprendre le français.
Parallèlement, il faut mobiliser à la fois les pouvoirs publics, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales, la société civile, le monde associatif, mais aussi les entreprises. Pourquoi ces dernières seraient-elles les seules à s'exonérer de ce devoir collectif ? Il s'agit ni plus ni moins que de permettre la bonne intégration des étrangers admis à rester sur notre sol.
J'en suis profondément convaincu : au titre de leur responsabilité sociale, les entreprises doivent permettre à leurs salariés allophones de suivre des cours de français sur leurs heures de travail. Voilà pourquoi nous proposons, nous aussi, un amendement de rétablissement de l'article 2.
Les entreprises doivent être au cœur du défi que représente l'intégration des personnes étrangères en situation régulière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, on peut avoir l'impression que nous traitons de sujets quelque peu secondaires. Or l'article 2, malheureusement, supprimé par votre commission des lois, est extrêmement important.
À la suite des précédents orateurs, que je tiens à remercier de leurs propos, je vous invite, moi aussi, à rétablir cet article.
Un salarié étranger suivant un parcours d'intégration doit disposer, pendant ses heures de travail, du temps nécessaire pour suivre des cours de français. C'est indispensable pour qu'il puisse s'intégrer et faire siennes les valeurs de la République.
Il s'agit avant tout d'une mesure de justice.
Ces étrangers en cours d'intégration appartiennent souvent aux classes ouvrières ou populaires. Ce sont par exemple les femmes de ménage, évoquées par M. Brossat, qui assurent l'entretien des bureaux de La Défense pour que les cadres puissent y travailler dans de bonnes conditions.
Ces personnes ont souvent une heure et demie de transports tôt le matin, une heure et demie de transports tard le soir. Elles ne peuvent pas suivre des cours de français à d'autres moments de la journée – pour ma part, je suis sensible à cet argument. Elles doivent élever leurs enfants, malgré le manque de moyens. Elles font souvent face à un certain nombre de difficultés personnelles, si bien qu'elles ne peuvent pas suivre de cours de français l'après-midi, même si ces derniers sont gratuits : elles n'en ont tout simplement pas le temps.
Bien sûr, nous devons écouter les demandes de main-d'œuvre exprimées par le patronat. Mais, de leur côté, les entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale.
Le « 1 % logement », qui aujourd'hui fait florès, a vu le jour dans ma région. Par ce biais, les patrons contribuent au logement de leurs employés.
À la responsabilité patronale environnementale, qui peut prendre diverses formes, à la nécessité de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes, doit s'ajouter cette responsabilité patronale que constitue l'intégration des salariés de l'entreprise.
Un tel effort est d'autant plus juste que ces salariés ne passent pas tout leur temps dans les locaux de leur entreprise : ils vivent dans notre société au sens large. Or nous avons à « subir » la mauvaise intégration de certaines personnes que nous avons fait venir, indépendamment du fait que les entreprises qui les salarient ne leur ont pas permis de s'élever socialement, alors que c'est aussi le but du travail et le rôle de l'entreprise : celle-ci ne saurait être mue par la seule recherche du profit.
Nous en appelons dès lors au patriotisme des entreprises.
Contrairement à d'autres gouvernements, nous avons refusé de leur imposer une taxe pour financer l'intégration. Ce choix aurait été si facile ! Mais nous avons préféré faire le pari social de l'entreprise : quand un patron embauche un étranger en difficulté ou au début de son intégration, des cours de français doivent être proposés pendant les heures de travail.
J'ajoute une remarque à l'intention des travées de la droite, où l'on a sans doute été sensible à un certain nombre d'arguments énoncés hors de cette assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, si vous voulez être cohérents avec nos positions communes, qu'il s'agisse de l'article 3 ou de tout autre article, vous devez reconnaître qu'un salarié en cours d'intégration est évidemment moins compétitif qu'un Français ou qu'un étranger parfaitement intégré. Toutefois, en dédiant une partie de ses 35 heures de travail hebdomadaire à l'apprentissage du français, à ce parcours d'intégration, au prix d'une moindre compétitivité sur le moment, ce qui peut certes nuire à l'embauche de cet étranger, parfois d'ailleurs au profit d'un étranger en situation irrégulière qui ne s'engage pas dans ce parcours, nous lui permettons, à terme, de travailler plus efficacement.
La suppression de cet article en commission a été, je le sais, votée sur votre initiative. Je ne veux pas croire que la position exprimée alors est celle d'un grand parti gaulliste, pour qui le travail a toujours été un vecteur d'émancipation et non une simple source de profit.
Je comprends que ces dispositions gênent un certain nombre de directions d'entreprise – pas toutes, d'ailleurs : beaucoup de patrons m'ont fait savoir qu'indépendamment des organisations professionnelles ils s'efforçaient d'améliorer les conditions sociales de leurs ouvriers et de leurs employés –, mais je ne saurais accepter sans rien dire la suppression de l'article 2.
Je m'efforce donc de vous en convaincre : les dispositions dont il s'agit sont éminemment sociales et patriotiques. Nous demandons au patronat, non pas d'acquitter une taxe, mais d'apporter une petite contribution – on pourrait parler du « 1 % langue », du « 1 % intégration », du « 1 % patriotisme » – en faveur d'une main-d'œuvre que nos entreprises font venir sur le territoire national, notamment parce qu'elle leur coûte moins cher.
Ne considérez pas le seul profit tiré de cette main-d'œuvre : ce sera l'honneur de cette assemblée. Les précédents orateurs l'ont très bien rappelé – je relève d'ailleurs que le premier d'entre eux n'appartient pas à la majorité gouvernementale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rétablir l'article 2, qui ferait l'honneur de notre capitalisme à visage humain !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J'ai été troublée un instant, en entendant M. le ministre dire en aparté à Mme la présidente du groupe communiste qu'à force de parler comme elle il pourrait presque adhérer au parti…
Sourires.
Mme Cécile Cukierman. Pas tout de suite ! Il n'est pas encore au niveau A2 !
Nouveaux sourires.
Ma chère collègue, je vous laisse la responsabilité de vos propos et je reprends le fil de mon intervention !
Pourquoi la commission a-t-elle fait le choix de supprimer cet article, donc à présent de s'opposer à ces amendements de rétablissement ?
Il me semble que nous sommes au moins d'accord sur un point, qui relève d'ailleurs de l'évidence : la langue est un facteur d'intégration pour les personnes étrangères.
Monsieur le ministre, avons-nous, à cet égard, une obligation de moyens ou une obligation de résultat ? Nous n'aboutissons pas tout à fait à la même conclusion. Mais, de manière générale, nous considérons que la langue est un facteur d'intégration.
Reste la question suivante : sur qui doit peser l'effort l'intégration des étrangers par la langue ?
Dans certains pays, c'est la responsabilité de l'étranger lui-même : il doit atteindre un certain niveau de langue en se débrouillant par ses propres moyens. Nous n'avons pas fait ce choix, mais, dans l'absolu, nous aurions pu le faire : cela n'aurait rien de choquant.
Aux termes de l'article 2, que nous avons supprimé en commission, l'effort devrait reposer sur l'employeur, qui, aujourd'hui, a déjà la faculté de fournir des formations au français langue étrangère (FLE).
Dans les entreprises, évoquées par M. Grosvalet, où la sécurité est en jeu, il est évident que l'employeur garantit lui-même ce niveau de formation puisqu'il assume, in fine, la sécurité de son salarié.
Aujourd'hui, s'il le souhaite, l'employeur peut donc parfaitement assurer l'intégration de son salarié par la langue, dans le cadre du travail.
Faut-il pour autant faire peser sur lui l'intégralité de cette formation et de ce travail d'intégration ? Ce n'est pas le choix qu'a fait la commission.
L'intégration par la langue, telle que nous la concevons depuis le commencement de cette discussion, est d'abord à la charge de l'État.
Dans un grand élan de générosité, monsieur le ministre, vous avez sous-amendé un amendement du groupe communiste – décidément ! §visant à créer des cours de langue gratuits. À présent, vous indiquez que le Gouvernement aurait pu recourir à une taxe : j'y vois la preuve que ce travail de formation et d'intégration par la langue relève bel et bien de l'État. C'est tout le sens de toutes les mesures dont nous avons débattu.
Quant à l'employeur, il agit à l'échelle de son entreprise, mais il ne saurait supporter tout le poids de cette politique. Je rappelle que l'article 2 ne lui laisse aucun choix : c'est sur les heures de travail et, finalement, à ses frais que la formation se déroulera.
Non, ce n'est pas dans cet esprit que nous examinons le présent texte. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 20 rectifié bis et 388 rectifié ter ?
À l'évidence, madame la rapporteure, nous avons une différence d'appréciation très forte.
Nous ne demandons pas aux entreprises de payer la formation : nous leur demandons de libérer moins de 5 % du temps de travail des salariés concernés pour qu'ils puissent apprendre le français grâce à des formations payées par l'État.
C'est un levier considérable pour favoriser l'embauche de Français ou d'étrangers réguliers parfaitement intégrés : il faut savoir faire preuve de cohérence, notamment au sujet de la régularisation des travailleurs des métiers en tension. On redoute effectivement l'appel d'air qu'une telle mesure pourrait provoquer, ou encore l'existence d'une « armée de réserve », composée de personnes qui sont nécessairement moins bien payées, pour la simple et bonne raison qu'elles parlent moins bien le français : elles sont moins à même de se défendre et acceptent plus facilement les emplois qui leur sont proposés.
Dès lors, la question est assez simple.
Soit on considère, dans une logique étatiste, que la puissance publique est responsable de tout, absolument tout. Dans ces conditions, il ne fallait prévoir ni le « 1 % logement », ni aucune exigence environnementale, ni aucune mesure en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ou de l'accompagnement du handicap.
Soit on considère que les patrons embauchant des personnes qui ne parlent pas bien le français, mais sont ensuite appelées à vivre dans notre société en fréquentant des lieux de culte, en prenant le métro, en accédant au logement, en parcourant l'espace public, ou encore en adhérant à un club de sport, doivent concourir à leur émancipation, car c'est là le rôle social de l'entreprise. Dans ce cas, il faut rétablir l'article 2.
Ledit article n'a rien de révolutionnaire. Il demande, alors que l'État va tout payer, 5 % du temps de travail de ces salariés. Il ne me paraît pas choquant que la femme de ménage évoquée précédemment puisse apprendre le français pendant ses heures de travail. Ce n'est pas du niveau A2 du parti communiste, pour reprendre l'expression de Mme Cukierman.
Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur tous les amendements de rétablissement de l'article 2, madame la présidente.
Monsieur le ministre, à vous entendre, une telle formation ne pourrait que favoriser l'insertion sociale et économique des étrangers : je suis d'accord à 100 %. Mais, dans ce cas, elle doit être prise en charge par les pouvoirs publics.
Vous nous répliquez que l'effort profiterait certainement aux entreprises elles-mêmes : voilà pourquoi vous entendez leur transférer cette charge, que vous estimez à 5 % du temps de travail des intéressés.
Le problème, c'est que votre article 2, comme ces amendements de rétablissement, n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact sérieuse.
Excepté quelques considérations de portée générale, l'étude d'impact de l'article 2 est dramatiquement muette sur ce point.
Parlez-en à Mme Olivia Grégoire, votre collègue chargée des petites et moyennes entreprises. Notre délégation aux entreprises l'a entendue le 8 juin dernier, au titre de notre rapport sur la simplification des règles et normes applicables aux entreprises. Lors de son audition, nous avons précisément pris pour exemple l'article 2 du présent texte pour relever l'absence de toute étude d'impact sérieuse : elle en est restée sans voix.
Voici le problème, monsieur le ministre : à force de dire que les petites modifications ne coûtent pas cher, elles s'accumulent, jusqu'à représenter – c'est un rapport de l'OCDE qui le dit – 60 milliards d'euros par an pour les entreprises françaises, soit 3 % du PIB. Peut-être que les dispositions de l'article 2 ne coûtent pas cher, mais il est impossible de le savoir sans une étude d'impact sérieuse, argumentée et fondée.
Quant à la différenciation pour les entreprises, je ferai remarquer que les dispositions de votre article 2 s'appliqueraient sans distinction ni ménagement à elles toutes, de la très petite entreprise (TPE) à la grande entreprise. Or les TPE n'ont absolument pas les moyens de financer des formations, fussent-elles de langue française, pour les salariés. Ce dispositif est contre-productif : elles ne pourront pas embaucher d'étrangers, elles ne répondront donc pas à l'ambition de l'article 2.
Nous ne pouvons donc pas voter ces amendements. §
Nous voterons les amendements de rétablissement de cet article, y compris celui qu'a présenté le Gouvernement.
Je suis frappé par la vision exposée par Mme la rapporteure et nos collègues de la majorité sénatoriale : dès qu'une obligation quelconque est envisagée vis-à-vis des employeurs, une telle mesure devient impossible !
Tout de même, mes chers collègues !
En l'occurrence, vous avez supprimé cet article. Je veux à ce propos rappeler, même si nous y reviendrons plus tard dans la semaine, le sort que vous avez réservé à l'article 8 : en le supprimant, vous avez retiré du projet de loi les sanctions qu'il instaurait à l'encontre des employeurs qui font sciemment le choix d'exploiter des travailleurs sans-papiers.
Or, en supprimant cet article-ci, vous prouvez que vous ne voulez pas non plus que des salariés aient la possibilité d'apprendre le français sur leur temps de travail !
Si l'on souhaite construire l'intégration, tout le monde doit prendre sa part ; je ne vois pas pourquoi les employeurs ne pourraient pas le faire.
Nous avons un débat politique, qui permet d'exposer différents projets de société.
Pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui caricaturent et généralisent : non, tous les patrons de notre pays ne sont pas des patrons voyous, bien au contraire !
De manière empirique – mon propos n'a pas vocation à se substituer à une étude d'impact –, quand je discute, dans mon département, avec des patrons, des employeurs – chacun utilisera le mot qu'il préfère –, qu'ils soient ou non à jour de leurs cotisations au Medef, la plupart d'entre eux reconnaissent qu'ils doivent prendre en charge cette formation.
Ils ne sont pas idiots : la générosité, c'est bien, mais quand elle rapporte, c'est toujours mieux ! S'il faut donner un peu de temps à certaines personnes pour mieux les former, mieux leur apprendre le français, la productivité horaire et la rentabilité en seront renforcées, nous le savons tous ; on ne sort donc pas de la logique de la performance économique.
Mais ayons plutôt un réel débat de société : que voulons-nous mettre ou ne pas mettre dans la loi ? Pour ma part, je suis persuadée que les entreprises, quelles qu'elles soient, peu importe leur taille, ont une responsabilité sociale et territoriale.
Elles ne doivent certes pas tout payer à la place des autres, mais elles ne peuvent pas pour autant s'exempter de tout, laisser l'État tout prendre à sa charge.
On peut défendre une vision étatiste et centralisatrice. Mais, selon moi, donner quelques heures à des femmes et des hommes pour l'apprentissage du français, ce n'est ni payer une formation ni mettre en péril l'activité économique des entreprises.
Nous voterons donc ces amendements.
M. Brossat nous reproche d'être les suppôts du Medef, de défendre systématiquement les entreprises. Il évoqué notre suppression de l'article 8 ; nous n'y sommes pas, nous aurons l'occasion d'en discuter quand nous y parviendrons dans l'ordre de la discussion, mais je tiens tout de même à préciser que ledit article prévoyait, de manière malencontreuse, l'instauration d'une amende administrative qui existait déjà…
Je souhaiterais également indiquer à M. Brossat – et non pas lui rappeler, car il n'était pas encore des nôtres –, que notre amendement de suppression de cet article était identique à celui du groupe communiste…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Si, monsieur Brossat, le groupe communiste aussi demandait la suppression de cet article, que vous le vouliez ou non !
M. Ian Brossat proteste.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Rietmann, nous ne devons pas parler du même article. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, il est prévu – c'est une mesure de droit commun – que cette formation soit prise en charge non par les TPE elles-mêmes, mais par les opérateurs de compétences (Opco).
M. Olivier Rietmann s'exclame.
Oui, monsieur le sénateur, ce sont les Opco qui ont cette responsabilité. Ils compensent, à hauteur de 1 000 euros par an, le temps de travail ainsi consacré à la formation d'un salarié ; ils remboursent de la sorte ces 5 % du temps de travail destinés à permettre au salarié de s'intégrer dans la République française.
Voilà ce que l'on demande aux entreprises. L'étude d'impact est réalisée par les services du ministre du travail.
J'assume ne pas avoir la même position qu'une ministre chargée de l'économie ; c'est normal. Elle défend le principe de l'entreprise, tandis que moi, je défends l'intérêt général, celui de chacune et chacun.
M. Olivier Rietmann proteste.
Si vous partez du principe que dans notre pays l'entreprise n'a aucune espèce de vocation sociale, qu'elle ne doit chercher qu'à augmenter son profit ou sa productivité, alors nous avons une divergence philosophique majeure.
Bien sûr, une entreprise doit faire du profit ; pour cela, il faut que le moins de taxes possible les frappent : je suis le premier à défendre cette idée-là ! Mais une entreprise a aussi une vocation sociale. Elle ne peut ni polluer la planète ni considérer que l'inégalité entre les femmes et les hommes soit quelque chose de formidable… §Elle doit permettre un certain nombre d'activités pour les personnes en insertion professionnelle, d'où les clauses sociales d'insertion dans les marchés publics.
Et quand elle embauche des personnes qui lui coûtent moins cher, elle oublie parfois cette vocation. Ce que nous racontons, c'est vieux comme Marx, cela ne me paraît pas très révolutionnaire ! D'ailleurs, tous les courants de pensée ont abordé cette question depuis très longtemps, sauf ceux qui sont absolument libéraux à tout point de vue. Oui, la vocation sociale de l'entreprise existe !
On peut en revanche comprendre les difficultés des petites entreprises : celles de moins de 50 salariés ne sont donc pas concernées par la mesure. Certes, elles devront libérer du temps de travail, mais une compensation sera faite par les Opco, à hauteur de 1 000 euros par an, monsieur le sénateur ; ne faites donc pas dire n'importe quoi à cette mesure !
Il faut assumer son choix. Soit l'on considère que les entreprises n'ont pas de vocation sociale d'intégration – ou plutôt de contribution à l'intégration, puisqu'elles ne paient pas la formation financée par l'État – de leurs salariés étrangers qui parlent mal français, et l'on aborde cette question seulement sous l'angle du profit ; soit l'on admet qu'elles doivent contribuer, comme elles l'ont toujours fait, notamment en matière de logement ou de vacances. En suivant votre raisonnement, on ne créerait plus de comité d'entreprise, on n'accompagnerait plus les salariés dans telle ou telle action sociale… Ce n'est pas ainsi que l'on fera vivre le capitalisme !
Aussi, je suis en parfait désaccord avec vous, car je pense qu'il existe une vocation sociale des entreprises. On parle de 5 % du temps de travail, dans une année, pour pouvoir former des personnes qui ne parlent pas français. Cela me paraît raisonnable, surtout quand on veut embaucher quelqu'un.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 20 rectifié bis et 388 rectifié ter.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 2 est rétabli dans cette rédaction et les amendements identiques n° 564 et 586 n'ont plus d'objet.
À l'ouverture de la présente séance, la commission des lois a pris l'initiative de demander la réserve de l'examen du chapitre II du titre Ier du projet de loi – c'est-à-dire les articles 3, 4, 5, 6 et 7, ainsi que les amendements tendant à créer des articles additionnels avant ou après lesdits articles – jusqu'après l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 13.
L'objectif était d'en débattre demain après-midi ou demain soir. Malheureusement, nous n'avançons pas très vite…
Nous n'avons pas examiné beaucoup d'amendements, mais c'est le temps normal du débat ; je ne le conteste pas.
Cela étant dit, je propose, afin de tenir la promesse que j'avais voulu faire, que nous levions cette réserve, de sorte que nous puissions examiner les dispositions des articles 3, 4, 5, 6, et 7 dès demain, dans l'après-midi ou la soirée, et ce en suivant le cours normal de la discussion.
Je me suis permis de consulter les présidents de groupe sur cette décision ; j'ai obtenu leur accord.
Je suis saisie d'une demande de la commission tendant à revenir sur la réserve de l'examen du chapitre II du titre Ier et à reprendre l'examen des articles dans leur ordre initial.
Cette demande est de droit quand elle émane de la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
L'amendement n° 522 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 21-19 du code civil, le 7° est abrogé.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Être français, cela s'hérite ou se mérite. Or le droit en vigueur permet à un réfugié d'obtenir la nationalité française sans condition de résidence. Aussitôt reconnu réfugié, aussitôt naturalisé !
Au total, sous la présidence d'Emmanuel Macron, 680 000 premières demandes d'asile ont eu lieu, sachant que le taux d'acceptation de ces demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est de près de 42 %. Autrement dit, 280 000 étrangers ayant obtenu le statut de réfugié depuis 2017 peuvent prétendre à la nationalité française : c'est l'équivalent de la ville de Bordeaux !
Au-delà de la théorie, notre droit doit refléter notre exigence et notre fermeté. On doit faire cesser toute incitation à l'émigration vers la France et alléger la surcharge qui pèse sur nos préfectures.
En effet, les réfugiés, par l'asile qui leur est accordé, bénéficient déjà d'un régime d'exception.
Aucun mérite ni aucune urgence ne leur confèrent le droit d'être exempté d'un temps minimal de résidence en France pour accéder à la nationalité française, a fortiori quand le texte donne à observer un dévoiement du droit d'asile au profit de l'immigration clandestine.
Aussi, mes chers collègues, pour que ce projet de loi soit non pas un simple texte de plus sur l'immigration, mais la première et unique loi sur la non-immigration, je vous invite à supprimer cette possibilité du Ceseda.
L'exemption, accordée aux réfugiés, d'une durée minimale de résidence pour obtenir une naturalisation est prévue par la convention de Genève. Ils ne sont toutefois pas dispensés des autres obligations prévues par le législateur : ils ne sont pas naturalisés automatiquement parce qu'ils sont des réfugiés. Ils doivent justifier de leur assimilation à la communauté française, ainsi que d'un niveau de langue, qui a été fixé au niveau B2 par la commission, c'est-à-dire à un niveau assez élevé.
L'avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 523 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 21-20 du code civil est abrogé.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Cet amendement s'inscrit, en cohérence, dans la continuité du précédent.
On remarque dans l'article 21-20 du code civil une référence évocatrice à « l'entité culturelle et linguistique française ». Message au locataire de l'Élysée : dans le droit positif, la culture française existe bel et bien !
Cependant, la compétence linguistique n'est pas suffisante pour garantir l'assimilation d'un étranger à la communauté nationale. La France n'est pas une idée, on ne peut devenir Français qu'en vivant durablement en France et en acceptant ses lois, ses codes, son art de vivre et son identité.
En 2022, 321 millions de personnes parlaient français, parmi lesquelles 255 millions en faisaient un usage quotidien. Cette population, en progression de 7 % en quatre ans seulement et répartie entre 112 pays et territoires, soit presque toute la surface du globe, représente donc quasiment cinq fois la population de la France.
Certes, le partage de notre langue est un lien fort, mais, juridiquement, tous ces gens peuvent à ce jour acquérir la nationalité française au moment de leur arrivée en France, sans y avoir vécu au préalable. C'est une prime à l'immigration francophone de masse.
Il faut évidemment respecter l'indépendance des pays francophones, mais ne mélangeons pas tout ! Ils ne sont pas la France. Plus précisément, ils étaient la France et n'ont plus souhaité l'être.
Il faut un peu plus qu'une bonne expression française pour prétendre mériter et obtenir la nationalité française. Le séparatisme peut se faire en français. Je rappelle que Mohamed Mera et les frères Kouachi parlaient parfaitement le français ; à Marseille les trafiquants de stups, les assassins du stup, parlent parfaitement français ; les racailles qui ont mis la France à feu et à sang il y a quelques mois parlaient elles aussi le français.
Ce critère linguistique n'est donc pas une garantie suffisante d'assimilation et présente un risque évident d'affluence migratoire massive.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de voter la suppression de l'exemption d'un délai de résidence en France pour l'acquisition de la nationalité par un étranger francophone.
Monsieur Ravier, il n'est pas totalement illogique, selon nous, que des personnes qui partagent déjà avec nous la langue, mais également la culture françaises – c'est bien ainsi qu'est rédigé cet article du code civil – soient dispensées de ce stage. Au reste, ces personnes ne sont pas dispensées de satisfaire aux autres conditions fixées pour la naturalisation.
L'avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 526 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 25 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° S'il a été condamné en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Cet amendement vise à rétablir une version antérieure, plus extensive, de l'article 25 du code civil, de manière à faciliter le recours à la déchéance de nationalité en cas d'infraction commise en France ou à l'étranger.
Si les conditions de naturalisation doivent être restreintes en amont, la déchéance de nationalité doit nous permettre de faire sortir plus aisément de la communauté nationale les éléments sécessionnistes et conquérants.
Une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement doit pouvoir suffire pour déchoir un binational de sa nationalité française, que l'infraction ait été commise en France ou à l'étranger.
Si les juges sont souverains dans leurs décisions, nous devons tout de même élargir la possibilité donnée au pouvoir politique de recourir à une politique de déchéance de nationalité, pour assurer l'ordre public et la sécurité de tous.
Aujourd'hui, un quart des détenus en France sont condamnés pour une peine de cinq ans ou plus. Au vu de l'insécurité et de la surpopulation carcérale, notre pays doit se réserver le droit de déchoir de sa nationalité et, ainsi, de pouvoir expulser tout binational ayant acquis la nationalité française par naturalisation, déclaration, manifestation de volonté, réintégration ou mariage.
Actuellement, les binationaux sont exclus des chiffres de la délinquance et de la population carcérale étrangère. Il est donc difficile d'objectiver cette réalité. Il est de la responsabilité du ministre de l'intérieur de fournir ces données. Il s'agit d'une question de cohésion nationale, mais aussi d'une exigence de contrôle de l'application par le Gouvernement des politiques publiques et d'un droit des citoyens à la transparence.
La nationalité française se mérite. Trop de binationaux profitent des protections de la justice et du laxisme judiciaire pour faire régner la terreur et entretenir le communautarisme.
La naturalisation n'est pas un chèque en blanc. Trop souvent nous connaissons des manifestations, nombreuses et violentes, de la part des binationaux sur notre sol, car ces derniers se sentent à l'abri de tout retour de bâton.
Pour ces raisons, il nous faut élargir les conditions de recours à la déchéance de nationalité ; la fermeté est plus que jamais de mise !
L'amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mme Lopez, MM. Bruyen, Cadec, Genet et Saury, Mme Jacques, MM. Bonneau, Sido, Chasseing, Somon et Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 25 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° S'il est condamné pour un acte qualifié d'homicide ou de tentative d'homicide commis sur un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mon amendement tend également à modifier le code civil, mais il diffère de ceux que vient de présenter M. Ravier.
Celui-ci a pour objet de rappeler que, selon les statistiques officielles, les forces de l'ordre et, plus largement, les Français ont eu à déplorer, chacune des dernières années, entre quatre et seize décès de policiers ou gendarmes en mission.
Aujourd'hui, je voudrais, sur le fondement de l'article 25 du code civil, ouvrir la possibilité de déchoir de sa nationalité française un binational ayant porté atteinte à la vie d'un gendarme, d'un policier, ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique.
Je ne reviens pas sur la procédure de déchéance de nationalité, qui sanctionne des faits d'une particulière gravité ; vous pourrez vous référer à l'exposé des motifs de mon amendement.
Je dirai simplement que l'accès à la nationalité, c'est l'aboutissement de l'intégration. Dans le champ de l'intégration, il y a aussi la question de la nationalité. Il est important, selon moi, que l'on donne ce signal de cohésion, de solidarité et de cohérence à nos concitoyens.
En droit de la nationalité, notamment en matière de déchéance, un certain équilibre a été atteint. Il nous a semblé que la disposition défendue par M. Ravier, au vu de son caractère assez large, aurait pour effet de déséquilibrer le droit existant.
Nous avons envisagé d'un œil plus favorable les dispositions proposées par Mme Boyer, puisqu'elles visent un point qui n'est pas indifférent à la question de l'intégration, à savoir l'homicide, ou la tentative d'homicide, d'une personne dépositaire de l'autorité publique.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 526 rectifié de M. Ravier et un avis de sagesse sur l'amendement n° 50 rectifié de Mme Boyer.
Il est défavorable sur ces deux amendements, mais, en tout cas pour le second, ce n'est pas pour des raisons de fond : on pourrait discuter des propositions faites par Mme Boyer, voire être d'accord avec elle, mais, je le redis, je ne souhaite pas que nous abordions ici les sujets liés à la naturalisation et à la nationalité, qui relèvent d'un autre code et n'ont donc pas leur place dans le présent projet de loi. Nous estimons donc que ces dispositions constituent des cavaliers législatifs, qui seront sans doute censurés par le Conseil constitutionnel ; j'y insiste pour les futurs lecteurs de nos débats.
Monsieur le ministre, j'entends bien votre argument, mais, même répété, il ne me convainc pas. On ne peut pas, en même temps, prétendre légiférer sur l'immigration et l'intégration et refuser d'aborder la nationalité.
Il me semble que l'amendement n° 50 rectifié, relatif aux dépositaires de l'autorité publique, qui sont particulièrement malmenés aujourd'hui, pourrait recueillir l'assentiment de nos collègues. Ainsi, on enverrait aujourd'hui un signal extrêmement important et pertinent au regard du sujet dont nous débattons, l'immigration et l'intégration.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mme Lopez, MM. Bruyen et Cadec, Mme P. Martin, MM. Genet, Szpiner et Saury, Mmes Muller-Bronn et Jacques, M. Chasseing, Mme Imbert, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent et Devésa, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article 25–1 du code civil est ainsi rédigé :
« Les dispositions de cet article ne s'appliquent pas si les faits reprochés à l'intéressé sont mentionnés au 1° de l'article 25. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
L'amendement n° 49 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous avons examiné 94 amendements au cours de la journée ; il en reste 433.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 8 novembre 2023 :
À quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
À seize heures trente, le soir et la nuit :
Désignation des 23 membres de la commission d'enquête sur l'impact du narco-trafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (droit de tirage du groupe Les Républicains) ;
Désignation des 21 membres de la délégation sénatoriale aux outre‑mer autres que les 21 sénateurs d'outre-mer, membres de droit ;
Suite du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (procédure accélérée. texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023).
En outre, avant la suspension de l'après-midi :
Désignation des 37 membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 8 novembre 2023, à zéro heure cinquante-cinq.